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s'écarte des formes particulières du testament olographe ou du testament notarié dictées par la loi française.

Néanmoins, quand la loi française exige un acte authentique à titre de solennité, par exemple pour consentir à un mariage, reconnaître un enfant naturel, conférer une hypothèque conventionnelle, un acte non authentique fait à l'étranger ne serait pas suffisant. Du reste, c'est la loi du pays où l'acte a été passé qui détermine s'il a le caractère d'authenticité1.

291. Quant aux étrangers, la règle locus regit actum a aussi deux faces corrélatives, selon qu'elle s'applique aux actes faits en France ou à l'étranger. Ainsi notre Code dispose que « tout acte de l'état civil des Français et des étrangers, fait en pays étranger, fera foi » en France, « s'il a été rédigé dans les formes usitées dans ledit pays3» ; et que « le mariage contracté en pays étranger >> entre Français et étrangère « sera valable s'il a été célébré dans les formes de ce pays 3».

Réciproquement, tout acte de l'état civil des étrangers, fait en France en la forme française, fera foi en France.

Une étrangère peut donc se marier en France avec un étranger ou avec un Français devant un officier de l'état civil; de même deux étrangers de nationalité différente.

Une étrangère peut faire en France un testament authentique devant notaires ou un testament olographe,

1. Cass., 6 févr. 1843; Gand, no 358.

2. C. civ., art. 47.

3. Art. 170.

bien que sa loi nationale ne consacre pas ces formes de tester 1.

Elle peut émanciper ses enfants et leur faire nommer un curateur devant un juge de paix, si elle a la capacité de le faire suivant sa loi nationale.

Elle peut aussi leur faire nommer un tuteur ou un subrogé tuteur, si cette institution existe dans son pays, en recourant au juge de paix ou bien au tribunal de première instance, suivant la loi de sa nation'.

Ces divers actes, de même que tous autres faits en France suivant les formes usitées, feront foi en France, à moins de dispositions contraires dans les lois françaises ou dans les traités diplomatiques. Il en sera ainsi, pourvu que l'étrangère soit capable selon sa loi nationale, sans distinguer si elle a domicile légal en France

ou non.

292. La règle locus regit actum est-elle obligatoire ou seulement facultative?

Elle est facultative pour les étrangers résidant sur le territoire; de sorte qu'une femme étrangère, capable de faire un testament dans son pays, est libre, étant en France, de tester en la forme française ou bien en la forme étrangère*; je ne comprendrais pas qu'en s'éloignant momentanément de son pays, elle eût perdu le droit de recourir à sa forme nationale.

Elle est obligatoire pour les fonctionnaires publics

1. Rej., 25 août 1847.

2. Boullenois, t. II, p. 78; Gand, nos 489, 490.

3. Massé, Droit commercial, t. Ier, no 572.

4. Argum., C. civ., art. 999. V. Dalloz, Répertoire, vo Lois, no 430.

français; de sorte qu'un notaire est obligé de recevoir le testament d'une étrangère qui demande à lui dicter ses dernières volontés, qu'un officier de l'état civil ne peut refuser de consacrer le mariage de deux étrangers ou bien d'un Français et d'une étrangère qui se présentent devant lui.

Mais il ne faut pas perdre de vue qu'un fonctionnaire public n'est tenu de prêter son concours que pour les actes de son ministère. Ainsi, un officier de l'état civil devrait se refuser à recevoir un acte de divorce ou bien un contrat de vente, de même qu'un notaire n'a pas compétence pour faire une émancipation.

293. L'action de la maxime locus regit actum ne s'arrête pas uniquement à la formule extérieure, elle s'étend aussi aux clauses intrinsèques pour leur interprétation et leur exécution, c'est-à-dire que « les contractants sont censés, lorsqu'ils traitent dans un pays, se soumettre aux lois qui y régissent les conventions de la nature de celles qu'ils y ont faites1», à moins de convention contraire expresse ou tacite. Ce que nous appliquerions au cas de mariage contracté en France entre une étrangère et un Français sans contrat notarié, pour décider que les deux époux sont soumis à la communauté légale2.

En effet, on doit avant tout rechercher quelle a été la commune intention des parties, en considérant dans quel lieu le contrat a été arrêté, la nature et l'objet de la

1. Merlin, Répertoire, vo Loi, p. 690 et suiv. Argum. C. civ., art. 1159; rej., 17 juill. 1833; Dalloz, Répertoire, vo Lois, nos 441 et 442.

2. Legat, Code des étrangers, p. 369.

3. C. civ., art. 1156.

convention, les relations ordinaires des contractants, le lieu choisi pour l'exécution, en un mot, toutes les circonstances qui ont précédé, accompagné ou suivi le contrat. Si l'on réussit à découvrir cette intention, il n'y a plus qu'à s'y conformer.

Spécialement, lorsque l'acte doit être exécuté dans le lieu où il a été passé, les effets en sont réglés par la loi locale, par la raison qu'il y a présomption que telle a été la volonté des contractants. Et plus généralement le lieu convenu pour l'exécution sera celui de la loi à appliquer pour l'interprétation d'un acte.

Il ne peut donc y avoir de difficulté d'interprétation que dans le cas où l'intention commune des contractants n'apparaît pas, c'est-à-dire quand il y a doute ou ambiguïté. Alors il faut distinguer. Si la question s'agite entre personnes de nationalités différentes, soit deux étrangers, soit un Français et un étranger, il y a nécessité de recourir à la loi du lieu du contrat, afin d'éviter un conflit entre les lois des contractants, qui sont différentes. Si, au contraire, un acte a été passé entre individus appartenant à la même nation, tous Français ou tous étrangers, un conflit n'étant pas à craindre, on appliquera la loi de la patrie commune, à laquelle les intéressés sont censés s'en être référés pour les effets et l'exécution du contrat.

Telle est la règle d'interprétation des conventions que notre Code a consacrée, en disant : « Ce qui est ambigu s'interprète par ce qui est d'usage dans le pays où le contrat est passé 1. »

1. C. civ., art. 1159; Boullenois, t. II, p. 459, Paris, 29 mars 1876.

que

CHAPITRE IX.

LA FEMME ÉTRANGÈRE DEVANT LES TRIBUNAUX FRANÇAIS.

294. La juridiction étant un attribut essentiel de la souveraineté nationale, chacun de nous n'est justiciable des tribunaux de sa nation et ne peut être actionné que devant les juges de son pays. Aussi, en principe, un plaideur n'est pas tenu de se soumettre à la juridiction d'un souverain étranger, pas plus que ce souverain n'est obligé de rendre la justice à d'autres qu'à ses regnicoles.

Telle est la règle de droit universelle, conforme à la maxime actor sequitur forum rei. Mais cette règle doit nécessairement céder quand une question litigieuse touche à l'ordre public ou bien à l'intégrité du territoire; de même d'autres considérations, quoique d'un ordre moins puissant, ont décidé le législateur à attribuer compétence aux tribunaux français pour juger certains différends d'intérêt privé entre étrangers, en laissant les autres contestations dans le droit commun.

D'après ces distinctions, la compétence des tribunaux français est tantôt obligatoire, tantôt facultative, pour juger les litiges qui s'élèvent entre un Français et un étranger ou bien entre deux étrangers.

La compétence est obligatoire pour les tribunaux et pour les plaideurs domiciliés ou non domiciliés :

1 Toutes les fois que l'action intéresse la police, les

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