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A part ces distinctions, ce droit est réciproque, votre mari ayant également la faculté de vous faire des libéralités plus ou moins étendues, par testament ou par donation, selon qu'il est majeur ou mineur; de même qu'il peut toujours les révoquer quand elles ne sont pas renfermées dans le contrat de mariage.

116. Cette distinction si importante donne naissance à un problème dont la solution intéresse l'harmonie du ménage est-il prudent de se faire, dans le contrat de mariage, des donations entre époux, qui sont toujours irrévocables, ou bien ne vaut-il pas mieux que les fiancés conservent la liberté de se faire pendant leur mariage des donations toujours révocables? Les praticiens varient sur cette grave question, et les économistes y trouveraient un champ inépuisable de controverses. Avant de vous marier, mesdemoiselles, consultez là-dessus vos parents et le notaire, qui en savent quelque chose.

§ 4. Donations aux époux et à leurs descendants.

117. « Les enfants ou leurs descendants succèdent à leurs père et mère, aïeuls, aïeules, ou autres ascendants, sans distinction de sexe ni de primogéniture, et encore qu'ils soient issus de différents mariages. — Ils succèdent par portions égales et par tête, quand ils sont tous au premier degré et appelés de leur chef; ils succèdent par souche, lorsqu'ils viennent tous ou en partie par représentation » '.

1. C. civ., art. 745.

Ainsi, telle est la dévolution de la loi, que l'enfant légitime unique est appelé à recueillir toute la succession de ses père et mère qui viennent à mourir sans laisser d'autre enfant légitime; que la succession se divise en deux parts égales quand il y a deux enfants, en trois parts lorsqu'il y en a trois.

Mais il est permis aux père et mère de faire des libéralités en disposant d'une portion de leur hérédité : chacun d'eux peut donner ou léguer, soit à l'un de leurs enfants, soit à des étrangers, la moitié de ses biens s'il n'a qu'un enfant à sa mort, un tiers s'il a deux enfants, un quart s'il en a trois ou un plus grand nombre 1. Ce qui établit une réserve au profit des enfants et une quotité disponible.

Sont compris sous le nom d'enfants les descendants légitimes, à quelque degré que ce soit ; néanmoins ils ne sont comptés que pour l'enfant qu'ils représentent dans la succession de l'aïeul ou de l'aïeule'.

118. Que résulte-t-il de ces dispositions combinées ? C'est que le père, de même que la mère, de même que l'aïeul ou l'aïeule, peut, dans le contrat de mariage de son enfant ou descendant, lui donner entre-vifs par anticipation ou bien lui garantir une certaine quotepart dans sa succession future 3.

Cette donation d'une part héréditaire se nomme ordinairement institution contractuelle.

L'institution contractuelle sera « présumée faite au

1. C. civ., art. 913.

2. Art. 914.

3. Art. 1081 et suiv.

profit des enfants et descendants à naître du mariage », lesquels seront appelés à en recueillir le bénéfice « dans le cas où le donateur survivrait à l'époux donataire »> ; à moins que l'institution ne soit faite avec exclusion des enfants à naître 1.

L'institution contractuelle peut d'ailleurs être faite textuellement tant au profit des époux ou de l'un d'eux qu'au profit des enfants à naître du mariage, pour le même cas où l'époux donateur survivrait à l'époux donataire 2.

Elle « sera irrévocable en ce sens seulement que le donateur ne pourra plus disposer, à titre gratuit, des objets compris dans la donation, si ce n'est pour sommes modiques à titre de récompense ou autrement ». Mais le donateur aura toujours le droit d'aliéner à titre onéreux, c'est-à-dire de vendre, échanger, hypothéquer les biens et de les grever de dettes 3.

§3. Effets du mariage vis-à-vis des père, mère, ascendants, tuteur, curateur, beau-père et belle-mère de la femme.

119. Quels sont les effets du mariage de la fille majeure ou mineure?

Il en produit de deux sortes: quant aux rapports de la jeune femme avec ses parents ou son tuteur, et quant aux rapports avec son mari et ses parents.

D'abord, le mariage émancipe de plein droit la femme

1. Marcadé, sur l'art. 1082.

2. Ibid.

3. Art. 1083; Zachariæ, t. III, p. 325.

mineure, sans que cette émancipation tacite puisse être révoquée pour une cause quelconque, pas même par la dissolution du mariage, à la différence de l'émancipation expresse faite devant le juge de paix qui est révocable en cas d'engagements excessifs'.

Les père et mère perdent l'usufruit légal des biens de leur fille, en même temps qu'ils cessent d'avoir la gestion de sa personne, la garde, le droit de correction. et l'administration de sa fortune ".

3

Le mariage éteint la tutelle si la fille mineure y était soumise, et le tuteur est remplacé par le mari, qui devient curateur légal de son épouse 3 et qui, à ce double titre, l'assistera désormais dans les actes importants qu'elle fera.

De même si, avant son mariage, la jeune fille avait été émancipée expressément par déclaration devant le juge de paix, le curateur déjà nommé par le conseil de famille cesserait ses fonctions et serait remplacé par le mari curateur légal.

120. La belle-fille et le gendre devraient des aliments à leurs beau-père et belle-mère qui seraient dans le besoin; et réciproquement.

Mais la belle-mère ou la bru qui convolent à secondes noces n'ont plus le droit de réclamer des aliments l'une contre l'autre.

Et la dette alimentaire s'éteint absolument lorsque

1. Voir le numéro 97, supra.

9. Voir le numéro 45.

3. C. civ., art. 2208; rej. 4 févr. 1868. Contra, Laurent, Principes de droit civil, n° 209.

4. Art. 476-487.

celui des époux qui produisait l'alliance meurt sans postérité du mariage, ou bien lorsque les enfants nés viennent à mourir et lui aussi 1.

Bien que la pension alimentaire doive, en principe, être servie en argent, il appartient au tribunal d'apprécier si, eu égard à l'état de gêne de celui qui doit les aliments, il aura la faculté de recevoir et de nourrir chez lui son beau-père, sa belle-mère, sa belle-fille ou son gendre2.

121. L'époux qui a besoin d'aliments doit en demander à son conjoint avant de s'adresser à ses enfants ou à ses père et mère, même en cas de séparation de corps.

Si le mari abandonne le domicile conjugal, il est tenu de payer à sa femme une pension annuelle pour subvenir à ses besoins.

Il doit lui fournir des aliments, même hors du domicile conjugal, lorsque, par suite de ses mauvais traitements, elle ne peut y habiter avec sûreté 5.

Réciproquement, la femme est tenue de fournir des aliments à son mari qui est dans le besoin, lorsqu'il a été obligé d'abandonner la maison commune par le fait de sa femme, avec laquelle il ne peut vivre sans danger.

Le mari séparé de biens a contre sa femme une action en pension alimentaire, quand il manque de

1. C. civ., art. 206, 207.

2. Marcadé, sur l'art. 207.
3. Rouen, 2 mai 1857.

4. Rej., 12 janv. 1808.
5. Montpellier, 23 déc. 1830.

6. Bordeaux, 3 févr. 1853.

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