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tous les motifs qui ont été proposés ou que nous puissions imaginer, il n'y en a pas un qui nous permette de contenter Votre Majesté, ainsi que nous le désirions, pour déclarer la nullité dudit mariage.

« Les trois mémoires que Votre Majesté nous a transmis étant basés sur des principes opposés les uns aux autres, se détruisent réciproquement.

« Le premier, mettant de côté tous les autres empêchements dirimants, prétend qu'il n'y en a que deux qui puissent s'appliquer au cas dont il s'agit, savoir la disparité du culte des contractants, et la non intervention du curé à la célébration du mariage.

« Le second, rejetant ces deux empêchements, en déduit deux autres du défaut de consentement de la mère et des parents du jeune homme mineur et du rapt qu'on désigne sous le mot de séduction.

« Le troisième ne s'accorde pas avec le second, et propose, comme seul motif de nullité, le défaut de consentement du curé de l'époux, qu'on prétend être nécessaire, vu qu'il n'a pas changé son domicile, parce que, selon la disposition du concile de Trente, la permission du curé de la paroisse serait absolument nécessaire dans les mariages.

« De l'analyse de ces opinions contraires, il résulte que les empêchements proposés sont au nombre de quatre; mais en les examinant séparément, il ne nous a pas été possible d'en trouver aucun qui, dans le cas en question et d'après les principes de l'Église, puisse nous autoriser à déclarer la nullité d'un mariage contracté et déjà

consommé.

« D'abord la disparité du culte considérée par l'Église comme un empêchement dirimant, ne se vérifie pas entre deux personnes baptisées, bien que l'une d'elles ne soit pas dans la communion catholique.

« Cet empêchement n'a lieu que dans les mariages contractés entre un chrétien et un infidèle. Les mariages entre protestants et catholiques, quoiqu'ils soient abhorrés par l'Eglise, cependant elle les reconnaît valides.

« Il n'est pas exact de dire que la loi de France, relative aux mariages des enfants non émancipés et des mineurs, contractés sans le consentement des parents et des tuteurs, les rend nuls quant au sacrement. Le pouvoir même législatif laïque a déclaré sur des représentations du clergé assemblé l'an 1629, qu'en établissant la nullité de ces mariages, les législateurs n'avaient entendu parler que de ce qui regarde les effets civils du mariage, et que les juges laiques ne pouvaient donner aucun autre sens ou interprétation à la loi; car Louis XIII, auteur de cette déclaration, sentait bien que le pouvoir séculier n'a pas le droit d'établir des empêchements dirimants au mariage comme sacrement.

« En effet, l'Église, bien loin de déclarer nuls, quant au lien, les mariages faits sans le consentement des parents et des tuteurs, les a, même en les blâmant, déclarés valides dans tous les temps, et surtout dans le concile de Trente.

<< En troisième lieu, il est également contraire aux maximes de l'Église de déduire la nullité du mariage, du rapt ou séduction : l'empêchement du rapt n'a lieu que lorsque le mariage est contracté entre le ravisseur et la personne enlevée, avant que celle-ci soit remise en sa pleine liberté. Or, comme il n'y a pas d'enlèvement dans le cas dont il s'agit, ce qu'on désigne dans le mémoire par le mot de rapt, de séduction, signifie la même chose que le défaut de consentement des parents duquel on déduit la séduction du mineur, et ne peut en conséquence former un empêchement dirimant, quant au lien du mariage.

« C'est donc sur le quatrième empêchement, celui de la clandestinité, ou l'absence du curé, que nous avons dirigé nos méditations. Cet empêchement vient du concile de Trente; mais la disposition du même concile n'a lieu que dans les pays où son fameux décret, chapitre I, session XXIV, de Reformatione matrimonii, a été publié, et même dans ce cas, il n'a lieu qu'à l'égard des personnes pour lesquelles on l'a publié.

« Désirant vivement de chercher tous les moyens qui pourraient nous conduire au but que nous souhaitons d'atteindre, nous avons d'abord donné tous nos soins à connaître si le susdit décret du concile de Trente a été publié à Baltimore. Pour cela nous avons fait examiner de la manière la plus secrète les archives de la propagande et de l'inquisition, où on aurait dû avoir la nouvelle d'une telle publication. Nous n'en avons cependant rencontré aucune trace; au contraire, par d'autres renseignements, et surtout par la lecture du décret d'un synode convoqué par l'évêque actuel de Baltimore, nous avons jugé que la susdite publication n'a pas été faite. D'ailleurs, il n'est pas à présumer qu'elle ait eu lieu dans un pays qui a toujours été sujet des hérétiques.

