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Indépendamment des états périodiques à remettre, il est permis au conseil de famille, à toute époque, de décider qu'un état général de situation de la tutelle lui sera soumis.

74. Le tuteur n'a pas le pouvoir de donner les biens de sa pupille. Il peut, au contraire, accepter une donation avec l'autorisation du conseil de famille 1.

Il ne peut, sans l'accomplissement de formalités judiciaires, emprunter pour elle, hypothéquer, vendre ou échanger ses immeubles, ni procéder à un partage. Et il est astreint aux mêmes formalités quand il s'agit de rentes sur l'État ou d'actions de la Banque de France immobilisées".

Mais il lui suffira de procéder aux enchères publiques, comme pour meubles corporels, quand il s'agira de vendre les bois taillis, les produits des étangs, les récoltes et les bois de haut jet mis en coupes réglées périodiques considérées comme revenus.

Les successions et les donations ne pourront être acceptées qu'avec autorisation du conseil de famille, et sous bénéfice d'inventaire, c'est-à-dire de manière à ne pas engager la mineure au-delà des biens héréditaires ". Pour transiger il faut remplir certaines formalités exceptionnelles *.

75. Du reste le tuteur a l'administration de tous les biens de sa pupille; c'est lui qui la représente devant les tribunaux, soit en demandant, soit en défendant, tantôt

1. C. civ., art. 463.

2. C. civ., art. 457-466; Décr 16 janv. et 1er mars 1808.*

3. C. civ., art. 461, 462 463.

4. Art. 467 et 2045.

avec des pouvoirs absolus, tantôt avec l'autorisation du conseil de famille, tantôt en remplissant certaines formalités judiciaires'.

76. Le subrogé tuteur devra, sous sa responsabilité, surveiller l'accomplissement des diverses obligations et formalités ci-dessus imposées au tuteur. A ces fins la jeune fille pourra toujours s'adresser, soit au juge de paix, soit au subrogé tuteur, à l'effet de convoquer l'assemblée de famille, ainsi qu'elle sera admise à le faire dans toutes circonstances où il s'agira de ses intérêts'. 77. Le tuteur peut faire des baux de neuf années au plus. Une location d'une durée plus longue serait, en cas d'émancipation, de mariage, majorité ou décès de l'enfant, obligatoire pour le temps seul qui resterait à courir de la première, deuxième ou troisième période de neuf ans, de sorte que le locataire ou fermier n'aurait que le droit d'achever la période courante.

Il n'a pas le pouvoir de renouveler les locations plus de trois ans avant l'expiration du bail courant pour les fermes et biens ruraux, plus de deux ans d'avance pour les maisons et biens urbains; autrement le bail est sans effet, à moins que son exécution n'ait commencé avant la majorité, la mort ou l'émancipation de la pupille3.

78. Mais, m'objectera la jeune fille, la loi ne laisse donc rien à notre initiative pour ce qui concerne nos biens actuels! Cela est vrai il vous est seulement permis de disposer de vos épargnes et des cadeaux que vous

1. C. civ., art. 450, 464, 465, 840.
2. Art. 420; L. 27 févr. 1880.
3. C. civ., art. 1429, 1430, 1718.

recevez; vous pouvez aussi verser vos économies dans une caisse d'épargne ordinaire ou postale, en vous faisant délivrer un livret à votre nom; de même qu'une autre personne peut libéralement y verser à votre nom; et le remboursement sera fait à vous seule, à moins d'opposition de votre tuteur'.

79. A la fin de la tutelle, le tuteur devra rendre compte à sa pupille et lui en payer le reliquat. Mais quelle garantie a-t-elle? Tous les biens du tuteur, et spécialement une hypothèque légale, qui lui confère un droit de préférence sur ses immeubles. Le subrogé tuteur est obligé de faire inscrire cette hypothèque à peine d'être responsable. Durant la tutelle la mineure peut, d'ailleurs, demander au subrogé tuteur de remplir cette formalité; et elle-même serait admise à requérir l'inscription en s'adressant directement au bureau des hypothèques de la situation des immeubles.

SECTION III. Fille légitime mineure émancipée.

80. Émancipation!

Mot qui a un sens différent selon qu'il est employé au palais ou bien dans le monde; mot propre à griser une jeune tête et surtout un esprit jeune; mot qui n'aurait pas dû trouver place dans nos codes.

Sera-ce vous, jeunes personnes, qui demanderez à être émancipées? Non, je n'en ai vu aucun exemple, malgré l'attrait que l'émancipation juridique semble vous offrir;

1. Voir les numéros 48, 49, 50, supra.

2. C. civ., art. 2137.

et cette négation est votre éloge, elle est un sincère hommage rendu à votre nature paisible, à la docilité de votre caractère et de votre tempérament.

Le législateur qui a autorisé l'émancipation, qui l'a organisée par plusieurs articles du Code, n'a d'autre excuse, à mon sentiment, que la tradition du passé, mais d'un passé où l'émancipation avait une autre signification et un autre but. Encore un pas en avant, un article de plus, et les mineurs eux-mêmes étaient conviés à provoquer leur émancipation. Qui nous garantit qu'un article additionnel ne le fera pas?

Fort heureusement les parents sont arrêtés sur la pente par leur affection, leurs scrupules, leur bon sens surtout, quelques-uns par leur intérêt. Celui qui émancipe son enfant n'a le plus souvent d'autre but que de lui rendre son compte de tutelle avec plus de facilité, d'arriver à dégrever un peu plus tôt ses immeubles de l'hypothèque légale, ou bien de soustraire ses meubles à ses créanciers en dissimulant son loyer sous le nom de l'émancipé. Il arrive quelquefois qu'une mère survivante le fasse à la veille de se remarier.

Que dire du père ou de la mère qui émancipe son enfant pour en faire un commerçant, à dix-huit ans ! La loi permet d'émanciper sous certaines conditions. 81. Pendant la vie du père, son droit d'émanciper l'enfant âgée de quinze ans révolus est exclusif et souverain; il ne doit compte à personne des raisons qui l'y décident, et le juge de paix ne pourrait se refuser à lui donner acte de sa déclaration 1.

1. C. civ., art. 477.

Ce droit continue d'appartenir au père, quand même la séparation de corps a été prononcée contre lui avec privation de la garde des enfants'.

Après la mort du père commence le droit, également absolu, de la mère d'émanciper les enfants du mariage'.

En cas d'absence déclarée du père ou bien d'interdiction judiciaire, j'admets la mère à émanciper; mais pas tant que le père n'est que présumé absent.

De même en cas d'interdiction légale du père pour condamnation infamante. Et il ne recouvrerait pas le droit d'émanciper après avoir subi sa peine, par le motif qu'il continuerait à être déchu de la puissance paternelle, tandis que, s'il avait obtenu sa réhabilitation ou bien le bénéfice de l'amnistie, il recouvrerait simultanément les deux droits.

82. Après la dissolution du mariage, le droit d'émanciper l'enfant âgée de quinze ans appartient au survivant des père et mère, n'importe qu'il soit tuteur ou non, exclu ou destitué de la tutelle, pourvu qu'il n'ait point perdu la puissance paternelle.

Et la mère remariée peut exercer le droit d'émanciper ses enfants du premier lit, même sans l'autorisation de son nouvel époux3.

83. Après la mort, l'interdiction ou la déclaration d'absence du survivant des père et mère ou de tous deux, il appartiendra au conseil de famille d'émanciper

1. Cass. 4 avr. 1865.

2. Bordeaux, 7 janv. 1852. Contra, Proudhon, État des personnes, t. II,

P. 425.

3. Demolombe, t. VIII, no 203.

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