Page images
PDF
EPUB

mèrent cet ordre, après s'être unis par la constitution de 1119, appelée la Carte de charité (voyez ce mot), convinrent que les abbés feraient réciproquement des visites les uns chez les autres; que l'on tiendrait tous les ans des chapitres généraux, où tous les abbés seraient tenus d'assister, et dont les règlements seraient observés par tout l'ordre par ce moyen, on remédia aux inconvénients du gouvernement monarchique de Cluny (voyez ABBÉ) et à bien d'autres abus, si bien que le pape Innocent III, présidant au concile général de Latran, y fit rendre un décret pour étendre l'usage des chapitres généraux ou provinciaux de l'ordre de Citeaux, à toutes les autres congrégations de réguliers: on peut voir le règlement de ce concile à ce sujet, dans le chapitre In singulis, de Statu monachorum.

Il est fait suivant l'état des religieux de ce temps-là ses principales dispositions, et qu'on a le plus suivies, sont que toutes les congrégations régulières doivent tenir des chapitres généraux ou provinciaux de trois en trois ans, sans préjudice des droits des évêques diocésains, salvo jure diœcesanorum pontificum, dans une des maisons de l'ordre la plus convenable, que l'on doit désigner dans chaque chapitre pour le chapitre suivant; que tous ceux qui ont droit d'assister à ces chapitres doivent y être appelés et y vivre ensemble, aux dépens de chaque monastère qui doit contribuer à la dépense commune; qu'on nommera dans ces assemblées des personnes prudentes pour visiter les monastères de l'ordre même, ceux des filles qui en dépendent, et y réformer ce qu'elles jugeront n'être pas dans les règles; que dans le cas où les visiteurs trouveraient les supérieurs dignes de destitution, ils emploient à cet effet l'évêque diocésain, et à son défaut, le pape; enfin, le concile recommande aux évêques de travailler si attentivement à la réforme des religieux et au bon ordre des monastères qui leur sont sujets, que les visiteurs aient plutôt des remerciements et des éloges que des plaintes à leur faire. Cette dernière disposition s'accorde avec le canon Abbates, 18, qu. 2, tiré du premier concile d'Orléans, qui charge l'évêque d'assembler tous les ans, en synode, les abbés de son diocèse. Abbates..., si quid extra regulam fecerint, ab episcopis corrigantur, qui semel in anno in loco ubi episcopus elegerit, acceptă vocatione conveniant.

L'objet d'un règlement si sage était, comme l'on voit, la réforme ou au moins la conservation de la discipline monastique. Le concile de Constance prononça excommunication contre quiconque mettrait obstacle à son exécution; mais a-t-il toujours produit, et dans tous les ordres, le fruit qu'on s'en était promis? L'histoire nous force de dire que non. (Voyez MOINE.) Au temps du concile de Trente, la plupart des religieux vivaient dans l'indépendance; ils tenaient si peu de chapitres, qu'ils ne vivaient pas même en congrégation. Le concile pourvut à cet abus par un règlement dont voici la teneur : « Tous les monastères qui ne sont point soumis à des chapitres généraux, ou aux évêques, et qui n'ont point leurs visiteurs réguliers ordinaires, qui ont accoutumé d'être sous la conduite et sous la protection im

médiate du Siége Apostolique, seront tenus de se réduire en congrégations dans l'année, après la clôture du présent concile, et de tenir assemblée ensuite, de trois ans en trois ans, selon la forme de la constitution d'Innocent III au concile général; laquelle commence : In singulis; et là seront députées certaines personnes régulières, pour délibérer et ordonner touchant l'ordre et la manière de former lesdites congrégations, et touchant les statuts qui doivent y être observés. Que si l'on s'y rend négligent, il sera permis au métropolitain, dans la province duquel lesdits monastères seront situés, d'en faire la convocation pour les causes susdites, en qualité de délégué du Siége Apostolique; mais si dans l'étendue d'une province, il n'y a pas un nombre suffisant de tels monastères, pour ériger une congrégation, il s'en pourra faire une des monastères de deux ou de trois provinces.

"Or, quand lesdites congrégations seront établies, leurs chapitres généraux et ceux qui y auront été élus présidents et visiteurs, auront la même autorité sur les monastères de leur congrégation et sur les réguliers qui y demeureront, que les autres présidents et visiteurs ont dans les autres ordres. Ils seront aussi tenus de leur côté de visiter souvent les monastères de leur congrégation, de travailler à leur réforme, et d'observer en cela les choses qui ont été ordonnées dans les saints canons et dans le présent concile. Mais si après les instances du métropolitain, ils ne se mettent point encore en devoir d'exécuter tout ce que dessus, les susdits lieux demeureront soumis aux évêques dans les diocèses desquels ils seront situés, comme délégués du Siége Apostolique." (Sess. XXV, cap. 8, de Regul.)

