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est commerçant bon gré, mal gré, envers tous et contre le vœu de la loi même, à moins qu'il ne rentre dans la classe des personnes que la loi déclare incapables, telles que les interdits, les conseillés judiciaires, les mineurs d'âge, les femmes mariées non autorisées. Prenez un fonctionnaire public, il y a incompatibilité entre son état et le négoce; cependant, s'il se livre habituellement au trafic, il devient commerçant avec toutes les conséquences qui s'ensuivent. Ce fonctionnaire doit aussi s'abstenir d'autoriser sa femme, même s'opposer à ce qu'elle exerce le commerce, et pourtant, si elle trafique habituellement sous ses yeux, elle devient commerçante et en fait rejaillir sur lui toutes les responsabilités. On oublie trop que le commerce ne produit pas que des roses, qu'il y a des revers, des déceptions, trop souvent la roche Tarpéienne, la faillite.

La femme peut être commerçante en dehors du mari; néanmoins, il y a toujours quelque chose de faux et de presque regrettable dans cette situation : les intérêts se croisent, il y a une quasi-séparation de vues, ce n'est plus l'harmonie intime qui doit régner dans tous les actes entre époux. La femme prend à son insu une indépendance relative qui l'écarte un peu de son rôle; il y a là un écueil. En outre, si les affaires de la femme périclitent, si une ombre entache la responsabilité de son négoce, le mari devient solidaire, sa position personnelle peut en souffrir.

En un mot, nous recommandons à une femme mariée une grande circonspection avant de se lancer dans des entreprises dont son mari n'a pas la direction.

CHAPITRE II.

CONDITIONS ET CHARGES COMMUNES AU COMMERCE.

232. La bonne tenue de registres est une preuve d'ordre et un élément de succès dans la pratique du com

merce.

Tout commerçant est tenu d'avoir un livre journal, un livre des inventaires annuels, et un registre de copie des lettres qu'il envoie.

Ces trois registres sont sur papier libre.

Le livre journal et le livre des inventaires doivent être préalablement cotés, parafés et visés, sans frais, soit par un juge du tribunal de commerce, soit par le maire ou un adjoint du lieu de la résidence du commerçant, et la loi l'oblige à les conserver pendant dix années.

En fait, la formalité du visa préalable est trop souvent omise dans les grands centres commerciaux. Elle a cependant une importance considérable, puisque, en droit strict, cette formalité est essentielle pour la régularité des écritures. Qu'on en juge par les conséquences sui

vantes :

1o Les livres régulièrement tenus peuvent être admis par le tribunal pour faire preuve entre commerçants pour faits de commerce1;

2o Mais les registres des marchands ne vont point jusqu'à faire preuve contre les personnes non marchandes des fournitures qui y sont portées. Seulement, lorsque 1. C. comm., art. 8-12.

ces registres sont régulièrement tenus, le juge peut y puiser un commencement de preuve et déférer le serment à l'un ou à l'autre des plaideurs 1;

3o Dans le cours d'une contestation, le tribunal a la faculté d'ordonner la représentation des livres, même d'office, à l'effet d'en extraire ce qui concerne le différend;

4° Si le plaideur aux livres duquel on offre d'ajouter foi refuse de les représenter, le tribunal pourra déférer le serment à l'adversaire ;

5o Le failli qui n'a pas tenu de livres ou bien qui en a tenu d'irréguliers ou d'incomplets peut être déclaré banqueroutier simple;

6° En cas de difficulté, les livres d'un commerçant, même irrégulièrement tenus, peuvent être invoqués contre lui par son adversaire 2.

233. Si vous voulez, mesdames, vous rendre exactement compte de votre situation voir clair à vos affaires, pour employer une locution admise ayez soin de faire chaque année, sous seing privé, l'inventaire de votre actif et de votre passif, et de le copier sur un registre spécial à ce destiné. La loi le veut ainsi, d'accord avec votre intérêt. Entre autres conséquences, au cas de déconfiture commerciale, c'est-à-dire en cas de faillite, celui qui n'a pas fait correctement inventaire peut être déclaré banqueroutier simple 3.

En dehors des conditions d'âge et de capacité, l'exer

1. C. civ., art. 1329, 1330; Dalloz, vo Commerçant, no 249.

2. C. comm., art. 17, 586; Cass., 10 déc. 1862; Dalloz, no 255. 3. C. comm., art. 9, 586.

cice d'une profession commerciale ou industrielle n'est pas soumis à d'autre obligation générale que celle de payer patente. Mais, à raison de leur importance pour l'intérêt public, certaines professions commerciales réclament une action plus directe de l'État, une surveil lance particulière de l'administration 1.

Ainsi, en obligeant les commerçants et les industriels à se conformer aux règlements de police, la loi exige tantôt une simple déclaration préalable, tantôt une autorisation; telles sont les professions dites réglementées. Entre autres, sont soumises à la déclaration préalable et à la tenue d'un registre spécial, les marchandes revendeuses à la toilette et généralement toutes les brocanteuses. Sont soumises à l'autorisation préalable toutes les industries qui s'exercent sur la voie publique ou dans des lieux publics pour exemples, on ne peut sans la permission de l'autorité ouvrir un débit de liquides, un restaurant, un bureau de placement; de même pour installer un établissement industriel incommode, insalubre ou dangereux, compris dans la catégorie des établissements dits classés. Ajoutons que quelques industries sont l'objet d'une surveillance plus particulière de la part de l'autorité, à raison de la délicatesse de leur caractère, de la nature des éléments qu'elles renferment, des grands dangers qu'elles présentent; sous ce rapport, le commerçant et l'industriel doivent offrir d'autant plus de garanties.

1. L. 2 mars 1791.

2. L. 16-24 août 1790; Décr. 15 oct. 1810, 15 déc. 1813; ordonn. de police 15 juin 1831; décr. 29 déc. 1851-10 janv. 1852, 25 mars-6 avril 1852.

CHAPITRE III.

CONDITIONS ET MESURES SPÉCIALES IMPOSÉES AU COMMERCE
ET A L'INDUSTRIE.

234. Pour empêcher que la liberté du commerce ne dégénère en licence, pour protéger surtout les fabricants et les inventeurs contre les usurpations et les empiétements, le législateur a édicté un certain nombre de dispositions particulières tendant au même but, en organisant des mesures et des moyens préventifs, que nous allons indiquer sommairement.

SECTION I. Des dessins de fabrique.

235. Quiconque voudra se réserver le droit de revendiquer, par la suite, la propriété d'un dessin de son invention ou de son perfectionnement, sera tenu d'en déposer, aux archives du conseil des prud'hommes du siège de son industrie, un échantillon placé sous enveloppe, revêtue de ses cachet et signature, sur laquelle sera également apposé le cachet des prud'hommes'.

S'il n'y a pas de prud'hommes, le dépôt se fait au greffe du tribunal de commerce ou bien au greffe du tribunal civil qui en remplit les fonctions'.

Les frais de dépôt sont de 1 franc par année, et de

1. L. 18 mars 1806.

2. Ordonn. 17 août 1825.

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