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Le droit d'être tutrice ordinaire, subrogée tutrice, membre du conseil de famille d'un Français mineur ou interdit, même de son enfant1.

Pour exercer ces trois droits, il ne suffira pas à une femme étrangère d'être admise au domicile en France, il faut qu'elle soit naturalisée Française ou bien qu'un traité diplomatique lui attribue expressément cette faculté, par la raison que la tutelle et l'adoption touchent à l'ordre public encore plus qu'au droit civil, qu'elles sont une dépendance de la capacité civique 2.

285. Le Code civil dispose que « l'étranger qui aura été admis par l'autorisation du gouvernement à établir son domicile en France y jouira de tous les droits civils tant qu'il continuera d'y résider3». Par conséquent, une étrangère ne saurait être réputée légalement domiciliée en France, quelque prolongée que soit sa résidence de fait, si elle n'a pas obtenu l'autorisation du gouverne

ment.

La demande tendant à l'admission à domicile en France est adressée au garde des sceaux, ministre de la justice.

Elle doit être rédigée sur papier timbré et accompagnée, non seulement de l'acte de naissance du pétitionnaire légalisé, mais encore de la traduction de cet acte s'il est en langue étrangère.

Elle doit contenir l'engagement d'acquitter les droits

1. Zachariæ, t. Ier, p. 160; Demolombe, t. 1or, no 245.

2. Ibid., ibid. Telle est aujourd'hui, à bon droit, la jurisprudence de la Cour d'appel de Paris sur l'adoption.

3. C. civ., art. 13.

de sceau montant à 175 francs 25 centimes, dont le gouvernement peut faire remise totale ou partielle.

L'étrangère non mariée doit avoir vingt et un ans accomplis; sinon sa demande serait rejetée, quand même elle aurait le consentement de son père, de sa mère, de son tuteur ou d'un conseil de famille1.

Quand une femme étrangère est mariée, le gouvernement ne lui accorde l'autorisation de fixer son domicile en France que si elle fournit l'adhésion formelle de son mari.

Une fois autorisée, l'étrangère doit fixer effectivement son domicile en habitant réellement la France et en continuant d'y résider1.

286. Quels sont les effets du domicile légal en France? Désormais l'étrangère a la jouissance de tous les droits civils qui viennent d'être énumérés, et dont elle était privée jusque-là; — excepté le droit d'être tutrice, subrogée tutrice, curatrice, membre d'un conseil de famille de Français, le droit de tutelle officieuse, le droit d'adopter un Français ou d'être adoptée par lui, qu'elle ne pourra acquérir qu'en se faisant naturaliser Française. En outre, elle conserve les avantages qui dérivent du droit des gens énumérés dans la quatrième section; elle conserve aussi intégralement les droits qui sont reconnus par les lois politiques et les traités diplomatiques dans la cinquième et la sixième section.

Par contre, l'admission au domicile soumet l'étrangère aux obligations et aux charges qui sont corréla

1. Cogordan, la Nationalité, p. 120.

2. Dalloz, Répertoire, vo DROIT CIVIL, no 389.!

tives à la jouissance des droits civils; par exemple, lors de son décès, sa succession mobilière sera régie par la législation française, cela exceptionnellement; tandis que la loi française régit toujours la succession immobilière de l'étrangère, quand même elle n'est pas domiciliée en France.

287. Néanmoins, la femme domiciliée légalement reste étrangère. Aussi son admission à la jouissance des droits civils ne fait aucun changement à son statut personnel, c'est-à-dire à l'état civil et à la capacité qu'elle tient de sa loi nationale, qui continue de lui être applicable, comme il est dit dans la troisième section1.

De sorte que, si dans son pays elle est incapable de se marier, elle sera incapable en France; si dans son pays elle est soumise à une tutelle perpétuelle, elle y restera soumise en France; si chez elle l'autorisation maritale ne lui est pas nécessaire, elle en sera dispensée en France; à la condition de ne pas froisser les lois françaises touchant l'ordre public 2.

Sans distinguer le lieu de son décès, sa succession testamentaire ou ab intestat s'ouvre en France; toute la succession mobilière est régie, divisée, partagée suivant la loi française; et si elle a fait un testament, le procès sur sa validité ou son interprétation devrait être jugé par le tribunal de son domicile légal, alors surtout qu'il s'agit de substitution prohibée'.

1. Paris, 13 juin 1814; Demolombe, t. Ier, no 268. Voir les numéros 271 à 278, supra.

2. Voir le numéro 264.

3. Cass., 7 nov. 1826 et 28 juin 1852.

Il en est de même, à plus forte raison, des immeubles héréditaires situés en France.

288. Elle peut être expulsée du territoire français par le ministre de l'intérieur, sans recours possible à l'autorité judiciaire. Mais, après un délai de deux mois, la mesure cessera de produire effet, si l'autorisation n'a pas été révoquée par le gouvernement sur l'avis du conseil d'État1.

Du reste, l'admission au domicile a pour but de faciliter à l'étrangère qui voudrait se faire naturaliser le stage temporaire qui est exigé. Mais, tant que la naturalisation n'aura pas été accordée, l'autorisation du domicile pourra être retirée ou modifiée après avis du conseil d'État.

1. L. 3 déc. 1849, art. 7, 9; Paris, 24 mars 1834.

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2. L. 1849, art. 3. Peu de personnes étrangères demandent à être admises au domicile en France, ne connaissant pas ou ne comprenant pas l'utilité, les avantages et les devoirs de cette concession du gouvernement. Dans l'usage, la demande est une mesure que l'on confond avec la demande de naturalisalion, quoique les effets en soient bien différents : la naturalisation confère à un individu tous ses droits civils, civiques et politiques, en lui faisant perdre son titre d'étranger, tandis que l'admission à domicile n'accorde que la jouissance des droits civils en maintenant le titre d'étranger.

CHAPITRE VIII.

APPLICATION DE LA RÈGLE LOCUS REGIT ACTUM.

289. L'acte fait suivant les formes usitées dans le pays où il est passé doit être réputé régulier et faire foi dans tous les pays.

Telle est la règle fondée sur la nécessité des relations sociales et acceptée par la généralité des nations.

Elle s'applique à la forme extrinsèque des actes, des actes sous seing privé comme des actes authentiques; en d'autres termes, pour la forme d'un acte, on doit observer les formalités usitées dans le pays où il est passé1.

Dans son sens le plus large, cette règle a deux faces parallèles selon qu'elle s'applique aux actes faits, soit par un Français, soit par un étranger.

290. En ce qui touche le Français, foi est due en France aux actes qu'il a faits en pays étranger suivant la forme usitée dans ce pays, par exemple le mariage contracté entre Français ou entre Française et étranger3. Autre exemple: le Français qui se trouve en pays étranger « pourra faire ses dispositions testamentaires par acte sous signature privée » ou « par acte authentique, avec les formes usitées» dans ledit pays; ce qui veut dire qu'un tel testament fera foi en France, bien qu'il

1. Fenet, Travaux préparatoires du Code civil, t. VI, no 66.

2. C. civ., art. 170.

3. Art. 999.

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