Page images
PDF
EPUB

en ne s'arrêtant ni au tarif civil du 16 février 1807, ni au tarif criminel du 18 juin 1811 a, par cela même, reconnu que le premier est trop élevé et le second insuffisant pour s'appliquer à tous les actes de la nouvelle procédure.

Cependant ces deux tarifs sont depuis long-temps en vigueur, et leurs dispositions sont familières aux magistrats chargés d'en surveiller l'application. Il importait de s'en écarter le moins possible, et de conserver leurs fixations pour le coût des actes, qu'on peut assimiler à ceux qu'ils ont mentionnés, en ayant soin d'emprunter, sur-tout au tarif criminel, parce qu'il est moins dispendieux et qu'il s'approprie mieux à une procédure par jurés ; quant au tarif civil, il convenait d'y recourir pour les actes d'une rédaction plus difficile et sans analogie dans la procédure criminelle.

Telle est la règle qui a été suivie dans les différentes parties de ce réglement.

[ocr errors]

Ainsi, en ce qui concerne les huissiers, les actes qu'ils peuvent être appelés à faire en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique, ont été divisés en deux classes: la première comprend tous les exploits dont la rédaction ne présente aucune difficulté; la seconde, les actes d'une rédaction plus compliquée.

Après avoir réglé les salaires des huissiers, il fallait fixer les indemnités du greffier, qui, aux termes de l'art. 34 de la loi, assiste le magistrat directeur du jury. Dans les procès civils ordinaires, ces indemnités consistent en remises sur les droits de greffe; mais comme, d'après l'esprit de la loi qui tend à diminuer les frais, et d'après les discussions auxquelles elle a donné lieu, les droits étab¦is par devant les juridictions ordiraires ne paraissent pas devoir être perçus à raison d'affaires jugées par la nouvelle juridiction spéciale, il a fallu déterminer les actes qui donneraient lieu à des rétributions en faveur du greffier, et le montant de ces rétributions. D'autres indemnités restaient encore à régle sont celles qui sont dues au magistrat directeur du jury, dans les cas où les assises se tiennent dans un lieu autre que celui de sa résidence habituelle. Il a paru convenable de lui allouer l'indemnité que l'art. 88 du tarif criminel accorde aux magistrats qui vont instruire des procédures hors de la ville où siége le tribunal auquel ils appartiennent Par le même motif, les dispositions de l'art. 89 du tarif précité ont aussi été étendues au greffier qui accompagne le juge.

Deux autres classes de personnes avaient droit à des indemnités de déplacement les jurés, dans le cas où ils croient devoir se transporter sur le terrain litigieux, conformément à l'art. 37 de la loi, et les personnes que le jury croit devoir appeler pour éclairer sa décision. On a adopté pour la fixation de ces indemnités les dispositions du tarif criminel relatives aux jurés et aux témoins; et comme le déplacement dont il est ici question a pour unique objet l'instruction d'un affaire particulière, et ne présente pas le même caractère que celui du directeur du jury et de son greffier,

a paru convenable de faire comprendre ces indemnités dans la taxe des dépens, à la différence de celles qui, allouées au magistrat directeur du jury et au greffier, doivent demeurer à la charge de l'administration ou des concessionnaires de travaux,

Toutes ces indemnités rentrant dans la classe des frais urgents, devront étre acquittées par le receveur de l'euregistrement.

Le réglement se termine par quelques dispositions relatives tant aux règles à suivre pour le recouvrement de ces avances faites par l'administration de l'enregistrement, qu'au mode d'après lequel seront calculées les distances qui auront motivé les différentes indemnités.

Un article particulier détermine qu'il ne sera alloué aucune taxe aux agents de l'administration, que l'art. 57 de la loi autorise à instrumenter concurremment avec les huissiers.

Le projet d'ordonnance que j'ai l'honneur de proposer à l'approbation de votre majesté, a été soumis aux délibérations de son conseil-d'état. Diminuer les frais et simplifier la procédure, afin de favoriser l'essor de l'industrie et la confection des grands travaux publics, si importants pour la prospérité générale du pays, tel a été l'espoir qui a présidé à la rédaction de ce projet, comme à celle de la loi à laquelle il est destiné à servir de complément.

L'expérience de la juridiction nouvelle que la loi du 7 juillet 1833 a fondée, pourra suggérer quelques modifications de détails à un travail qui offrait d'assez graves difficultés, et où il était nécessairè de concilier entre eux beaucoup d'intérêts divers; mais tout porte à espérer que le temps en consolidera les bases, et que l'extension donnée par la loi à l'institution du jury ne produira que d'heureux résultats.

Je suis, etc., etc.

Signe BARTHE.

OBSERVATIONS GÉNÉRALES.

Dans la loi et dans l'ordonnance règne le même esprit : la condition première pour le législateur a été d'éviter les frais, les longueurs des procédures. Pour arriver à ce but, on a créé un tribunal extraordinaire ; on n'admet près de ce tribunal aucun officier ministériel.