« A la suite de cette recherche des faits, nous avons considéré sous tous les points de vue, si l'absence du curé pourrait, selon le principe du droit ecclésiastique, fournir un titre de nullité : mais nous sommes resté convaincu que ce motif de nullité n'existe pas.

« En effet, il n'existe pas au sujet du domicile de l'époux. Car, supposons même qu'il retint son propre domicile dans le lieu où l'on suit la forme établie par le concile de Trente pour les mariages, c'est une maxime incontestable que, pour la validité du mariage, il suffit d'observer les lois du domicile d'un des époux, surtout lorsqu'aucun des deux n'a abandonné son domicile frauduleusement; d'où il suit que si on a observé les lois du domicile de la femme où le mariage s'est fait, il n'était pas nécessaire de se conformer à celles du domicile de l'homme où le mariage n'a pas été contracté.

<< Il ne peut non plus exister un motif de nullité par cause du domicile de la femme, par la raison déjà alléguée, savoir, que le décret du concile de Trente n'y ayant pas été publié, sa disposition de la nécessité de la présence du curé ne peut y avoir lieu, et aussi par une autre raison qui est que, quand même cette publication y eût été faite, on ne l'aurait faite que dans les paroisses catholiques, s'agissant d'un pays originairement catholique, de sorte qu'on ne pourrait jamais en déduire la nullité d'un mariage mixte, c'est-à-dire entre un catholique et une hérétique à l'égard de laquelle la publication n'est pas censée être faite.

« Ce principe a été établi par un décret de notre prédécesseur Benoît XIV, au sujet des mariages mixtes contractés en Hollande et dans la Belgique confédérée. Le décret n'établissant pas un nouveau droit, mais étant seulement une déclaration, comme porte son titre (c'est-à-dire, un développement de ce que sont ces mariages en réalité), on comprend aisément que le même principe doit être appliqué aux mariages contractés entre un catholique et une hérétique, dans un pays sujet à des hérétiques, quand même parmi les catholiques y existant on aurait publié le susdit décret.

« Nous avons entretenu Votre Majesté de cette analyse, pour lui faire connaître sous combien de rapports nous avons tâché d'examiner l'affaire, et pour lui témoigner combien il nous peine de ne trouver aucune raison qui puisse nous autoriser à porter notre jugement pour la nullité du mariage. La circonstance même d'avoir été célébré devant un évêque (ou prêtre comme Votre Majesté le dit) Espagnol trèsattaché, comme le sont tous ceux de cette nation, à l'observance du concile de Trente, est une raison de plus pour croire que ce mariage a été contracté avec les formalités suivant lesquelles on contracte validement les mariages dans ce pays. En effet, ayant eu occasion de voir un synode de catholiques célébré à Baltimore, nous en avons encore mieux reconnu la vérité.

<< Votre Majesté doit comprendre que, sur les renseignements que nous avons jusqu'ici de ce fait, il est hors de notre pouvoir de porter le jugement de nullité. Si, outre les circonstances déjà alléguées, il en existait d'autres d'où l'on pût relever la preuve de quelque fait qui constituât un empêchement capable à induire la nullité, nous pourrions alors appuyer notre jugement sur cette preuve, et prononcer un décret qui fût conforme aux règles de l'Église, desquelles nous ne pouvons nous écar

ter en prononçant sur l'invalidité d'un mariage que, selon la déclaration de Dieu, aucun pouvoir humain ne peut dissoudre.

« Si nous usurpions une autorité que nous n'avons pas, nous nous rendrions coupable d'un abus abominable de notre ministère sacré devant le tribunal de Dieu et devant l'Église entière. Votre Majesté même dans sa justice n'aimerait pas que nous prononçassions un jugement contraire au témoignage de notre conscience et aux principes invariables de l'Église. C'est pourquoi nous espérons vivement que Votre Majesté sera persuadée que le désir qui nous anime de seconder, autant que cela dépend de nous, ses désirs, surtout vu les rapports intimes qu'ils ont avec son auguste personne et sa famille, et dans ce cas, rendu inefficace par faute de pouvoirs, et qu'elle voudra accepter cette même déclaration comme un témoignage sincère de notre affection paternelle. Nous lui donnons avec l'effusion du cœur la bénédiction apostolique.

