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pour interjeter appel d'un jugement ou y renoncer, l'émancipée agira seule, ou bien assistée du curateur, quelquefois avec des formes spéciales, suivant la nature de l'action et suivant les mêmes distinctions qui viennent d'être indiquées pour la poursuite ou la défense à cette action 1.

Elle ne pourrait compromettre, c'est-à-dire soumettre à des arbitres juges les questions relatives à ses biens immeubles, même avec l'assistance de son curateur. Mais seule et sans assistance elle peut compromettre sur les questions relatives à ses revenus, à tous actes de pure administration et aux actions possessoires; tandis qu'elle a besoin d'être assistée quand il s'agit d'actions judiciaires concernant les capitaux et autres valeurs mobilières.

Enfin elle a capacité pour transiger, seule, sur ses revenus en ce qui rentre dans l'administration de ses biens; tandis que, pour les difficultés relatives aux immeubles, aux capitaux et à tout ce qui est en dehors de l'administration, il lui faudra non seulement l'assistance de son curateur, mais encore l'accomplissement d'une série de formalités exceptionnelles'.

97. Vous voilà donc émancipée, jeune fille, c'està-dire maîtresse de vous-même et de vos actions, capable de toucher vos revenus, libre de les dépenser selon vos goûts, en un mot, vous n'avez plus que quelques pas à faire pour atteindre la majorité légale de vingt et un ans qui vous conférera pleine et entière capa

1. Rouen, 12 mars 1855. 2. C. civ., art. 467, 484.

cité. Mais soyez prudente si vous voulez conserver sans conteste le bénéfice de ces avantages anticipés.

En effet, à l'égard des obligations que la mineure émancipée «< aurait contractées par voie d'achats ou autrement, elles seront réductibles en cas d'excès » au moyen d'une décision judiciaire. Et la mineure, dont les engagements auront été réduits, pourra être privée du bénéfice de l'émancipation par une déclaration du père, de la mère ou du conseil de famille, faite devant le juge de paix qui a reçu cette émancipation'.

Mais, si elle prétend n'avoir pas contracté d'engagements excessifs, la jeune fille pourra elle-même se pourvoir en justice contre la déclaration de son père ou de sa mère (ou contre la délibération de famille) qui lui aura retiré l'émancipation. Il arrivera, le plus souvent, qu'elle ne réussisse pas, et alors la révocation produira des effets fâcheux pour la jeune fille.

Dès le jour où l'émancipation aura été révoquée, la mineure rentrera en puissance paternelle, ou bien en tutelle si le mariage des père et mère est dissous, et elle y restera jusqu'à sa majorité de vingt et un ans. Par conséquent la curatelle à l'émancipation s'éteindra. Par l'effet de cette révocation de l'émancipation, le père ou la mère reprendra sur la personne et les biens de l'enfant tous les attributs de l'autorité paternelle, c'est-à-dire les droits de surveillance et d'éducation, de garde et de correction, de choix d'un état; de plus, il recouvrera la jouissance légale des biens, étant obligé

1. C. civ., art. 484, 485; Massé et Vergé, t. Ier, p. 481, note 3. 2. Dalloz, vo Minorité, nos 803 et 855.

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désormais de nourrir et entretenir la mineure, qui ne peut plus avoir sa maison '; ou bien l'enfant retombera en tutelle si le père et la mère sont morts ou l'un des deux seulement.

Puis, la mineure ainsi rentrée en puissance paternelle ou en tutelle y restera jusqu'à sa majorité, sans pouvoir en sortir par une nouvelle émancipation".

SECTION IV. Fille légitime majeure célibataire.