Notre conviction intime est que cette expérience du législateur, lancée au milieu d'une législation tout opposée à ce système, ne produira que de mauvais résultats.

Ne prenons qu'un exemple qui scra sensible à tous.

« La loi, dit-on, ne reconnaît point les avoués dans cette procédure » exceptionnelle, donc les parties auront moins de frais à payer qu'en » tout autre matière, »>

Ainsi on suppose qu'en retranchant la nécessité du ministère des avoués, on donne à une partie les connaissances nécessaires pour suivre son affaire elle-même, qu'on ne verra qu'elle aux opérations, aux exper.

tises, qu'elle scule fera entendre ses réclamations, et que ce sera cufin l'àge

d'or de 'a procédure.

Se'on nous, c'est là une erreur bien grave q.,'cût dû faire éviter l'expérience désastreuse de l'an 2.

L'art. 37 permet aux partics de se faire défendre par un fondé de pouvours. Ce fondé de pouvoirs, qui ne sera jamais autre que l'officier ministériel revêtu de la confiance habituelle de la partie plaidante, sera-t-il tenu de conseiller et d'agir gratuitement? Comme les actes et les descentes sur les lieux peuvent être multipliés, comme il peut y avoir licu à des instructions écrites fort développées, à des levées de plans, etc., le mandataire assimilera avec raison cette matière aux matières ordinaires, et il demandera à ses clients de justes honoraires qui pourront s'élever à des sommes très fortes, selon la nature de l'instruction.

Les parties qui obtiendront gain de cause n'auront aucun recours contre la compagnie défenderesse ou contre le gouvernement,

Où est donc la justice de cette parcimonic, dont les effets sont contraires au but qu'on s'est proposé?

Et si les parties confient leurs intérêts à des hommes qui, n'étant soumis à aucune discipline, peuvent abuser plus facilement de leur confiance, elles seront donc forcées de leur intenter un procès pour leur faire rendre leurs pièces et obtenir une réduction des émoluments demandés. Qu'on ne dise pas que nous créons des suppositions impossibles à réaliser, et que chacun sera appelé à apprécier la nature du débat et pourra se défendre soi-même.

L'expérience en toute autre matière, mème la plus simple, celle des justices de paix, vient démentir cette réponse; et d'ailleurs on sera bien forcé de convenir que les femmes, (à moins d'exceptions assez rares), les muets, les aveugles, les malades ne pourront pas se défendre eux-mêmes: ces parties seront alors punies de leur faiblesse ou de leurs infirmités.

Mais, il y a plus: dans les partages en matière ordinaire, où les parties ne peuvent plus se faire assister, aux frais de leur adversaire, d'un conseil auprès des experts, il arrive fréquemment qu'une d'elles paie extraordinairement les vacations de son avoué, parce qu'elle habite à cent lieues des biens estimés, et que ses adversaires sont sur les lieux. Nous pourrions citer en ce cas notre propre expérience, et nous avons trouvé fort injuste de supporter une somme très forte de vacations sans pouvoir en exercer la répétition.

Disons-le avec franchise, parce que les lois ne sont pas immuables, le législateur n'a pas été suffisamment frappé de cette idée fondamentale en matière de justice rendue par les tribunaux, c'est que la partie qui a raison ne devrait jamais être soumise au paiement d'une somme quelconque, et qu'il serait utile d'introduire dans la législation des tribunaux inférieurs cette sage maxime de la première Cour du royaume, qu'outre les dépens ordinaires, la partie qui succombe doit une indemnité à son adversaire.

Une autre question d'un haut et puissant intérêt, et qui n'a pas encore

reçu jusqu'ici sa solution définitive, est celle de savoir s'il est convenable, en boune politique, s'il est conforme à la raison de séparer le pouvoir réglementaire du pouvoir législatif. En Augleterre, depuis long-temps on tient pour principe qu'il faut mettre dans la loi toutes les dispositions réglementaires ou autres, que sa nature comporte, el que pour ne laisser rien à l'arbitraire, il est préférable de prévoir et de fixer à l'avance les mesures d'exception, même les plus minutieuses. De là la prodigieuse longueur de presque tous les bills anglais, inconvénient immense, mais que nos voisins redoutent moins que l'imperfection des réglements faits après coup par le pouvoir exécutif.

En France, jusqu'à présent, c'est le système contraire qui a prévalu. Presque toutes nos lois sont suivies d'ordonnances soi-disant réglementaires, qui les altèrent ou les modifient, les expliquent ou les dénaturent un peu plus, un peu moins, selon les préjugés, les passions et les craintes des hommes du pouvoir. Il est même arrivé quelquefois ( chose monstrueuse!) que de simples décisions ministérielles ont essayé d'envahir le domaine législatif; mais la sagesse des tribunaux a su réprimer ces déplorables tentatives.