CLAUSE.

« PIE, PP. VII. »

Une clause est une espèce de période qui fait partie des dispositions d'un acte Clausula appellant consulti juris civilis et pontificii, edictorum, stipulationum, testamentorum, rescriptorumque particulas. (L. Quædam, 9, de Edendo.)

Le nombre des clauses qui sont insérées dans les rescrits de cour de Rome, et qu'on appelle clauses apostoliques, est assez considérable, parce qu'il est relatif à la nature des affaires qui en font le sujet ; les canonistes en comptent plus de cinquante. Il en est quelquesunes plus connues et plus générales, dont nous parlons en leur place, telles sont les clauses motu proprio, certà scientiâ, amoto quolibet detentore, appellatione remotâ, anteferri, perindè valere, non obstantibus, etc.; ce sont les seules dont la connaissance nous ait paru intéresser, quoique nous n'avons pas négligé de parler des autres sous les mots où elles viennent naturellement.

Nous remarquerons ici, sur la nature et les effets des clauses, en général, que les rescrits où elles sont apposées se divisent en trois parties, qu'on appelle narratives, dispositives et exécutives.

La narrative vient du pape ou de l'orateur celle du pape s'étend depuis le commencement jusqu'à l'endroit où l'on rapporte la supplique de l'orateur, qui est proprement sa narrative. Voyez NARRATIVE.)

La partie dispositive comprend ce qui est ordonné et prescrit à l'exécuteur, elle commence à ces mots : Discretioni tuæ.

La troisième partie, qui est celle de l'exécution, porte le commandement d'exécuter ce qui vient d'être prononcé, et c'est en cet endroit qu'on appose le plus grand nombre des clauses, dont les unes regardent l'intérêt des tiers, les autres la vérification de la narrative de l'orateur ou de son exposé, et les autres enfin l'exécution de la grâce.

On peut prendre une idée des clauses relatives aux deux premières parties sous les mots SUPPLIQUE, CONCESSION. Voyez pour les autres le mot EXÉCUTEUR. Nous ne devons parler ici de toutes que

T. II.

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dans la généralité, et à cet effet, voici ce que nous apprennent les canonistes.

Régulièrement les clauses mises à la fin se rapportent aux clauses qui les précèdent Clausula in fine posita ad præcedentia regulariter referatur. (Cap. Olim, de Rescriptis.)

Les clauses superflues n'altèrent pas la validité de l'expédition. (Arg. L. Testamentum. c. de Testam.) Superflua non solent vitiare rescripta nec testamenta.

Une clause qu'on a accoutumé d'insérer dans un rescrit, est toujours sous-entendue, et son omission ne rend pas ce rescrit nul (1). Une clause odieuse insérée dans un rescrit est censée produire un effet supérieur au droit commun. (Cap. Omnis, de Panit, et remis) Mais une clause nouvelle et insolite y fait présumer la fraude. Enfin, la nullité du rescrit ou de la grâce principale emporte la nullité de toutes les clauses qui l'accompagnent (2).

On appelle clauses supplétoires, absolutoires, dispensatoires, etc, celles dont les effets sont de suppléer, d'absoudre, de dispenser, etc. Clausula suppletoriæ, absolutoriæ, dispensatoriæ, etc.

CLEF.

Les clefs, dans l'Écriture, désignent l'autorité du gouvernement; elles sont l'image et le symbole de la souveraineté (3). Lors donc que Jésus-Christ, après avoir dit à Simon, fils de Jean: Vous êtes Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Église, ajoute :

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Je vous donnerai les clefs du royaume des cieux, et tout ce que vous lierez sur la terre, sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre, sera délié dans le ciel (Math. XVI, 19), il lui remet toute sa puissance, sans restriction ni limites; il l'établit à sa place; il le substitue, si on peut le dire, à tous ses droits. C'est pour rappeler cette vérité, qu'on représente saint Pierre tenant des clefs à la main. Ces clefs sont au nombre de deux; l'une exprime le pouvoir de juridiction, l'ordre le pouvoir d'ordre; l'une est tournée vers le ciel, que Pierre a le pouvoir d'ouvrir et de fermer, l'autre vers la terre, où Pierre a le pouvoir de commander aux fidèles et de leur imposer des lois. On a coutume, surtout en Italie, de dorer l'une de ces clefs et d'argenter l'autre ; la clef dorée désigne le pouvoir d'absoudre, et la clef argentée le pouvoir d'excommunier, lequel est regardé comme inférieur au premier (4).

