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assemblée de muets, un corps « sans langue, sans voix et parfois sans oreilles ». - Un Sénal conservateur, composé de 80 membres à vie, a pour mission de veiller au maintien de la constitution, en annulant les lois et autres actes quilur étaient déférés comme inconstitutionnels. Il est, en outre, chargé de choisir les membres du Tribunat et ceux du Corps législatif sur des listes de notabilités. Après avoir été nommé pour la première fois par les consuls, il se recrute ensuite par lui-même, à chaque vacance, en choisissant un des trois candidats présentés par le Premier Consul, le Tribunat et le Corps législatif.

Le pouvoir exécutif est confié à trois consuls élus pour dix ans; mais le Premier Consul a seul l'autorité, les deux autres n'ont que voix consultative. C'est le Premier Consul qui nomme les ministres, les ambassadeurs, les conseillers d'État, les juges, les fonctionnaires de tout ordre ; c'est lui qui commande les forces de terre et de mer, déclare la guerre, signe les traités, etc. En un mot, tout en semblant partager à l'excès le pouvoir, la constitution donne au Premier Consul le pouvoir absolu.

L'ambition du Premier Consul ne se tint pas pour satisfaite. Après la paix d'Amiens, le peuple fut consulté sur la nomination de Bonaparte comme Consul à vie. La réponse ayant été affirmative, le sénatus-consulte du 16 thermidor an X mit la constitution en harmonie avec le nouvel ordre de choses. Le Tribunat, qui avait manifesté quelque indépendance, était réduit à 50 membres. Le Corps législatif perdait le droit de voter les traités de paix et d'alliance. Le Sénat voyait, au contraire, ses pouvoirs étendus: il pouvait, sur l'initiative du Gouvernement, dissoudre le Corps législatif et le Tribunat, suspendre la constitution et l'interpréter par des sénatusconsultes; mais il devait être présidé par un des consuls et, à l'avenir, les sénateurs ne pourraient être choisis que sur une liste de trois noms, tous présentés par le Premier Consul.

Deux ans plus tard, le sénatus-consulte du 28 floréal an XII confia «<le gouvernement de la République à un empereur » et établit l'hérédité de la couronne de mâle en mâle, par ordre de primogéniture, dans la famille Bonaparte. L'indépendance du Sénat fut encore amoindrie par l'entrée dans son sein des princes de la famille impériale, des grands dignitaires de l'Empire et des sénateurs nommés directement par l'empereur. Le Tribunat fut supprimé par le sénatus-consulte du 19 août 1807. Un autre sénatusconsulte du 15 novembre 1813, conféra à l'empereur la nomination du président du Corps législatif. L'année suivante, tout cet édifice, qui paraissait si solidement construit, allait s'écrouler.

49. VI. CHARTE DE 1814. - Répudiant, dans la forme, le principe de la souveraineté nationale, mais adoptant néanmoins une partie des conquêtes politiques de 1789, la charte constitutionnelle octroyée par le roi Louis XVIII, le 4 juin 1814, jette pour la première fois en France les bases du véritable régime parlementaire.

Le pouvoir législatif est exercé collectivement par le roi, la Chambre des pairs et la Chambre des députés. La Chambre des pairs est nommée par le roi; ses membres sont à vie ou héréditaires; leur nombre est illimité. La Chambre des députés se compose de 300 membres élus pour cinq

ans parmi les citoyens âgés de 40 ans au moins et payant 1,000 francs de contributions directes. Elle est renouvelée tous les ans par cinquième. Le roi seul a l'initiative. Les Chambres ne peuvent intervenir dans la proposition de la loi que par voie de supplique adressée au roi. Tout projet de loi doit être discuté et voté successivement par les deux Chambres. Les propositions d'impôt ne peuvent être portées à la Chambre des pairs qu'après avoir été admises par la Chambre des députés. Aucun amendement ne peut être introduit dans un projet de loi, s'il n'a été proposé ou consenti par le roi. Enfin la loi votée par les Chambres n'est définitive que lorsqu'elle a reçu la sanction du roi, qui peut toujours et d'une manière absolue la refuser.