On voit que si le système anglais a de notables inconvénients, le nôtre est loin d'être irréprochable. Cependant, à tout prendre, nous le préférerions encore si, d'une part, il était admis que le pouvoir réglementaire ne peut être exercé que dans les circonstances et dans les limites expressément déterminées par les lois dont il s'agit d'assurer l'exécution, et si, d'autre part, les réglements étaient soumis au contrôle et à l'approbation du conseil d'état, qu'on consulte, il est vrai, mais pour la forme, et sans s'arrêter à son avis lorsqu'il n'est pas favorable aux projets d'ordennances qu'on lui soumet témoin l'ordonnance qui précède, laquelle, si nous sommes bien informé, n'aurait pas obtenu l'approbation entière du conseil.

Nous ignorons quels ont pu être les motifs du conseil d'état pour repousser l'ordonnance du 21 septembre; mais l'examen que nous en avons fait nous porte à croire que les imperfections nombreuses et assez impor tantes qui eutachent ce réglement en soat la seule cause. Il est très vrai que le travail confié au gouvernement par l'art. 41 de la loi du 7 juillet dernier, présentait d'assez graves difficultés; mais, nous le disons avec une entière conviction, il ne nous semble pas qu'elles aient été vaincues. Heureusement l'exposé des motifs nous laisse l'espoir de modifications dont la nécessité sera bientôt démontrée.

L'idée qui sert de base à l'ordonnance qui.nɔus occupe est bien simple; on s'est dit: la juridiction nouvelle participe à la fois de la justice civile par la nature des affaires et des actes de sa procédure, et de la justice criminelle par l'intervention du jury. Le législateur, en ne s'arrêtant ni au tarif civil de 1807, ni au tarif criminel de 1811 a, par cela même, reconnu que le premier était trop élevé et le second insuffisant pour s'appliquer aux actes de la nouvelle procédure; et de ces prémisses on conclut

[ocr errors]

qu'il faut s'écarter le moins possible des dispositions des deux Tarifs, en ayant soin d'emprunter, sur tout au Tarif criminel, parce qu'il est moins dispendieux et qu'il s'approprie mieux à une procédure par jurės, et en ayant recours au Tarif civil pour les actes d'une rédaction plus difficile et sans analogie dans la procédure criminelle.

Si le principe est vrai, il n'est pas difficile de démontrer que la couclusion est fausse. Pourquoi, en effet, prendre pour base fondamentale du Tarif nouveau le décret du 18 juin 1811, s'il est constant, comme vous l'affirmez, que le législateur n'a pas voulu s'arrêter à ce Tarif, s'il est reconnu sur-tout qu'il l'a trouvé insuffisant? Conçoit-on une pareille inconséquence? Mais voyons les motifs qui ont fait adopter une telle base. On en indique deux : le premier que le Tarif criminel est moins dispendieux; le second qu'il s'approprie mieux à une procédure par jurés.

Il est manifeste que la première raison est mauvaise, puisqu'on avance que le législateur a trouvé ce Tarif insuffisant: c'était donc, non un motif de préférence, mais d'exclusion.

Quant à la deuxième raison qu'on met en avant, elle ne supporte pas l'examen. On prétend que le décret du 18 juin 1811 s'approprie mieux à la procédure par jurés et pourquoi cela ? C'est apparemment parce que les actes à faire ou à signifier ont plus d'analogues dans la procédure criminelle que dans la procédure civile! Eh bien, cela n'est pas. Que l'on compare l'ordonnance du 21 septembre avec les décrets de 1811 et de 1307, et l'on verra bientôt que presque tous les actes soumis à la taxe ont leurs analogues dans le Tarif civil, tandis qu'il existe fort peu d'actes semblables dans le Tarif criminel.

[ocr errors]

Mais n'insistons pas sur ces considérations premières; il est une inconséquence bien plus extraordinaire à signaler. L'exposé des motifs, comme on vient de le voir, fait connaître qu'on a sur-tout voulu emprunter au Tarif criminel ses dispositions: qu'on l'ait voulu, c'est possible; mais, qu'on l'ait fait, c'est autre chose. Nous affirmons, nous, après examen et vérification (et les preuves plus tard ne manqueront pas), qu'il n'est presque aucune disposition du Tarif criminel qu'on ait suivie, et si l'on en a emprunté quelques-unes, c'est presque toujours en les modifiant et les altérant de façon à rendre la taxe inférieure, même à ce qu'elle est en justice de paix et devant la juridiction des prud'hommes, même à ce qu'elle est en matière criminelle..

Bref, voici comme il nous paraît qu'on a opéré. Sans remarquer que les bases des deux Tarifs de 1807 et de 1811 étaient tout-à-fait dissemblables, et que leurs rédacteurs n'avaient pas procédé de la même manière, on a pris tantôt ici, tantôt là, sans trop d'examen, les dispositións qui tendaient à réduire le plus la taxe des actes tarifables, et l'on est arrivé à un résultat tel qu'on nous semble avoir compromis, dans quelques cas, la marche de la justice et rendu plus difficile la manifestation du bon droit. C'est une fort bonne chose, sans doute, que l'économie dans les procédures, mais' encore faut-il que les affaires marchent, et sur-tout que ce ne soit pas aux

« PreviousContinue »