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il se lançoit dans le monde est précisément celle où mourut Louis XIV. Une telle époque, et la licence qui la suivit, étoient fort propres à développer les dispositions irréligieuses dans lesquelles le jeune Arouet avoit, dit-on, été nourri, et il est assez intéressant d'en suivre les progrès. On trouve dans ses OEuvres, dès 1716, des traces de ses dispositions, et dans une épître de cette date, il se moque déjà des chimères de la Bible, des bégueules qui font leur salut, et de la superstition mère de la tristesse. Les deux vers fameux d'OEdipe sont connus de tout le monde. Dans l'Epître à Uranie, composée sous la régence, Voltaire dit nettement qu'il n'est pas chrétien, et rassemble les objections des incrédules contre les livres saints. Quelques traits de sa Correspon→ dance indiquent le même esprit, dans lequel il se fortifia encore par son séjour en Angleterre, et par ses liaisons avec plusieurs déistes de ce pays. On voit dans les lettres qu'il écrivit pendant son séjour dans cette île les premières traces de l'esprit caustique qu'il. porta depuis sur tant d'objets. C'est alors qu'il écrivit ses Lettres philosophiques, et que, suivant l'expres sion de Condorcet, il jura de consacrer sa vie à détruire les préjugés. C'est alors qu'il s'accouturna à ces alternatives calculées d'audace et de crainte apparente, Jançant une brochure où il frondoit sans ménagement, puis allant s'enfoncer quelques mois dans la retraite, puis reparoissant armé d'un autre pamphlet un peu plus hardi, et se plaignant amèrement d'une persécution qui ne fut jamais sérieuse, et qu'il n'auroit dů d'ailleurs imputer qu'à lui-même. Retiré chez la marquise du Châtelet, avec laquelle on ne nous a pas dissimulé la nature de ses liaisons, il esquissoit sous les

yeux d'une feinme, d'une mère, ce poème où sont unies la licence et l'impiété. Il en envoyoit des fragmens à Frédéric, alors prince royal de Prusse, auquel il recommandoit de fouler aux pieds la superstition et le fanatisme. Depuis il alla joindre ce prince, auprès duquel il demeura trois aus. Jamais, dit-il dans ses Mémoires, on ne parla dans aucun lieu du monde avec tant de liberté, de toutes les superstitions des hommes, et jamais elles ne furent traitées avec plus de plaisanterie et de mépris. Là, dit-il ailleurs, je dí nois régulièrement avec deux ou trois impies. Il n'y a pas de doute que cette société n'ait contribué à accroîire et à développer en lui ce penchant de l'irréligion par lequel il s'étoit déjà signalé, et qui devoit éclater avec tant d'impétuosité dans sa vieillesse.

Dégoûté de Berlin, Voltaire rentra en France. Il auroit pu se fixer à Paris, s'il cut voulu s'abstenir d'écrire contre la religion. La littérature lui offroit assez de sujets pour exercer son talent; mais emporté par un zèle ardent, il aima mieux s'exiler dans une campagne auprès de Genève, que de mettre bas les armes, et de renoncer à la guerre. C'est même de cette époque que son zèle prit un plus grand essor. Alors'sa Correspondance offre un caractère plus marqué d'aigreur et de satire. Alors on le voit arborer les étendards d'un chef de parti, et recourir à ces formules et à ces provocations qui annoncent un complot formé. Il avoit plus de soixante ans, et cet âge du calme et du repos fut précisément celui où ses passions s'exaltèrent, et où il se livra à toute la fougue d'un emportement inexplicable. C'est-là une nouvelle époque dans sa vie. Dans la première, il s'étoit montré sans doute écrivain irréligieux; mais il

gardoit encore quelque mesure, il ne cassoit pas les vitres, qu'on nous passe cette expression pent-être trop familière; il n'affichoit pas la haine et l'esprit de parti; il ne s'étoit pas mis à la tête d'une cabale. C'est de 1757 à 1760 que se fit en lui cette révolution funeste, et qu'exalté par la solitude, aigri par la contradiction, égaré par les applaudissemens de ses amis, encouragé surtout, dit Palissot, par les suggestions de d'Alembert, il secoua toute réserve, et fit éclater dans sa conduite, dans ses écrits et dans sa Correspondance, cette impétuosité, cette irascibilité, cette outre-cuidance, cette passion effrénée avec lesquelles il poursuivit le christianisme pendant les vingt dernières années de sa vie. Nous demandons la permis. sion d'exposer dans un second article le tableau rac, courci de cette partie de sa carrière, avant d'arriver à l'ouvrage qui nous a donné occasion de traiter ce sujet.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES,

ROME. Le 25 juillet, S. S, a tenu au Quirinal un consistoire public, dans lequel elle a donné, avec les formalités ordinaires, le chapeau aux cinq nouveaux cardinaux après qu'ils eurent prêté le serment prescrit par les constitutions apostoliques. Le soir, ils allèrent en corps visiter la basilique du Vatican, puis se rendirent chez S. Em. le doyen du sacré collége. Rentrés chez eux, M. Dominique Ginnasi, camérier secret de S. S., leur apporta le chapeau.