Le pouvoir exécutif appartient au roi assisté des ministres nommés par lui et pouvant être pris dans les Chambres. La personne du roi est inviolable et sacrée; mais les ministres sont responsables. Le roi commande les forces de terres et de mer, déclare la guerre, fait les traités de paix, d'alliance et de commerce, nomme tous les fonctionnaires et «< fait les règlements et ordonnances nécessaires pour l'exécution des lois et la sûreté de l'État ». On sait que le roi Charles X crut trouver dans cette disposition de l'article 14 de la Charte le droit de modifier le système électoral et de suspendre la liberté de la presse par les ordonnances du 26 juillet 1830 qui amenèrent la révolution de 1830.

50. VII. ACTE ADDITIONNEL DE 1815. Nous ne parlerons que pour mémoire de cette constitution dite des Cent jours, donnée par Napoléon à son retour de l'île d'Elbe. Elle consacre, sauf quelques modifications dans un sens libéral, les principes de la charte de 1814: Chambre des pairs héréditaire, Chambre des députés élue, responsabilité ministérielle. Mais, pour ne pas avoir l'air de rompre définitivement avec le passé, l'empereur donna à cette charte le nom d'Acte additionnel aux Constitutions de l'Empire et la soumit à la ratification du peuple. Après la rentrée des Bourbons, la charte de 1814 fut remise en vigueur.

51. VIII. CHARTE de 1830. — En la forme, la charte de 1830 n'est qu'une seconde édition revisée et amendée de la charte de 1814. Au fond, elle présentait avec celle-ci une différence considérable. Elle n'était pas octroyée à la nation par le roi, mais établie par les représentants de la nation et acceptée par le roi qui jurait de la faire respecter. C'était la reconnaissance formelle de la souveraineté nationale.

La Chambre des pairs et celle des députés sont maintenues avec leurs attributions. Toutefois, l'âge requis pour être député est abaissé à 30 ans, la Chambre des députés se renouvelle intégralement tous les cinq ans, et l'initiative des lois est attribuée à chacune des Chambres concurremment avec le roi. Une loi du 19 avril 1831 réduisit à 500 francs le cens d'éligibilité. Une autre loi du 29 décembre 1831 supprima les pairs héréditaires et ne laissa subsister que des pairs viagers.

Il n'est apporté aucune modification à l'exercice du pouvoir exécutif; mais, afin de rendre impossible le retour de faits semblables à ceux qui avait amené la révolution de 1830, la nouvelle charte décide que le roi, tout en conservant le droit de faire les ordonnances pour l'exécution des

lois, ne peut jamais « suspendre les lois elles-mêmes ni dispenser de leur exécution ».

52. IX. CONSTITUTION DE 1848. Le roi Louis-Philippe n'ayant pas voulu céder sur la question de la réforme électorale, la révolution du 24 février 1848 renversa du même coup la royauté et le régime parlementaire.

La constitution du 4 novembre 1848, votée par l'Assemblée constituante, décide que la forme du gouvernement est la République et proclame la souveraineté de la nation comme source de tous les pouvoirs.

Le pouvoir législatif est partagé entre une Assemblée nationale unique et le président de la République. -L'Assemblée législative se compose de 750 membres élus au suffrage universel et direct; elle se renouvelle intégralement tous les trois ans. Sont éligibles, sans condition de domicile, tous les électeurs âgés de 25 ans. L'élection se fait par département et au scrutin de liste. L'Assemblée est permanente. Chaque représentant a le droit d'initiative parlementaire. Le président de la République peut aussi faire présenter des projets de lois par les ministres; mais les projets ministériels doivent être soumis à l'examen préalable d'un Conseil d'État nommé par l'Assemblée elle-même. Dans les délais fixés pour la promulgation, le président de la République peut demander une nouvelle délibération, après laquelle la résolution de l'Assemblée devient définitive.