Le docteur Phillips (5) ajoute dans le même sens Quand

(1) Fagnan, in cap. Accepimus, de Etate et qualit., n. 5.

(2) Id. in Cap. Nulli, de Rebus Eccles. alien., n. 14.

(8) Bellarmin, de Rom. Pontif., 1, cap. 13, pag. 302; Lupoli, Juris ecclesiastici prælect., tom. 1, pag. 107; Devoti, Jus canonic, universale, 1, pag. 25.

(4) Molanus, Historia sacr. imagin, et picturarum.

(5) Principes généraux du droit ecclésiastique, tom. 1, pag. 63.

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Jésus-Christ disait à Pierre: “ Je te donnerai les clefs du royaume des cieux, etc., " il lui disait équivalemment je te fais Pontife suprême dans mon Église, mon royaume sur la terre. Moi qui vis dans l'éternité, et qui ai les clefs de la mort et de l'enfer (apoc. III, 7), je te confère le pouvoir pontifical des clefs, et ce que tu auras lié sur la terre restera éternellement lié, et personne ni sur la terre ni dans le ciel, sans m'excepter moi-même, ne le déliera jamais; comme aussi ce que tu auras délié sur la terre restera éternellement délié, et personne, ni sur la terre ni dans le ciel, sans m'excepter moi-même, ne le liera jamais. Jésus-Christ ne pouvait parler d'une manière plus claire, plus explicite, plus énergique. Ultérieurement, il donne aussi aux apôtres le pouvoir de lier et de délier; mais ce pouvoir, semblable chez tous, quant à l'objet en général, est dans Pierre le pouvoir suprême, dans les autres un pouvoir subordonné. Le premier est le centre, le second le rayonnement. Les apôtres, eux aussi, peuvent lier et délier, mais seulement ce que Pierre n'a pas lié ou délié lui-même; tandis que Pierre peut lier ou délier ce qui a été délié ou lié par les autres; car, ayant reçu leur pouvoir en commun avec Pierre, ce n'est qu'autant qu'ils l'exercent en commun avec lui que l'usage qu'ils en font est ratifié dans le ciel. Oui, le pouvoir suprême des clefs a été donné à Pierre, à l'exclusion de tout autre, sans excepter l'Eglise elle-même; c'est ce qui résulte évidemment des paroles du Sauveur ; et il est impossible, sans en renverser la contexture si simple et si naturelle, de les entendre dans ce sens, que Jésus-Christ a confié ce pouvoir immédiatement à l'Église, et que Pierre l'a reçu de la main de celle-ci. Memento claves hic Dominum Petro et per hunc Ecclesiæ reliquisse (1).

C'est à peine si nous avons besoin de dire que les Pères de l'Église voient dans la collation du pouvoir des clefs celle de la suprême pontificature, dignité, du reste, dont le prince des apôtres était déjà véritablement investi en tant que pierre fondamentale de l'Eglise. En s'attachant à faire ressortir que c'est à Pierre, à Pierre seul, que Jésus-Christ a dit : « Je te donnerai les clefs du royaume des rieux, ils le proclament par cela même hautement le dépositaire des célestes clefs. « C'est lui, disent-ils, qui a reçu les clefs pour les Claves regni cœlorum communicandas cæteris solus accipit (2). « C'est lui, dit notamment saint Hilaire, qui a les clefs dans sa main; et c'est pourquoi ses jugements terrestres sont des jugements célestes." Hinc regni cælorum habet claves, hinc terrena ejus judicia cœlestia sunt (3).

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transmettre aux autres.

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Il est parlé, sous les mots JURIDICTION, PAPE, CENSURE, EXCOMMUNICATION, ABSOLUTION, PÉNITENCE, du pouvoir des clefs donné par JésusChrist à ses apôtres, et en particulier à saint Pierre, ce qui n'est

(1) Tertullien, de Scorp., cap. 10.
(2) Optat. Milev., c. Parm. vII, 3.
(3) Hilar. Trin. VI, 37.

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