98. Nous arrivons, enfin, à l'âge où la femme, dégagée de toute tutelle, prend en quelque sorte possession d'elle-même, à l'âge où elle entre légalement dans la vie civile, acquiert le droit de disposer de sa personne et de ses biens, de suivre telle voie qui lui conviendra. Cette situation est un privilège dont la femme fut longtemps exclue, qui émane non seulement de l'égalité proclamée par le christianisme, mais encore des conquêtes de la France libérale sur le despotisme. Chez nous la condition de la femme s'est améliorée par degrés fille, son indépendance est égale à celle de l'homme; femme, elle trouve au foyer domestique une place qui lui confère la dignité et les avantages inhérents à la situation de l'épouse, enfin une autorité légale dans la direction des biens et de la famille.

99. La majorité est acquise à vingt et un ans accom

1. Laurent, Principes de droit civil, t. V, no 244; Le Senne, Répert. des cons. de famille, vo RÉVOCATION DE L'ÉMANCIPATION; Demante, t. II, no 257 bis.

2. Demolombe, t. VIII, no 360.

3. C. civ., art. 436; Dalloz, no 852.

plis; à cet âge, on est capable de tous les actes de la vie civile 1.

Ainsi à l'âge de vingt et un ans, une fille n'a pas seulement le bénéfice de tous les droits civils, elle a aussi l'exercice de ces droits, c'est-à-dire la pleine capacité de faire elle-même tous les actes qui intéressent sa personne et ses biens: prendre à loyer, louer et affermer pour une durée quelconque, signer tous baux, vendre et acheter à son gré, toucher ses capitaux et ses revenus, recevoir et accepter des libéralités, plaider, transiger, compromettre.

A cet âge, elle a aussi pleine capacité de faire des libéralités, sans autre limite que la réserve légale au profit de ses père, mère ou ascendants' (sauf un cas exceptionnel 3).

Elle peut donc donner par testament ou̟ par acte devant notaire dans les proportions qui suivent :

La totalité de ses biens en pleine propriété pour le cas où, à son décès, elle ne laissera ni son père, ni są mère, ni aïeul, ni aïeule;

La moitié, si elle laisse son père et sa mère, ou bien d'un côté son père ou sa mère, et de l'autre côté un aïeul ou une aïeule;

Les trois quarts, si elle laisse d'un côté son père ou sa mère, et pas d'aïeul ni d'aïeule de l'autre côté *. Mais il lui est interdit de donner:

1. C. civ., art. 488.

2. C. civ., art. 915 et 916.
3. Voir le numéro 188, infra.

4. C. civ., art. 915 et 916.

1o A celui qui a été son tuteur, si le compte définitif de la tutelle n'a été préalablement rendu et assuré; à moins que le tuteur ne soit un ascendant;

2° Aux docteurs en médecine ou en chirurgie, officiers de santé et pharmaciens, qui auront traité la jeune fille pendant la maladie dont elle meurt; à moins que la libéralité ne soit faite à titre rémunératoire et particulier, ou bien à moins que, faite à titre universel, la libéralité ne soit en faveur d'un parent jusqu'au quatrième degré inclusivement;

3° Aux ministres du culte qui lui ont donné des soins spirituels pendant la maladie dont elle est morte; avec les mêmes exceptions 1.

100. L'autorité de ses père et mère sur elle se trouve singulièrement restreinte : plus de tutelle, plus de curatelle (plus d'usufruit légal sur les biens depuis son âge de dix-huit ans ou depuis son émancipation).

En un mot, une fille majeure a la même capacité civile qu'un homme majeur. Néanmoins elle ne peut pas être tutrice, subrogé tutrice, curatrice, membre d'un conseil de famille, sauf en un cas très exceptionnel.

A l'âge de vingt et un ans, une fille est libre de s'engager pour cinq années dans une maison hospitalière de femmes, sans avoir besoin d'autorisation de père, mère, ascendant ou conseil de famille.

A ce même âge, elle n'a rigoureusement plus besoin du consentement de ses parents pour se marier, mais

1. C. civ., art. 907 et 909.
2. Voir le numéro 188, infra.
3. Voir le numéro 39, supra.

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