Le pouvoir exécutif est délégué à un Président de la République responsable, élu pour quatre ans au suffrage universel et direct. Pour qu'il ne puisse se perpétuer indéfiniment au pouvoir, la constitution déclare qu'il n'est rééligible qu'après un intervalle de quatre autres années. Un viceprésident est nommé par l'Assemblée pour remplacer le président en cas d'empêchement. Les ministres peuvent faire partie de l'Assemblée; ils ont entrée dans son sein et sont entendus quand ils le demandent. Ils sont responsables, chacun en ce qui le concerne, de tous les actes du gouver

nement.

Le président de la République n'avait pas le droit de dissoudre l'Assemblée, et celle-ci n'avait pas le droit de déposer le président. La constitution n'offrait donc aucun moyen légal de trancher les conflits qui pourraient s'élever entre les deux pouvoirs. Des conflits surgirent, en effet, et le président de la République, issu du suffrage universel et se considérant comme le seul représentant de la nation entière, les trancha à son profit par le coup d'État du 2 décembre 1851 qui établit la dictature et amena le renversement de la République.

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53. — X. CONSTITUTION DE 1852.-Faite en vertu des pouvoirs qui avaient été donnés à Louis-Napoléon Bonaparte par le plébiscite des 20-21 décembre 1851, la constitution du 14 janvier 1852 rappelle à beaucoup d'égards celle de l'an VIII, amendée par les sénatus-consultes des 16 thermidor an X et 28 floréal an XII.

Le pouvoir législatif est exercé collectivement par le président de la République, un Sénat et le Corps législatif. Le Président de la République a seul l'initiative et la sanction des lois. Les projets de loi préparés sous sa direction, par le Conseil d'État, sont soutenus devant le Sénat et

le Corps législatif par des conseillers d'État chargés de porter la parole au nom du gouvernement. Le Sénat est composé de 150 membres inamovibles et à vie, les uns sénateurs de droit (cardinaux, maréchaux, amiraux), les autres nommés par le président de la République. Il est, aux termes de la constitution, « le gardien du pacte fondamental et des libertés publiques »>. Aucune loi ne peut être promulguée sans lui avoir été soumise pour être examinée au point de vue de la constitutionnalité. Le Sénat règle, en outre, la constitution de l'Algérie et des colonies; il peut apporter des modifications à la constitution de la métropole avec l'assentissement du Président; mais les modifications aux bases fondamentales de la Constitution doivent être soumises à l'approbation du peuple. Le Corps législatif est élu par le suffrage universel et direct au scrutin uninominal, à raison d'un député par 35,000 électeurs; et se renouvelle intégralement tous les six ans. Il vote les projets de loi et l'impôt. Les amendements proposés par la commission législative ne peuvent être discutés qu'après avoir été admis par le Conseil d'Etat.

Le pouvoir exécutif est exercé par le président de la République, élu pour dix ans au suffrage universel; il n'y a pas de vice-président. Le président de la République est responsable « devant le peuple français auquel il a toujours droit de faire appel ». Il commande les armées, déclare la guerre, signe les traités, nomme aux emplois ; il peut déclarer l'état de siège, à charge d'en référer au Sénat. Les ministres ne dépendent que du chef de l'État; ils ne forment point un conseil solidaire responsable devant les Chambres; ils ne peuvent même pas être députés.

La constitution de 1852 qui, comme celle de l'an VIII, organisait la dictature sous la forme du gouvernement représentatif, devait également amener la substitution du régime impérial à la République. L'empire fut, en effet, proclamé par le sénatus-consulte du 7 novembre 1852. Mais les idées libérales, un moment étouffées, se réveillent bientôt et, par leur progrés incessant, obligent l'empereur à accepter une série de mesures qui, en modifiant successivement la constitution, se terminent en 1870 par l'adoption pure et simple du régime parlementaire. Nous ne nous arrêterons pas à suivre les diverses phases de cette évolution. Bornons-nous à citer par leur date les sénatus-consultes des 2 février 1864, 18 juillet 1866, 14 et 23 mars 1867, 8 septembre 1869, et arrivons immédiatement au sénatus-consulte du 20 avril 1870 qui résume toutes les modifications apportées à la constitution et forme lui-même une constitution nouvelle ratifiée par le plébiscite du 8 mai 1870.

