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nents; enfin la France a eu ses Jacques, dont les démagogues de 1851 viennent de renouveler les exploits.

Ce furent, en effet, dans les troubles qu'amenèrent les guerres malheureuses des rois de France contre les Anglais, qu'éclata pour la première fois cette terrible insurrection qu'on appela la Jacquerie. Le roi de France était prisonnier; les grands barons étaient tués ou défaits; la fleur de la noblesse gisait sur les champs de bataille de Crécy et de Poitiers. Il ne restait plus pour défendre la société monarchique et féodale que des veuves et des orphelins, des femmes et des enfants. Voilà le moment que choisirent les partageux du moyen âge pour faire main-basse sur la propriété.

<< En 1358, dit Froissart, advint une grande merveilleuse tribulation en plusieurs parties du royaume de France, si comme en Beauvoisin, en Brie et sur la rivière de Marne en Valois, en Laonais, en la terre de Coucy et autour Soissons. Car aucunes gens des villes champêtres s'assemblèrent en Beauvoisin, et s'en allérent sans autre conseil et sans nulles armures, fors que de bâtons ferrés et de couteaux, en la maison d'un chevalier qui près de la demeurait. Si brisérent la maison et tuérent le chevalier sa dame et ses enfans, petits et grands et ardirent ( brûlèrent ) la maison.

» Secondement, ils s'en allèrent en un autre fort chatel et firent pis assez; car ils prirent le chevalier et le lièrent à nn estache bien et fort; et violèrent sa femme et sa fille les plusieurs, ce voyant le chevalier; puis tuèrent la femme qui était enceinte et grosse d'enfant, et sa fille et tous les enfants, et puis le dit chevalier à grand martyre et ardirent et abbattirent le chatel. Ainsi firent-ils en plusieurs châteaux et bonnes maisons, et multiplièrent tant que ils furent bien six mille; et partout là où ils venaient leur nombre croissait; car chacun de semblance les suivait. Si que chacun chevalier, dames et écuyers, leurs femmes et leurs enfants, les fuyaient; et emportaient les dames et les damoiselles, leurs enfants dix ou vingt lieues de loin où ils se pouvaient garantir; et laissaient leurs maisons toutes vagues et leur avoir dedans.

» Ces méchantes gens robaient et ardaient tout, et tuaient et efforçaient et violaient toute dames et pucelles sans pitié et sans merci, ainsi comme chiens enragés. Certes, oneques n'avait

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entre Chrétiens et Sarrasins telle forcenerie que ces gens faisaient, ni quilplus fissent de maux et de plus vilains faits et tels que créature ne devrait oser penser, aviser ni regarder; et cil (celui) qui plus en faisait était le plus prisé et le plus grand maître entre eux.

» Je n'oserais écrire ni raconter les horribles faits et inconvenables qu'ils faisaient aux dames. Mais, entre les autres désordonnances et vilains faits, ils tuérent un chevalier et le boutérent (mirent) en une broche, et le tournérent au fèu et le rôtirent devaut la dame et ses enfants. Après ce.que dix ou douze eurent la dame efforcée et violée, ils les en voulurent faire manger par force, et puis les tuèrent et firent mourir de male mort.

» Et avaient fait un roi entre eux qui était, comme on disait adonc, de Clermont en Beauvoisis, et l'élurent le pire des mauvais et ce roi s'appelait Jacques Bonhomme. Ces méchantes gens ardirent au pays de Beauvoisin et environ Corbie et Amiens et Montdidier plus de soixante bonnes maisons et de forts chateaux, et si Dieu n'y eut mis remède par sa grâce, le meschef fût si multiplié que toutes communautés eussent été détruites, saintes églises après et toutes riches gens par tous pays; car tout en telle manière si faites gens faisaient au pays de Brie et de Pertois.

» Et convint toutes les dames et les demoiselles du pays, et les chevaliers et les écuyers, qui échapper leur pouvaient, affuir Meaux en Brie l'un après l'autre, ou pures leurs cotes, ainsi omme elles pouvaient: aussi bien la duchesse de Normandie et la duchesse d'Orléans, et foison de hautes dames, comme autres, si elles se voulaient garder d'être violées et efforcées, puis enfin tuées et meurtries.

