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est-elle négative, l'étrangère est incapable en France, lors même qu'elle a vingt et un ans révolus'.

Ce principe est incontestable, il n'y a pas à raisonner contre. La capacité des personnes repose sur la précocité de l'intelligence, sur le degré de cette intelligence, mesuré et pesé par le législateur sous l'influence du climat, des mœurs et du genre d'éducation. Le législateur ne fait pas la capacité, il en constate l'existence, il la consacre; eh bien, comprend-on qu'un étranger, qui dans son pays n'a l'intelligence suffisante pour contracter qu'à l'âge de vingt-cinq ans, devienne intelligent dès l'âge de vingt et un ans, parce qu'il aura changé de contrée ?

Néanmoins, les engagements contractés par une étrangère envers un Français pour nourriture, vêtements, logement, maladie, sont toujours obligatoires quand il n'y a pas exagération 3.

273. La puissance paternelle suit la famille étrangère sur le territoire français. Particulièrement le père et la mère, auxquels leur loi nationale reconnaît l'autorité sur leur enfant jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans, conservent

1. Fœlix, Droit international privé, p. 113; Nouguier, Tribunaux de commerce, t. II, p. 602; Dalloz, Répertoire, vo Lois, no 401.

2. Une loi du 7 février 1851 déclare « Français tout individu né en France d'un étranger qui lui-même y est né, à moins que, dans l'année qui suivra l'époque de sa majorité, telle qu'elle est fixée par la loi française, il ne réclame la qualité d'étranger par une déclaration faite, soit devant l'autorité municipale de sa résidence, soit devant les agents diplomatiques ou consulaires accrédités en France par le gouvernement étranger ». Je vois dans cette disposition la pensée, bien arrêtée chez le législateur, que, malgré leur habitation en France, les étrangers restent soumis à la loi de leur pays pour l'âge de la capacité.

3. Rej., 16 janv. 1861.

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cette autorité en France malgré l'âge de vingt et un ans de cet enfant; sauf qu'ils ne pourraient exercer le droit de correction que dans la mesure de la loi française, ce point touchant à l'ordre public.

Quand une législation étrangère autorise l'émancipation des enfants par leurs parents, ceux-ci pourront émanciper en France devant les autorités françaises, en observant l'âge fixé par la loi étrangère. Ce qui éteindra l'usufruit légal des père et mère sur les biens de France appartenant à l'émancipé.

Mais une étrangère dont le pays n'admet pas l'émancipation par le mariage ne sera pas émancipée en se mariant en France 1.

Les parents étrangers ne pourraient mettre opposition au mariage de leur enfant, pas plus que cette enfant ne serait obligée de justifier de leur consentement, si la loi étrangère n'en faisait pas un droit et une obligation. Sur ce sujet il faut encore observer l'âge fixé par la législation étrangère.

274. Pour contracter mariage en France, une étrangère doit justifier qu'elle possède la capacité requise dans son pays, en rapportant un certificat des autorités locales. L'étrangère incapable de se marier avant l'âge de seize ans selon sa loi nationale ne serait donc pas admise au mariage en France à quinze ans'; tandis qu'elle y serait admise à quatorze ans, si sa loi personnelle le lui permettait3.

1. Merlin, Répertoire, vo PUISSANCE PATERNELLE, sect. vII, no 6. 2. Gand, Code des étrangers, nos 373-376, 387.

3. Duranton, Cours de droit français, t. Ier, no 141.

En outre, il ne suffit pas à une étrangère de justifier de l'âge de capacité suivant son statut personnel, il faut encore qu'elle ne se trouve dans aucun des cas prohibitifs ou dirimants prévus par la législation française. Elle aurait donc besoin d'une dispense du gouvernement français pour épouser son oncle ou son grand-oncle; question d'ordre public et de mœurs.

Il va sans dire que le consentement des parents ou des autorités locales est exigé en France quand il l'est à l'étranger1. De même pour les publications 2.

Ainsi encore une étrangère, sujette d'un pays où la polygamie est permise, ne pourrait se marier en France avant la dissolution d'un premier mariage, ou même de tous si elle en avait contracté plusieurs; question d'ordre public et de bonnes mœurs3.

Une étrangère serait obligée d'observer le délai de dix mois de veuvage pour se remarier, et même un délai plus long si la loi de son pays le prescrivait *.

De même, ne pourrait se marier en France l'étrangère qui, par suite d'engagements et de vœux religieux, serait empêchée par sa loi nationale de contracter mariage dans son pays.

Mais une étrangère, légalement divorcée et admise à se remarier suivant les lois de son pays, pourrait contracter un nouveau mariage en France, la question de

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mœurs et d'ordre public n'étant pas sérieusement engagée1.

275. La légitimation par le mariage subséquent des père et mère est, comme le mariage lui-même, d'ordre public'. Par conséquent, tout mariage célébré régulièrement devant un officier de l'état civil français, même entre étrangers, a nécessairement pour effet de rendre légitimes, au regard de la France, non seulement les enfants qui naîtront durant ce mariage, mais encore les enfants naturels nés antérieurement et reconnus légalement par les deux époux, lors même que la législation étrangère n'admettrait pas ce mode de légitimation'.

276. La puissance maritale accompagne aussi les époux étrangers en France. Pour contracter et s'obliger, la femme reste subordonnée à cette autorité telle qu'elle est réglée par la loi de son pays; sauf qu'elle peut s'engager seule pour tout ce qui concerne les nécessités de la vie, le logement, les subsistances, les vêtements.

Elle a besoin de l'autorisation maritale pour plaider en France, lors même que cette autorisation n'est pas exigée dans son pays; question d'ordre public.

En admettant que, dans certaines contrées, l'épouse ait la priorité sur le mari, notre législation devrait respecter cet état de choses tant que l'ordre public n'en souffrirait pas. Mais une femme que son mari tiendrait dans un état voisin de la séquestration, suivant la cou

1. Cass., 28 févr. 1860, et 15 juil. 1878; Massé et Vergé, sur Zachariæ, t. Ier, § 29, p. 37, note 9. Contra, Paris, 28 mars 1843; Dalloz, Réper toire, vo Lois, no 395.

2. V. Cass., 23 nov. 1857.

3. Rej., 15 mars 1831; Dalloz, Répertoire, vo Lois, no 398.

tume ou la loi de son pays, trouverait assurément une protection légale auprès des autorités françaises.

277. Les lois qui déterminent la capacité de succéder héréditairement et les causes d'indignité sont aussi du statut personnel et suivent les étrangers sur le sol français.

De même, les lois sur la capacité de tester; de sorte que le testament fait par une étrangère, capable d'après la législation française, mais incapable suivant sa loi nationale, devrait n'être pas exécuté sur les biens de France.

278. Le statut personnel étant ambulatoire avec l'individu, accompagnant l'individu en quelque lieu qu'il aille, il semble que, dans son application, ce statut pourra se trouver en conflit avec le statut réel, qui, lui, est immobile et invariable. Oui sans doute, mais, nous l'avons déjà dit1, c'est toujours le statut réel qui l'emporte. Supposons la succession immobilière d'un étranger ouverte en France, une fille et un fils existants: la fille incapable d'hériter et le fils appelé au tout d'après la législation étrangère; la fille viendra néanmoins recueillir la moitié des immeubles de France en vertu du statut réel, par la raison que le partage héréditaire des immeubles est impérativement soumis à la loi de la situation, l'ordre des successions tenant essentiellement à l'ordre public en France.

1. Voir le numéro 268, supra.

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