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femme séparée a besoin d'autorisation pour vendre ou échanger son mobilier, c'est-à-dire ses meubles corporels ou incorporels, créances, rentes, obligations, actions. Après un nouvel examen de la question, je suis bien d'avis qu'elle peut faire cette sorte de contrat sans autorisation 1.

Si du moins le monde des affaires, conservateur par tempérament, avait adopté une marche uniforme sur cette question usuelle. Mais loin de là: tantôt on refuse à la femme toute capacité pour vendre ou transférer ses meubles, ses créances, rentes, actions et valeurs quelconques; tantôt on lui accorde ce pouvoir dans une certaine mesure; rarement on le lui reconnaît complètement; quelquefois même on va jusqu'à lui refuser le droit de recevoir un capital qui est arrivé à échéance. Entrons dans quelques développements.

144. Maintenant, après une longue résistance, le Trésor public consent à opérer sur son registre le transfert d'une rente sur l'État par une femme séparée, pourvu qu'un agent de change lui présente le transfert.

Ainsi encore quelques compagnies d'assurance contre l'incendie ou sur la vie ne font pas difficulté d'opérer sur leurs registres le transfert d'actions de leur société consenti à autrui par une femme séparée de biens.

Au contraire, d'autres compagnies d'assurance et généralement les compagnies de chemins de fer rejettent impitoyablement ces sortes de mutations.

145. Quand une femme veut mettre en sûreté sous

1. Cass., 18 mai 1819; Lyon, 18 juin 1847; Duranton, t. II, no 505.

son nom des titres nominatifs ou au porteur lui appartenant, les comptoirs financiers n'en acceptent le dépôt que sur la justification régulière de sa séparation; et, cette justification faite, elle n'éprouvera pas de difficulté pour renouveler ce dépôt, retirer les titres, non plus que pour en toucher les revenus, intérêts, arrérages ou dividendes, qui auront été encaissés par le dépositaire.

Une femme séparée veut-elle convertir en titres au porteur des actions ou des obligations nominatives sur une ville ou sur une compagnie, elle éprouve le plus souvent une résistance qui la met dans la nécessité de plaider; mais généralement elle obtient gain de cause, la jurisprudence paraissant fixée en ce sens qu'une conversion de ce genre « constitue, non un acte d'aliénation, mais un acte d'administration » 1.

La femme séparée peut librement recevoir le remboursement de ses capitaux et de ses valeurs mobilières, en donner quittance, consentir mainlevée des inscriptions hypothécaires, diriger des poursuites contre les débiteurs. Mais il ne faut pas oublier que la femme doit être autorisée toutes les fois qu'elle exercera des poursuites judiciaires; et que, si elle est mineure, elle a besoin, pour toucher, de l'assistance de son maricurateur, chargé de surveiller l'emploi.

146. Lorsqu'elle est majeure, elle a pleine faculté de placer à son gré les deniers provenant de ces remboursements.

Elle peut même les prêter, les donner en comman

1. Cass., 4 août 1873.

2. Troplong, Contrat de mariage, no 1423.

dite, pourvu qu'elle ne s'engage pas comme responsable dans une association commerciale sans être autorisée par son mari lui-même.

Encore bien qu'on lui conteste quelquefois le droit de placer ses capitaux en rente viagère, il est certain que la plupart des compagnies d'assurance sur la vie ne demandent pas qu'elle y soit autorisée. Sans aucun doute un acte de cette nature sera toujours considéré comme administration valable, surtout lorsque l'insuffisance des ressources des époux fait à la femme une obligation de prudence de recourir à ce mode d'accroissement de ses revenus1.

147. La femme séparée de biens ne peut vendre ou échanger ses immeubles sans y être autorisée par son mari ou par la justice, avec formalités judiciaires quand elle est mineure, n'importe la nature de ces biens, terres, maisons, actions immobilisées de la Banque de France

ou autres.

Cette prohibition embrasse même les bois taillis, les bois de haut jet, les carrières et les tourbières, qui n'ont pas été mis en coupes et exploitations réglées.

Elle comprend aussi tous les actes qui entrent dans la catégorie des aliénations, tels que baux excédant neuf années, hypothèques, établissement ou extinction de servitudes foncières, antichrèses".

On est d'accord que la femme séparée ne peut, sans autorisation, s'obliger ou engager ses biens par des em

1. Troplong, Contrat de mariage, no 1422; Dutruc, Séparation de biens, no 345.

2. C. civ., art. 217, 218, 457, 460. V. Troplong, nos 1417, 1421; Douai, 10 déc. 1872.

prunts ou des opérations que dans les limites d'une administration sage et réservée, sauf aux tribunaux à réduire les engagements qui lui paraîtraient exagérés. Elle ne saurait donc seule souscrire des promesses indéfinies, par exemple: prendre à ferme pour longues années; cautionner, c'est-à-dire garantir la dette d'autrui; donner un aval de garantie (ces deux derniers actes participant de la donation entre-vifs), ni devenir exécutrice testamentaire1.

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148. Elle peut être chargée de procuration; mais elle ne répondra de l'exécution du mandat que jusqu'à concurrence du profit qu'elle en aura retiré.

Elle n'a pas capacité pour employer des capitaux à des opérations de bourse hasardeuses, à moins d'y être autorisée 2.

La loi lui interdit de s'obliger en faisant des acquisitions à titre onéreux sans y être autorisée, c'est-à-dire d'acheter ou d'échanger, soit un immeuble, soit des valeurs mobilières d'une notable importance.

La loi lui interdit également d'accepter une libéralité, à moins d'y être autorisée tout spécialement, parce qu'il est utile que le mari connaisse la donation et sa cause'.

149. Quand une femme séparée est appelée par la loi ou par une donation à recueillir une succession, elle ne peut ni la répudier, ni l'accepter même sous bénéfice d'inventaire, sans y être autorisée, ces deux actes corrélatifs excédant les limites de l'administration.

1. Cass., 15 août 1841; Mourlon, sur l'article 1029.

2. Rej., 30 déc. 1862.

3. C. civ., art. 217.

Elle ne pourrait pas davantage, sans autorisation, vendre ou céder ses droits héréditaires mobiliers et immobiliers. Elle peut céder ses droits dans une succession toute mobilière.

Mais elle n'a pas besoin d'autorisation pour partager une succession mobilière, tandis qu'elle en a besoin pour un partage comprenant des immeubles'.

150. On ne saurait contester à une femme séparée de biens la propriété de ses œuvres de l'esprit, ouvrages d'art, de littérature ou de science.

Mais pourrait-elle librement traiter avec un éditeur pour la publication ou la reproduction de ces compositions? Oui, parce que ce traité rentrerait dans la catégorie des actes d'administration.

Par la même raison, elle n'aura pas besoin d'assistance ou d'autorisation pour prendre à son nom un brevet d'invention, pour déposer un dessin de fabrique, ou pour en concéder l'exploitation.

En un mot, elle a pleine capacité de faire ces divers actes, pourvu qu'ils n'aient pas le caractère commercial; autrement l'autorisation de son mari lui serait indispensable, sans pouvoir recourir utilement à celle de la justice.

§ 12. Autorisation à la femme mariée.

151. Règle générale, absolue, sans exception: sous tous les régimes, une femme majeure ou mineure ne peut ester en justice, c'est-à-dire plaider sur une difficulté relative à sa personne ou à ses biens, soit en 1. Dalloz, Répertoire, vo SUCCESSION, no 1614.

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