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CHAPITRE IV.

LA FEMME ÉTRANGÈRE PROTÉGÉE EN FRANCE

PAR LE DROIT DES GENS.

279. Quelle que soit leur nationalité, les femmes étrangères jouissent en France des droits civils qui dérivent du droit naturel ou des gens, c'est-à-dire des avantages et de la protection qui appartiennent à tous sans qu'il soit besoin qu'une loi positive les leur confère 1.

De sorte qu'une étrangère, domiciliée en France ou simple résidente, fera valablement tous les contrats qui ont pour objet la transmission et l'acquisition d'une chose ou d'un droit; ce qui se résume en actes de vente. d'achat, d'échange, de louage, de mandat, de dépôt, de prêt, de société2.

Elle peut donc acquérir, posséder, devenir créancière, obtenir une hypothèque conventionnelle ou judiciaire sur immeubles situés en France, devenir débitrice, invoquer tous les modes d'acquisition et de libération, notamment celui de la prescription'; requérir inscription hypothécaire, apposition et levée de scellés, inventaire, et faire tous autres actes conservatoires.

1. Gand, Code des étrangers, no 167.

2. V. Laurent, Principes de droitęcivil, t. Ier, no 431.
3. Troplong, Privilèges et hypothèques, t. II, no 392 bis.
4. Id., Prescription, t. Ier, no 35.

Elle a le droit de parcours et vaine pâture pour ses bestiaux';

Le droit à une indemnité contre une commune pour dommage causé par une émeute sur le territoire communal 2;

Le même droit contre un Français ou un étranger qui aurait commis en France un fait lui portant préjudice3.

Elle a le droit de se marier*.

Elle conserve la puissance paternelle sur ses enfants, étrangers ou Français, avec les charges et les avantages qui y sont attachés, entre autres l'usufruit légal de leurs biens situés en France.

Elle peut réclamer des aliments à son mari, à ses enfants, à ses parents, et réciproquement elle leur en doit, en cas de besoin".

Elle reste soumise à la puissance maritale. Néanmoins, elle peut se faire autoriser par la justice, elle et ses enfants, à quitter la maison conjugale provisoirement, par mesure de prudence ou de police".

Elle peut faire détenir son enfant conformément aux dispositions des lois françaises 10.

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1. Dalloz, Répertoire, vo DROIT CIVIL, no 201.

2. L. 10 vend. an IV; Cass., 17 nov. 1834.

3. Demangeat, De la condition civile des étrangers, p. 393.

4. V. circ. minist. 10 mars 1824.

5. Dalloz, Répertoire, vo DROIT CIVIL, no 206.

6. Proudhon et Valette, t. Ier, p. 91.

7. Paris, 19 déc. 1833, et 2 août 1866.

8. Demolombe, t. Ier, no 104.

9. Rej., 27 nov. 1822.

10. Demolombe, t. VI, no 357. Voir le numéro 42, supra.

L'étrangère pourra témoigner devant la justice1;
Être nommée expert2;

Remplir le rôle d'interprète3;
Prêter serment en justice.

On doit pourvoir à la tutelle provisoire d'une enfant étrangère qui serait en France sans protection (sinon elle se trouverait placée sous la tutelle légale de la commission administrative de l'hospice de sa résidence). C'est ainsi qu'on procède au choix d'un tuteur ou d'un subrogé tuteur ad hoc à l'effet, soit de demander des aliments à un ascendant, soit de prendre part à un partage ou à une licitation judiciaire, à moins qu'une convention internationale ne réserve exclusivement ce droit à l'autorité étrangère.

En un mot, l'étrangère trouve en France protection et sympathie. Notre nation généreuse accueille peut-être avec trop de confiance et d'empressement tous les transfuges qui viennent ici chercher asile, plaisir ou fortune: on a les défauts de ses qualités. L'Anglais, hospitalier assurément, n'ouvre cependant pas ainsi toutes grandes les portes de sa maison; la réception est correcte, rarement intime; il sait garder une prudente réserve, laquelle nous paraît un peu froide, à nous qui cédons trop souvent à un entraînement irréfléchi.

1. Cass., 2 févr. 1841. 2. Rej., 16 déc. 1847.

3. Rej., 2 mars 1827.

4. Cass., 18 août, et 25 août 1847.

5. L. 15 pluv. an XIII.

CHAPITRE V.

L'ÉTRANGÈRE PROTÉGÉE EN FRANCE PAR DES LOIS SPÉCIALES DITES LOIS POLITIQUES.

280. Indépendamment des avantages dérivant du droit des gens que nous venons d'énumérer, de nombreux textes de lois françaises concèdent expressément et garantissent aux étrangers, même non domiciliés, certains avantages sur lesquels il y avait contro

verse.

Une étrangère a le droit de propriété littéraire en France 1.

Elle a également le droit de publier un journal, à condition que le gérant soit Français 2.

Elle peut exercer le droit de pêche, le droit de chasse et obtenir un permis ".

L'étrangère peut acquérir et posséder des actions de la Banque de France;

Obtenir une concession de mine;

Obtenir un brevet d'invention'.

Elle peut, en exploitant une industrie ou un commerce en France, bénéficier de la législation touchant

1. Décr. 5 févr. 1810, art. 40. 2. L. 29 juill. 1881, art. 1, 6. 3. L. 15 avril 1829, art. 2.

4. L. mai 1844.

5. Décr., 16 janv. 1808, art. 3.

6. L. 21 avril 1810, art. 15.

7. L. 5 juill. 1844, art. 27-29.

le nom commercial, les marques, dessins. ou modèles de fabrique1.

Elle est admise « à faire des versements à la Caisse des retraites pour la vieillesse, aux mêmes conditions que les nationaux ».

281. La plus importante de ces lois spéciales est assurément celle du 14 juillet 1819, intitulée : Loi relative à l'abolition du droit d'aubaine et de détraction, laquelle dispose que « les étrangers auront le droit de succéder, de disposer et de recevoir de la même manière que les Français dans toute l'étendue de la France3».

Seulement, «< dans le cas de partage d'une même succession entre des cohéritiers étrangers et Français, ceux-ci prélèveront sur les biens situés en France une portion égale à la valeur des biens situés en pays étranger dont ils seraient exclus, à quelque titre que ce soit, en vertu des lois et coutumes locales ».

De sorte que, depuis l'année 1819, les étrangers qui avaient été privés de ce droit, au moins partiellement, par deux dispositions du Code", sont assimilés aux Français sous le rapport du droit de succéder, de transmettre et de recevoir à titre gratuit en France, sans condition de réciprocité. Droit considérable, puis

1. L. 23 juin 1857, art. 5, 6, et 26 nov. 1873, art. 9.

2. L. 12 juin 1861, art. 3.1

3. L. 14 juill. 1819, art. 1er.

4. Id., art. 2. Déjà un décret du 26 août 1811 décidait que les Français naturalisés en pays étranger avec l'autorisation du gouvernement jouiraient du droit de posséder, de transmettre des propriétés et de succéder, alors même que les sujets du pays où ils seraient naturalisés ne jouiraient pas de ces droits en France.

5. C. civ., art. 726, 912.

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