Dans chaque ordre religieux, ou réformé, ou de nouvel établissement, les constitutions et instituts règlent le temps, la forme, ainsi que l'autorité des chapitres généraux, provinciaux et autres; l'on ne peut à cet égard donner aucune règle certaine ni générale. Dans les ordres mendiants, divisés par provinces et non par congrégations, les chapitres ne servent guère que pour l'élection des supérieurs; on y règle bien quelquefois certains points de discipline, mais on n'y nomme pas de visiteurs; le provincial en tient lieu et en fait les fonctions. Dans l'ordre de saint Benoît, on suit plus littéralement le décret du concile de Latran. L'autorité des chapitres généraux est plus grande sans doute que celle des chapitres provinciaux. Les statuts faits dans les premiers sont généralement suivis dans tout l'ordre, au lieu que ceux des chapitres provinciaux n'obligent que dans les monastères de la province. (De Regim. prælat., tract. 4, disp. 8.) Fagnan, remarque, in c. In singulis, de Statu monachor., que plusieurs papes ont renouvelé, avant même le concile de Trente, le règlement du concile de Latran à l'égard de tous les ordres, sans excepter les bénédictins, qui en avaient négligé l'exécution. Cet auteur dit encore que les ordres qui n'ont point de supérieurs généraux, non habentes caput unicum, ne tiennent plus aujourd'hui ces sortes de chapitres.

CHARGES.

On appelle charges en général les devoirs ou obligations attachés à une fonction ou à une dignité quelconque.

§ I. CHARGES de bénéfices.

Les charges attachées aux offices et aux dignités de l'Église doiveut être inséparables des prérogatives et des honneurs qui lui sont attribués. C'est un principe de droit naturel.

Les charges d'un bénéfice sont spirituelles ou temporelles; les charges spirituelles regardent les fonctions qu'il exige de l'ecclésiastique qui le possède. Ces fonctions sont relatives à chaque espèce de bénéficier particulier; et à cet égard nous n'avons rien à ajouter à ce qui est dit sous les mots ADMINISTRATION, BÉNÉFICE, etc. Quant aux charges temporelles, elles consistent dans des réparations à faire, des impositions à acquitter, des droits passifs à remplir; tout bénéficier est à cet égard au cas de la règle : Ubi emolumentum, ibi debet esse onus. De là les charges et impositions ordinaires. Elles sont personnelles ou réelles; les charges personnelles finissent avec les personnes, tandis que les réelles subsistent toujours. Quoiqu'il n'y ait plus actuellement en France de bénéfices proprement dits, néanmoins les curés doivent en général supporter, pour leurs presbytères et biens en dépendant, les mêmes charges que supportaient autrefois les bénéficiers pour leurs bénéfices. Voyez à cet égard notre Cours de législation civile ecclésiastique.

SII. CHARGE d'âmes.

On appelle proprement bénéfices à charge d'âmes, ceux dont les titulaires ont la direction des âmes et la juridiction au for intérieur, c'est-à-dire le pouvoir des clefs, potestatem ligandi et solvendi.

Dans l'usage on n'applique le sens de cette définition qu'aux bénéfices cures; et l'on appelle aussi, dans une signification étendue, bénéfices à charge d'âmes les bénéfices ou cures qui donnent quelque juridiction, même extérieure, sur certaines personnes, comme les doyennés et les dignités qui en tiennent la place.

§ III. CHARGE, emploi.
(Voyez OFFICE.)

CHARIVARI.

C'est une sorte de jeu bruyant qui se fait principalement de nuit, en dérision d'un mariage contracté par un veuf ou une veuve, ou même par des gens d'un âge inégal. Les charivaris sont défendus par les canons. Les conciles de Langres de 1421 et 1455, celui de Tours, tenu à Angers en 1448, celui de Narbonne en 1609, et plusieurs statuts synodaux sont précis à cet égard. Le concile de

Narbonne ordonne aux évêques de défendre les charivaris sous peine d'excommunication: Prohibeant episcopi ludos qui impudenter in contemptum secundarum nuptiarum à permultis fieri solent, carivarios vulgò appellatos contumaces et inobedientes pœná excommunicationis

coerceant.

Charivari, à carivario, signifie, suivant Grégoire de Tours, fâcherie ou bruit de tête. L'usage en est très-ancien. Les païens distribuaient à leur mariage de petits présents au peuple, qui accourait avec bruit et tintamarre, en guise de bacchantes. On l'a suivi parmi les chrétiens au cas des secondes noces, mais dans un autre esprit; ces petits présents ont été regardés dans la suite comme une peine, et le bruit du peuple comme une injure: si bien que les mariés dont on regardait les secondes noces comme odieuses, pour se délivrer de cette importunité, composaient autrefois avec ce chef de la bande, appelé ABBÉ : Secundò nubentibus fit charavaritum seu capramaritum, nisi se redimant et componant cum ABBATE juvenum, et primò non fit charavaritum (1).