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54. XI. CONSTITUTION DE 1870. Le pouvoir législatif continue à s'exercer collectivement par l'empereur, le Sénat et le Corps législatif; mais l'initiative n'appartient plus à l'empereur seul; elle appartient aussi au Sénat et au Corps législatif. Les projets de loi sont successivement discutés et votés par les deux Chambres, sans aucun ordre de priorité entre elles, si ce n'est pour les lois d'impôt qui doivent d'abord être votées par le Corps législatif. Le Sénat, en devenant une véritable branche du pouvoir législatif, perd ses attributions constituantes; la constitution ne peut être modifiée que par un plébiscite. L'empereur conserve la sanction des lois

Le pouvoir exécutif est exercé par l'empereur; mais, sous la présidence du chef de l'État, les ministres délibèrent en conseil; ils sont responsables solidairement de tous les actes du gouvernement. Ils peuvent être membres du Sénat et du Corps législatif.

Sur un point cependant la constitution s'écartait des principes du régime parlementaire. Tout en admettant la responsabilité ministérielle, l'empereur avait tenu à maintenir sa responsabilité personnelle devant le peuple français. Cette réserve, qui pouvait paraître dictée par un excès de loyauté, n'était au fond qu'un moyen de conserver le pouvoir personnel. L'empereur restait armé du droit d'en appeler au peuple contre la représentation elle-même et de reprendre les concessions qu'il avait faites.

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55. XII. ACTES CONSTITUTIONNELS DIVERS DE 1871 A 1875. Après le désastre de Sedan, l'Empire s'écroula et la République fut proclamée le 4 septembre 1870. Les députés de la Seine constituèrent le Gouvernement de la Défense nationale, lequel, par un décret du 29 janvier 1871, convoqua les électeurs pour le 8 février, à l'effet de nommer une Assemblée nationale. Cette Assemblée, élue au scrutin de liste, conformément à la loi du 15 mars 1849, se trouva, par la force même des choses, investie de tous les pouvoirs. Le 17 février 1871, elle rendit un décret nommant M. Thiers chef du pouvoir exécutif, pour exercer « ses fonctions, sous l'autorité de l'Assemblée, avec le concours de ministres choisis et présidés par lui ».

Quelques mois plus tard, une loi du 31 août 1871 détermina d'une façon plus précise les attributions du chef du pouvoir exécutif qui prit dès lors le titre de Président de la République. Il promulgue les lois, en surveille l'exécution, nomme et révoque les ministres. Le conseil des ministres et les ministres individuellement sont responsables devant l'Assemblée. Le président de la République est également responsable devant l'Assemblée. Cette responsabilité personnelle du président de la République, jointe au droit qu'avait conservé celui-ci de se faire entendre par l'Assemblée toutes les fois qu'il le jugerait nécessaire, pouvait faire naître des conflits entre les deux pouvoirs. Afin de les prévenir autant que possible, une loi du 13 mars 1873 décida que les communications du président de la République avec l'Assemblée n'auraient lieu, en principe, que par le moyen de messages écrits, et que les interpellations ne pourraient être adressées qu'aux ministres. Des dissentiments n'en éclatèrent pas moins entre l'Assemblée et M. Thiers qui donna sa démission le 24 mai 1873. Il fut immédiatement remplacé par le maréchal de Mac-Mahon dont les pouvoirs furent fixés à une durée de sept ans par la loi du 20 novembre 1873. La même loi prescrivit la nomination d'une commission de trente membres chargée de proposer un projet de constitution.

56. XIII. CONSTITUTION DE 1875. — La division des partis au sein de l'Assemblée nationale empêchia d'abord les divers projets présentés d'aboutir. Enfin, le 30 janvier 1875, l'Assemblée adopta un amendement relatif à l'élection du Président de la République. La forme du gouvernement se trouvait par là fixée et la discussion put suivre son cours. L'Assemblée vota successivement trois lois qui forment la constitution actuelle :

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