» Tout ensemblable manière si faits gens se maintenaient entre Paris et Noyon, et entre Paris et Soissons et Ham et Vermandois, par toute la terre de Coucy. Là étaient les grands violeurs et malfaiteurs; et excluèrent que entre la terre de Coucy, que entre la comté de Valois, que en l'évêché de Laon, de Soissons et de Noyon plus de cent châteaux et bonnes maisons de chevaliers et écuyers, et tuaient et robaient quant que ils trouvaient. Mais Dieu par sa grâce y mit tel remède, de quoi on e doit bien regracier. »

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On peut apprécier, par cet épisode, le caractère de l'insurrection des Jacques, qui devint générale dans les campagnes. Ce fut la guerre des chaumières contre les châteaux, des blouses contre les habits, du pauvre contre le riche, du fainéant contre le travailleur, du lâche contre le vaillant. Les nobles de toutes les provinces, avertis de leurs horribles exploits, se fortifièrent dans leurs demeures. Ils se concertèrent et se rallièrent. De s chevaliers étrangers vinrent au secours des grands propriétaires de France. Ces chevaliers et leurs hommes d'armes attaquèrent, combattirent, détruisirent en détail cette multitude insurgée, qui n'avait de force que pour l'assassinat, le pillage et le viol. Le roi de Navarre, dans un seul comhat, extermina, près de Beauvais, trois mille de ces misérables, dont le chef, nommé Guillaume Caillet, fut pris et pendu.

Lorsque la masse de ces hordes fut dispersée, on en poursuivit partout les débris. En vain ils voulurent chercher un refuge dans les villages même d'où était partie la révolte, les habitants redoutant leur approche, s'entouraient de fossés, de remparts, pour se garantir de toute communication avec elles, et la repoussaient à coups de pierres et de piques. Tout fut pris et tué.

Voilà précisément la guerre que les socialistes, ces Jacques du XIXe siècle, voulaient recommencer contre la civilisation, à l'imitation des Jacques, ces socialistes du XIVe siècle. Seulement, les démagogues de 1851 ne peuvent même pas invoquer le peu de circonstances atténuantes qui militent en faveur des pauvres serfs d'autrefois; les inégalités sociales ont disparu. Restent les inégalités naturelles qu'il n'est donné à personne d'effacer de ce monde, et contre lesquelles les communistes se sont révoltés vainement.

Toutes ces fureurs, toutes ces haines, toutes ces cupidités, toutes ces bassesses s'étaient ajournées au mois de mai 1852. Cette époque venue, la guerre eût éclaté simultanément sur tous les points du territoire; l'incendie eût allumé toutes les maisons, et livré aux démagogues la fortune et la vie de tous les honnêtes gens. Le gouvernement, attaqué avec furie dans les grands centres de population, à Paris, à Lyon, à Marseille, à Bordeaux, à Rouen, à Lille, à Strasbourg, et forcé, par conséquent, de concentrer ses troupes, eût nécessairement dégarni tous les points secondaires, dont l'insurrection s'emparait sans

coup férir. Dans quel torrent de sang et de souillures se fût étouffée d'elle même cette épouvantable conflagration, c'est ce qu'on ne peut calculer sans frémir.

La Providence n'a pas permis que les lois divines et humaines subissent une pareille atteinte. Elle a suscité le bras du prince Louis-Napoléon; et la France délivrée a jeté un cri d'allégresse. Mais le monstre du socialisme n'a pas été écrasé sans combats.

C'est le récit de ces luttes courtes, mais douloureuses, que nous mettons aujourd'hui sous les yeux du public. Enseignement triste, en même temps que fécond; car c'est à la grandeur du péril évité qu'il faut mesurer l'étendue des actions de grâce.

Tout bon Français qui lira les pages qui vont suivre saura mieux ce que la Religion, la Famille et la Propriété, ce que la Morale et la Civilisation doivent à l'Héritier de l'Empereur.

SOCIÉTÉS SECRÈTES.

Nous ne pouvons mieux faire, pour expliquer l'action persévérante et redoutable des sociétés secrètes, que d'emprunter à un éminent écrivain, M. Cucheval-Clarigny, les documents instructifs qu'il a publiés dans un des organes les plus importants de la presse. On ne saurait donner trop de publicité à de pareilles conceptions de la perversité humaine. Nous leur donnons surtout la nôtre, afin de prémunir les malheureux ouvriers et les honnêtes habitants de la campagne contre les piéges infàmes que les meneurs socialistes tendaient à leur crédulité..

On faisait appel à leurs sentiments généreux, et en réalité on les poussait, à leur insu, à l'assassinat et au pillage

Que les derniers événements les éclairent donc, et leur apprennent qu'ils n'ont à attendre du socialisme que le déshonneur et le crime.

La réorganisation et la multiplication des sociétés secrètes datent de la présentation à l'Assemblée constituante, en avril 1849, du projet de loi qui a interdit les clubs. On voulut continuer dans les ténèbres l'œuvre qu'on ne pouvait plus poursuivre au grand jour. Il existait à ce moment, à Paris, depuis le mois de janvier 1849, une association intitulée la Solidarité républicaine, fondée expressément en vue de la propagande démocratique. Cette association, qui était présidée par le représentant Martin Bernard, qui avait ses bureaux rue Coquillière, 15, et rue des Bons-Enfants, 1, et qui avait pour organe un journal à elle, devait avoir des succursales dans toutes les -villes de France.

Elle devint naturellement et immédiatement le centre d'un vaste réseau d'associations qui enveloppait le territoire entier. Elle eut en très peu de temps des ramifications à Marseille, à

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