-Mgr. Mazio, secrétaire des lettres latines, a été nommé au canonicat de la basilique dite Libérienne, vacant par la promotion de M. Ranghiasci à l'évêché de Saint-Séverino. Les prélats Bertazzoli, archevêque d'Edesse, Cas

Са

prano, archevêque d'Iconium, et Testa, secrétaire des brefs aux princes, ont été adjoints à la congrégation de l'Index.

Le 23 juillet, le cardinal Naro a pris possession de son titre de Saint-Clément, dans l'église de ce nom, où est le collége des missionnaires anglois. Il y a fait distribuer aux pauvres une abondante aumône qui a été versée dans la caisse de la paroisse de Saint-Louis des François.

L'académie de la religion catholique tient de fréquentes séances. Dans celle du 18 juillet, le P. Maur Capellari, procureur-général des Camaldules, a traité le sujet suivant: C'est en vain que les incrédules, pour contredire l'Ecriture sur la félicité promise aux Hébreux dans la terre de Chanaan, exagèrent leur misère dans ce pays. Le savant religieux a réfuté principalement Voltaire, qui s'est plu à répandre tant de ridicule et de calomnies sur les Juifs. Plusieurs académiciens se proposent de traiter jusqu'aux vacances des sujets analogues, et de venger quelque partie des livres saints contre les objections des modernes philosophes.

- D. Joseph Taylor réclame contre un article des journaux françois, où on lui fait présenter au Pape un mémoire pour réclamer l'intervention des puissances étrangères en faveur des catholiques anglois, et où on lui fait dire qu'il s'est plaint de l'intolérance du gouvernement anglois. Il déclare qu'il n'a jamais présenté de mémoire sur les affaires des catholiques.

PARIS. Nous parlions récemment de la bonne œuvre entreprise par de pieux jeunes gens en faveur des Savoyards. Leur zèle ne s'est point borné à venir au secours de ces enfans malheureux et abandonnés, et tanles uns se chargent de cette tâche, d'autres vont dans les hôpitaux exhorter, instruire et consoler les ma lades. Ils leur font des lectures, ils leur parlent de Dieu, ils les soulagent dans leurs douleurs, ils les touchent par leur patience et leur charité. D'autres ont obtenu

dis que

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d'entrer dans les prisons, et d'y porter des secours à la classe d'hommes la plus rebutante et la moins propre à intéresser. Ils ont su entr'autres qu'il y avoit à Sainte-Pélagie un assez grand nombre d'enfans déjà condamnés pour vols ou autres délits, et qui, confondus avec les autres prisonniers, prenoient par cette funeste communication le goût et l'habitude de tous les vices. Ils ont demandé qu'on les isolât du reste des détenus; ce qui leur a été accordé. Ils ont entrepris ensuite d'instruire ces malheureux enfans plongés dans l'ignorance, et dont la plupart n'avoient jamais entendu parler de Dieu que pour le blasphémer, et n'avoient reçu aucune leçon de morale, ni aucune idée de vertu. Ce profond abandon n'est que trop commun dans Paris, où des parens vicieux ne prennent aucun soin de l'éducation des enfans, les laissent errer à leur gré ou les forment même au crime par leurs exemples. C'est sur cette classe, plus malheureuse encore aux yeux de la foi que sous les autres rapports, que s'exerce la charité des vertueux jeunes gens dont on ne peut se lasser d'admirer le zèle pour les bonnes œuvres les moins agréables à la nature. Ils vont plusieurs fois par semaine faire des instructions à ces enfaus, dont un assez grand nombre se montrent ac cessibles à la voix de la raison. Si quelque chose peut triompher de leurs coeurs, et faire impression sur leurs esprits, c'est sans doute la bonté et le zèle avec lesquels on se dévoue pour eux, et on vient les visiter sans autre intention que de leur faire du bien, et de leur apprendre à connoître Dieu et à aimer la vertu. La religion seule peut inspirer le désir efficace de se consacrer à ce ministère; les idées libérales n'ont pas encore, que je sache, eu assez de crédit pour déterminer personne à se charger d'une mission si peu attrayante. Il n'y a rien là pour la vanité.

Le dimanche 11 août, jour où dans le diocèse de Paris on célèbre la fête de la Susception de la couronne d'épines du Sauveur, on a exposé à la vénération des

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