votre nature timide et confiante, et auquel vous êtes d'ailleurs liées par le serment. Vous mettez ainsi en jeu tous les ressorts de la publicité sans en froisser aucun. Où trouver une preuve plus évidente que vous exercez là une fonction publique?

Vous avez encore des emplois multiples dans l'administration des tabacs, dans les établissements pénitentiaires, etc.

XI. La femme dans les armées.

19. Sans pouvoir s'enrôler en qualité de soldats, les femmes sont admises dans l'armée de terre comme vivandières, cantinières, etc., et lorsque, en temps de guerre, une femme est ainsi attachée à l'armée en vertu de permission, elle se trouve assimilée aux militaires et jouit des mêmes immunités qu'eux1.

On n'admet pas de femmes sur les navires de l'État; mais quand la marine descend à terre, elle est assimilée à l'armée de terre, et alors les femmes qui y sont attachées en vertu de permission sont assimilées aux marins*.

Et combien de femmes se mettent volontairement à la tête des ambulances. Les souvenirs de la dernière guerre sont encore présents à toutes les mémoires : le dévouement des femmes de France les a spontanément assimilées à la partie militante de la nation.

1. Code de just. milit., 9 juin 1857, art. 62.

2. Code de just. maritime, 4 juin 1858, art. 88.

XII. Droit de port d'armes et de chasse.

20. Encore une étincelle de la puissance publique. Eh! mesdames, qui donc songerait à vous en priver!

J'ai rencontré plus d'une femme ayant le goût de ce plaisir, jadis régalien, et je n'ai entendu personne leur en contester l'exercice. Il en est qui vont jusqu'au braconnage; ce n'est que péché véniel.

J'ai entendu, dans mon enfance, une ci-devant jeune fille aux cheveux blancs - qui comptait quinze lustres nous raconter qu'elle avait eu deux faibles dans sa vie : elle avait toujours aimé à chasser sur les terres du voisin et à se confesser à un prêtre étranger. C'était une amazone de village, qui eût fait une aumônière de régiment.

XIII. La femme juge dans un concours artistique.

21. Vous avez, mesdames, votre place marquée dans les concours en matière artistique, dessin, danse, musique, etc. Aussi voit-on maintenant, dans les luttes du Conservatoire, les plus dignes et les plus favorisées d'entre vous siéger au milieu de l'aréopage qui décerne les prix et distribue les couronnes aux élèves de nos grands maîtres. Quand nous avons la bonne fortune d'assister à ces tournois ravissants, notre attention et notre esprit sont doublement captivés.

N'est-ce pas là encore une part dans la distribution de la justice?

XIV. La femme aux honneurs.

22. Le champ des honneurs vous est également ouvert selon vos mérites et les services que vous aurez rendus. Ainsi vous n'êtes pas exclues des pensions servies par l'État, non plus que des récompenses honorifiques ; vous pouvez recevoir les palmes académiques, la croix de la Légion d'honneur, la médaille Militaire, l'étoile du Mérite agricole.

N'enviez pas le sort. des femmes qui sont devenues régentes.

XV. La femme ambassadrice.

23. Une femme ambassadrice, quel rêve, mesdames! Il en est peu, parmi les plus modestes, qui refuseraient ce rôle. Quelle influence saurait prendre sur nos graves diplomates une femme d'esprit armée de beaux yeux. En outre, soit dit sans médisance, le langage féminin se prête si bien à l'équivoque. Que de réticences dans un mot qui semble échappé ; que de promesses dans un sourire qui provoque les confidences; et comme il est facile ensuite de se retrancher dans une prudente réserve. Une femme du monde, doublée d'une femme d'esprit, excellerait dans ce manège; elle saurait parfaitement s'équilibrer entre le oui et le non, deviner à demi-mot et conclure.

Mais nous n'avons pas encore voté pour vous, mesdames, ce brevet de capacité. Votre rôle est secondaire; néanmoins il est puissant, et la femme d'un ambassa

deur est souvent devenue un auxiliaire précieux pour son époux, une conseillère sagace, un reporter bien informé, dont les avis ont prévalu dans maintes questions fort délicates.

Je conseille à mes lectrices de se contenter sur ce point de la part qui leur est faite. La domination latente n'est pas la moins sûre.

XVI. Secret professionnel.

24. Au résumé, la femme admise à exercer certaines fonctions, qui sont généralement du domaine de l'homme, contracte les obligations inhérentes à ces fonctions. Ainsi la femme juge, la femme expert, la femme exerçant une branche quelconque de la médecine, est tenue au secret professionnel et encourrait certaines pénalités, s'il lui arrivait d'y manquer.

XVII. Conclusion.

25. Nous sommes arrivés au terme de notre examen politique, mesdames, trouvez-vous que cette énumération ne vous reconnaît pas des droits bien précieux? Sans doute la législation pourrait vous attribuer des droits plus nombreux et plus étendus, le droit à la direction des affaires publiques proprement dites, en vous faisant électrices, éligibles à la fonction de sénateur, de député, de conseiller général, de maire, de juré. Malgré tout leur prix, ce sont là des titres bien lourds à porter; pour preuve le nombre regrettable d'électeurs

qui s'abstiennent de voter, les expédients employés par beaucoup de jurés pour ne pas siéger. Quant aux fonctions municipales, vous êtes constamment à même de voir qu'elles sont souvent une cause de ruine ou un sujet de déception.

Consultez l'histoire ou la chronique, et, parmi les quelques femmes qui ont voulu aider leur mari dans la conduite des affaires publiques, c'est à peine si vous rencontrerez un exemple de succès. Les femmes les mieux douées ont tout intérêt à rester femmes, le rôle d'homme ne leur porte pas bonheur : elle n'eut pas un sort digne d'envie la femme du ministre d'État qui, à la fin du dernier siècle, partagea ouvertement avec son mari le fardeau de l'administration, et cependant elle ne manquait ni de capacité ni de caractère.

En tout cas, mesdames, votre état actuel est l'œuvre du temps, et le temps, ami du progrès, ne saurait manquer d'exaucer une partie de vos vœux en élargissant le cercle de votre capacité légale. Voyons, ce qui me semble bien plus important et plus précieux pour vous, quelle est l'étendue de vos droits en matière civile et en matière commerciale.