Eveillon (2) parle ainsi du charivari qui cause beaucoup de scandale et souvent des querelles, des animosités et des divisions dans les familles, abus qui règne encore dans plusieurs contrées : « Il faut aussi compter au nombre des excommunications comminatoires celle qui a été autrefois ordonnée au concile provincial d'Angers, tenu l'an 1448, contre ceux qui font le charivari, en ces termes : Insultationes, clamores, sonos et alios tumultus, fieri solitos in secundis vel tertiis quorumdam nuptiis, quos carivarium vulgò appellant, propter multa et gravia inconvenientia, quæ indè sequuntur, fieri omninò prohibemus, sub excommunicationis sententiâ, et aliá pœnâ arbitrarið. Nous voyons néanmoins au livre intitulé: Decreta Ecclesiæ gallicana (3), plusieurs anciens statuts de divers diocèses, par lesquels le charivari est défendu sous peine d'excommunication ipso facto, pour faire entendre au peuple combien l'Église a jugé énorme et grief le péché de telles insolences. » Il donne ensuite l'origine du mot de charivari, afin qu'on en conçoive plus d'horreur. « Il a été tiré, dit-il, d'un terme grec qui signifie avoir la tête lourde, parce que faire le charivari est une action d'ivrognes qui ont la tête pleine de vin. L'Église a donc bien pu les appeler hommes plongés dans l'ivresse, par la même raison que chez Homère les hommes impudents sont appelés hommes chargés de vin. "

La plupart des anciens parlements avaient défendu les charivaris, comme contraires aux bonnes mœurs. D'après notre nouvelle jurisprudence, les auteurs et complices d'un charivavi sont punis des peines portées par l'article 479 du Code pénal. (Arrêt de la Cour de Cassation du 5 juillet 1822.)

(1) Joannes de Garr., in Rubr., de secundis nuptiis, n. 68.
(2) Traité des excommunications, pag. 145; seconde édition.
(3) Tit. vi, de Secundis nuptiis.

CHARME.

Le charme est une espèce de maléfice qui consiste à endormir les hommes ou les animaux, afin de pouvoir commettre impunément quelque crime. (Voyez MALÉFICE.)

CHARTE OU CHARTRE.

On donne ce nom aux vieux titres ou enseignements que l'on garde avec soin pour la conservation et la défense des droits d'un Etat, d'une communauté, d'une seigneurie. Dans l'usage, on dit plutôt chartes que chartres; c'est de ce mot qu'on a appelé cartulaires les registres ou recueils, et même les lieux où sont déposés les chartes et documents d'une communauté. (Voyez CARTULAIRES.)

CHARTE DE CHARITÉ.

On appelle ainsi le chapitre général, dont il est parlé dans les premières constitutions de Cîteaux. Le quatrième concile de Latran, tenu sous Innocent III, ayant reconnu l'avantage qu'on pouvait tirer de ces assemblées, a ordonné qu'on tiendrait dans tous les ordres ces chapitres généraux de trois en trois ans. Benoît XII, Clément V et le concile de Trente ont renouvelé cette constitution. (Voyez CARTE DE CHARITÉ, CHAPITRE.)

CHARTRIER

On appelle ainsi le lieu où sont renfermés les cartulaires. ( Voyez CARTULAIRES.

CHASSE

Les canons défendent la chasse aux clercs. (Voyez CLERC,

CHASTETÉ.

ARMES.)

Le vœu de chasteté consiste à renoncer au mariage; car, pour les crimes contraires à cette vertu, tout chrétien y renonce au baptême. Le vœu de chasteté, et par conséquent la profession religieuse, est un empêchement dirimant, qui rend absolument nul le mariage subséquent; en sorte que, s'il est contracté de fait, c'est une conjonction illicite, incestueuse et sacrilége, et les enfants qui en viennent sont illégitimes. (C. Presbyteris 8, distinct. 27.) Un tel mariage est plus odieux qu'un adultère, parce qu'il y ajoute l'impudence de violer ouvertement la promesse faite à Dieu. Presbyteris, diaconis, subdiaconis et monachis concubinas habere, seu matrimonia contrahere, penitus interdicimus. (Voyez CÉLIBAT.)

Il a toujours été défendu aux moines et aux vierges de se marier; mais ce n'est que depuis Gratien que l'Église a déclaré nuls les mariages que contractent ceux qui se sont engagés dans un monastère par des vœux solennels. Auparavant on excommuniait les per

« PreviousContinue »