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PREMIÈRE PARTIE.

DROITS POLITIQUES, CIVIQUES ET DE FAMILLE.

247. Les Françaises étant privées de l'exercice des droits politiques proprement dits, on ne comprendrait pas que les étrangères y fussent admises.

Néanmoins, nous pourrions citer quelques gouvernements dont la constitution associe les femmes au partage de la puissance publique et de la vie politique.

Ainsi, en Angleterre, le suffrage pour les fonctions municipales est accordé depuis quelques années aux femmes, c'est-à-dire aux filles majeures ou aux veuves; les femmes mariées en sont exclues, le législateur ayant supposé qu'elles seraient trop portées à voter selon les idées de leurs maris et que par conséquent leur suffrage ne serait pas suffisamment libre.

Or on vient de constater que, dans le Wyoming, comté des Etats-Unis d'Amérique, où les femmes mariées sont investies, depuis quelque temps, de tous les droits politiques, la grande généralité d'entre elles votent tout à fait en opposition avec les opinions de leurs seigneurs et maîtres.

Sans examiner si ce droit concourt à la prospérité du pays et à la paix du foyer domestique, constatons que cette capacité politique des femmes, non plus que

celle des hommes, ne s'étend jamais au-delà des frontières.

Rentrons dans la règle.

I. La femme étrangère arbitre juge.

248. Bien que le compromis entre individus ne touche qu'à un intérêt privé, l'esprit se refuse à admettre qu'une femme étrangère puisse participer à rendre la justice en France. C'est en ce sens que la Cour de cassation l'a décidé relativement à un étranger choisi pour arbitre, en se fondant sur le motif que la Constitution de l'an III exige la qualité de Français pour exercer une fonction publique1. La cour d'appel de Paris a jugé de même2; et cette opinion est généralement professée3.

II. La femme étrangère expert-arbitre rapporteur.

249. Son titre d'étrangère la rendant incapable de coopérer aux fonctions judiciaires, on incline à penser qu'elle ne saurait être investie par un tribunal français de la mission de faire une enquête, une expertise, une information, dont le résultat serait d'éclairer les organes de la justice. Cependant l'opinion contraire me paraît préférable, par le double motif que la fonction de l'expert n'est pas essentiellement publique et que son avis n'est qu'un renseignement destiné à éclairer le juge sans engager sa décision.

1. Cass., 7 flor., an V. V. Guichard, Traité des droits civils, p. 56. 2. Paris, mars 1828. V. rej., 15 mai 1838.

3. Contra, Pardessus, Droit commercial, no 1389.

4. Rolland de Villargues, Répertoire du notariat, vo FEMME, no 21.

III. La femme étrangère témoin en justice.

250. Elle doit être admise à témoigner sous la foi des garanties ordinaires à la juridiction française; gardonsnous d'écarter la vérité sous le prétexte qu'elle vient de loin 1.

IV. La femme étrangère admise à prêter serment.

251. Le serment est un acte de conscience et se comprend de même dans tous les pays; la forme seule peut différer. Il est inscrit dans nos codes français, et il peut être déféré, prêté devant un tribunal aussi bien par une étrangère que par une Française.

V. La femme étrangère gardienne de scellés.

252. En disposant qu'une femme pourra être établie gardienne des scellés, autres que ceux mis sur les effets ⚫et meubles de la nation, la loi n'a pas fait de distinction entre la Française et l'étrangère2.

VI. La femme étrangère témoin dans un acte authentique.

253. Assurément, une étrangère mérite le même degré de confiance qu'une Française. En règle générale, les femmes françaises sont écartées par notre droit public de toute coopération aux actes qu'il s'agit de re1. Dalloz, vo Droit civil, no 215; Cass., 2 févr. 1841.

2. Décr. 21 vend. an III.

vêtir du caractère de l'authenticité; c'est par exception qu'elles sont admises à participer à la rédaction d'un acte de notoriété à l'effet de suppléer à l'acte de naissance d'une personne qui veut se marier1. On trouve encore dans nos lois quelques exceptions analogues; et nous ne voyons pas pourquoi les étrangères n'y seraient pas comprises, du moment où il s'agit d'attester un fait qui est à leur connaissance personnelle.

VII. La femme étrangère exerçant la puissance maternelle.

254. La puissance paternelle est de tous les pays et s'exerce en tout lieu comme protection de l'enfance et comme élément d'ordre public; elle accompagne donc la mère étrangère sur la terre de France et elle y trouve l'appui de l'autorité française.

VIII. La femme étrangère tutrice, subrogée tutrice,
membre d'un conseil de famille.

255. La femme étrangère peut-elle devenir tutrice, subrogée tutrice, curatrice, membre du conseil de famille d'un Français ?

On est bien porté à répondre affirmativement, en considérant la tutelle comme une institution qui participe du droit naturel et du droit civil, et en s'appuyant notamment sur un arrêt de la Cour de cassation, rendu dans une espèce où un aïeul étranger avait été nommé

1. C. civ., art. 70, 71. 2. Rej., 16 févr. 1875.

subrogé tuteur de ses petits-enfants français. Néanmoins, je vois dans tout ce qui concerne la tutelle et les conseils de famille des fonctions qui forment une dépendance de la capacité politique, et je pense qu'une étrangère ne peut pas y être admise, qu'elle ne saurait être investie de la tutelle ni faire partie d'un conseil de famille concernant un Français, son fils ou son petit-fils, lors même qu'elle a été admise à la jouissance des droits civils en France1.

Quant à la tutelle des étrangers qui habitent la France continentale ou ses colonies, une femme étrangère, mère ou aïeule, peut l'exercer sur ses enfants ou petitsfils, si elle y est appelée par leur loi nationale conformément au statut personnel. Alors il appartient au consul du pays de l'organiser suivant la législation étrangère; ou bien elle peut l'être par le juge de paix de la résidence des mineurs en conformité de la règle locus regit actum, pourvu qu'une convention internationale ne s'y oppose pas 2.

IX. La femme étrangère directrice d'école publique
(maternelle, communale ou normale).

256. L'étrangère est admise à enseigner dans une école primaire ou secondaire, à la condition de justifier qu'elle jouit des droits civils en France, qu'elle s'est conformée aux mêmes prescriptions que les nationaux, et qu'elle est munie, en ce qui concerne l'enseignement

1. Demolombe, t. Ier, no 245.

2. V. rej., 19 juin 1878.

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