Page images
PDF
EPUB

suivre le remboursement des capitaux, créances, obligations et rentes, de les recevoir et d'en donner quittance1.

En principe vos biens dotaux, meubles et immeubles, sont inaliénables. Ils ne peuvent être donnés, hypothéqués, vendus ou échangés sans votre consentement ou sans autorisation de justice'.

Néanmoins la jurisprudence de la Cour de cassation permet au mari de disposer librement de la dot mobilière de sa femme, des rentes, actions, créances, à moins que ces valeurs ne soient déclarées inaliénables par une stipulation textuelle du contrat de mariage3.

Par exception, vous pouvez donner vos biens dotaux pour l'établissement de vos enfants d'un précédent mariage avec l'autorisation de votre mari, à son refus avec l'autorisation de la justice en réservant l'usufruit au mari, ou bien pour l'établissement des enfants communs avec l'autorisation de votre mari *.

130. Lorsque vous possédez des paraphernaux, vous en conservez la propriété; vous avez, quant à ces biens, la jouissance et la libre administration; mais vous ne pouvez disposer de vos meubles et valeurs mobilières, ni vendre, hypothéquer ou échanger vos immeubles, sans l'autorisation de votre mari ou de la justice; vous

1. C. civ., art. 1540, 1549.

2. Art. 1554.

3. Rej. 1er août 1866. - Le régime dotal est le plus conservateur (né anciennement dans le pays où fleurit l'oranger, il s'implanta dans la contrée où fleurit le pommier; puis il a fini par prendre racine dans notre Code civil).

4. Art. 1555, 1556.

contribuez aux charges du mariage; vous touchez seule les revenus de ces paraphernaux et consentez les baux; vous seule pouvez recevoir vos capitaux '.

§ 10. Administration des biens de la femme mariée sous le régime dotal avec société d'acquêts.

131. Alors vous avez adopté deux régimes, l'un principal, le régime dotal avec son caractère et ses effets tels que nous venons de les définir, l'autre secondaire, une société d'acquêts, par laquelle vous avez fondé une caisse commune, qui comprend uniquement les revenus des biens des deux époux, les épargnes, les bénéfices, les économies, et qui se partagera entre vous.

Cette association est gérée par le mari, qui administre tous les biens et qui encaisse tous les revenus à l'exception de ceux que la femme s'est réservés.

C'est le mari qui supporte les charges du ménage, sans que la femme puisse être poursuivie sur la propriété de ses biens dotaux; tandis qu'elle pourrait l'être sur ses biens paraphernaux en cas d'insuffisance des revenus des biens des deux époux.

§ 11. Administration des biens de la femme séparée de biens.

132. «Lorsque les époux ont stipulé par leur contrat de mariage qu'ils seraient séparés de biens, la femme conserve l'entière administration de ses biens meubles

1. C. civ., art. 1574-1577. V. Rodière et Pont, Contrat de mar., no 1978.

et immeubles et la jouissance libre de ses revenus 1. >> Alors la femme mineure émancipée par son mariage fait seule tous les actes de pure administration. Notamment elle touche elle-même ses revenus sur ses quittances; et, à moins de convention contraire, elle contribue aux charges du ménage jusqu'à concurrence du tiers de ces revenus, et pour le tout si son mari n'a pas de ressources2.

Elle fait des baux qui n'excèdent pas neuf années sans avoir besoin d'autorisation, et elle peut les renouveler deux ou trois ans d'avance3.

Pour toucher ses capitaux, vendre et transférer ses rentes, actions, obligations, valeurs mobilières quelconques, et pour en recevoir le prix, la femme mineure a besoin de l'assistance de son mari-curateur, qui est tenu d'en surveiller l'emploi*.

Mais la femme mariée en minorité deviendra majeure. Alors elle cessera d'être sous la curatelle de son mari, et elle aura quelquefois besoin de son autorisation comme mari non plus comme curateur; de même que cette femme ne sera plus obligée de faire emploi de ses capitaux et le mari plus tenu de surveiller.

Quels seront alors les pouvoirs de cette femme qui, mariée en minorité, sera devenue majeure? Absolument les mêmes que si elle s'était mariée déjà majeure.

Il nous reste donc à exposer quels sont les pouvoirs

1. C. civ., art. 1536.

2. Art. 1448, 1537.

3. Voir le numéro 138, infra.

4. Art. 482.

de la femme séparée de biens contractuellement qui est majeure au moment où elle se marie, ou qui atteint sa majorité depuis son mariage. Nous allons le faire avec les développements que comporte cette nouvelle situation.

133. Est-ce là, me direz-vous, tout ce que nous avons gagné en adoptant le régime de la séparation de biens?

Patience, mesdames, vous ne perdrez rien pour avoir assisté au long défilé des graves dispositions de la loi. Vous ne pouvez avoir déjà oublié ce petit article bijou : La femme séparée conserve « la jouissance libre de ses revenus 1».

C'est-à-dire que librement, sans entraves, sans contrôle, vous pouvez palper vos revenus, les dépenser, les donner, les prêter, les placer même à fonds perdu, tout cela vous est permis. Il vous est aussi permis d'économiser 2.

Puis, n'oubliez pas que la femme séparée « conserve l'entière administration de ses biens meubles et immeubles ».

Vous n'avez donc plus qu'à administrer sagement, en bonne mère de famille, suivant le langage du palais, et à encaisser les revenus. Au sentiment des économistes, l'encaissement est l'attribut le plus précieux du droit d'administrer; vous avez incontestablement ce droit.

Désormais vous pouvez donc, seule, en pleine liberté, user et jouir de vos biens comme vous l'entendrez;

1. C. civ. art. 1536.

2. Troplong, Contrat de mariage, t. II, no 1422.

recevoir toute espèce de revenus, émarger, signer des reçus à vos fermiers, à vos locataires, au Trésor, à la Banque de France, aux compagnies.

134. Par contre, vous ne pouvez seule consommer ces revenus en totalité, encore moins les prodiguer. En l'absence de convention dans votre contrat de mariage, vous devez contribuer aux charges du ménage et aux frais d'éducation de vos enfants jusqu'à concurrence du tiers de vos revenus, et vous êtes obligée de supporter entièrement ces charges s'il ne reste rien à votre mari1. En principe, la femme séparée de biens doit verser en argent aux mains du mari sa part contributoire des charges du ménage et de l'entretien de la famille.

Le mari, suivant les circonstances, pourra quelquefois pratiquer une saisie-arrêt sur les revenus de sa femme, ou bien se faire autoriser par justice à toucher directement une portion de ces revenus pour la contribution de l'épouse aux charges communes.

Si le ménage commun fait des dettes, les créanciers ont généralement action contre la femme pour sa part contributoire. Et s'il ne reste rien au mari, la femme étant tenue de supporter entièrement les charges, les créanciers pourront agir contre elle pour la totalité3.

Quand la femme séparée a volontairement laissé la jouissance de ses biens à son mari, celui-ci n'est tenu qu'à représenter les fruits existants; il n'est point comptable des fruits qui ont été consommés jusqu'alors,

1. C. civ., art. 1448, 1537.
2. Paris, 27 janv. 1855.
3. Paris, 21 avril 1830.

« PreviousContinue »