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tion jusqu'à ce jour, par des règlemens successifs qui remontent à plus de dix années. »

La Cour, ouï le rapport de la commission et après délibération, prit l'arrêté suivant:

ARRÊTÉ.

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La Cour; En ce qui touche la requête du sieur Bouvier ; — Attendu qu'il n'entre pas dans les attributions de la Cour, chambres assemblées, de connaître d'une action relative aux droits de la nature de ceux que prétend exercer le sieur Bouvier; - Que, d'ailleurs, la demande a pour but de faire rendre par la Cour une décision par voie de disposition générale et réglementaire, en contravention avec l'art. 5 du Code civil ;-En ce qui touche la demande en règlement de M. le procureur général; Attendu que, toutes les fois que l'application d'une ordonnance royale est demandée aux tribunaux, il est de leur devoir d'examiner sa constitutionnalité; que ce devoir ne cesse pas pour eux, parce qu'ils auraient déjà ordonné l'exécution d'un pareil acte en d'autres circonstances où sa légalité n'aurait pas été mise en question; Attendu que, sous l'empire de la Charte de 1814, il était de principe constitutionnel aussi bien que sous la Charte de 1830, qu'une ordonnance ne pouvait déroger à une loi ;—Attendu que l'ordonnance royale du 27 février 1822, en chargeant les Cours royales d'arrêter chaque année un état des tribunaux de première instance de leur ressort devant lesquels, vu l'insuffisance du nombre des avocats, il serait permis aux avoués de plaider les causes où ils occuperaient, et en privant de cette faculté les avoués près les tribunaux qui ne seraient pas compris dans cet état, est en opposition avec l'art. 32 de la loi du 22 ventôse an 12, qui accorde aux avoués licenciés le droit de plaider concurremment et contradictoirement avec les avocats les causes par eux instruites, et avec le décret du 2 juillet 1812, qui, tout en restreignant dans certaines limites ce droit à l'égard des avoués près les Cours royales et les tribunaux dans les chefs-lieux d'assises ou de département, le conserve en entier aux avoués licenciés depuis ce décret qui sont attachés aux autres tribunaux de première instance, puisqu'il l'accorde indistinctement à tous les avoués près ces tribuhaux, qu'ils soient ou non licenciés ; qu'il suit de là que cette ordonnance a violé la loi de l'an 12, ce qui est incontestable à l'égard des avoués que ce décret ne prive d'aucun de leurs avantages, ce qui sera vrai encore à l'égard des autres avoués dont ce décret restreint le droit qu'ils tenaient, si l'on considère que, d'après les principes établis par la constitution de l'an 8, une loi ne pouvait être abrogée que par une loi, par un acte de même nature émané du même pouvoir et non du pouvoir exécutif;—Que si, conformément à la jurispru dence généralement admise, on accorde l'autorité législative aux décrets impériaux qui n'ont pas été annulés par le sénat, il résultera de là que l'ordonnance aura à la fois violé la loi de l'an 12 dans les dispositions de cette loi qui n'ont pas été modifiées par le décret de 1812, et ce même décret dans les points où il aurait fait un droit nouveau. → Attendu que pour combattre ces conséquences, on dirait, vainement, qu'il faut distinguer dans les lois les dispositions vrai

ment législatives de leur nature, de celles qui ne sont que réglemen. taires, et reconnaître que si les premières ne peuvent être changées que par une loi, les secondes restent dans le domaine du pouvoir exécutif qui a le droit de les modifier à son gré; qu'une pareille distinction ouvrirait la porte à l'arbitraire; mais que, fùt-elle admissible, on ne saurait l'appliquer au cas actuel, puisqu'on ne pourrait considérer comme réglementaire ni transitoire la disposition d'une loi qui confère à une classe d'officiers publics un droit important;-Attendu qu'on ne serait pas mieux fondé à soutenir que l'art. 32 de la loi du 2 ventôse an 12 a été abrogé par l'art. 18 du décret du 14 décembre 1810, qui déclare la profession d'avocat incompatible avec celle d'avoué, à présenter ce décret comme la loi organique de la profession d'avocat, et à prétendre que celui du 2 juillet 1812 ne contient que quelques dispositions isolées, transitoires, réglementaires, que l'ordonnance a pu modifier lorsque le besoin de leur maintien a cessé de se faire sentir;-Que ce système repose sur une fausse base et présente des contradictions choquantes; Qu'il repose sur une fausse base, puisque le décret de 1810 n'a porté aucune atteinte aux droits que la loi de l'an 12 conférait aux avoués licenciés par son art. 32; qu'il n'a pas abrogé cet article expres sément ; qu'il ne l'a pas fait non plus d'une manière tacite, les dispositions du décret et celles de la loi se conciliant très-bien; Qu'en effet, l'incompatibilité entre lès deux professions ne cesse pas d'exister malgré le droit de plaidoirie accordé aux avoués licenciés par la loi de l'an 12, puisque ces avoués ne peuvent user de ce droit que par exception, dans les seules causes qu'ils ont instruites et devant le seul tribunal auquel ils sont attachés, et que les avocats, au contraire, à qui le décret entend seulement, par cette déclaration d'incompatibilité, interdire la postulation, conservent ce droit absolu de plaider et d'écrire dans toutes les causes et devant tous les tribunaux du royaume? Que l'exécution donnée à ce décret repousse encore le sens qu'on veut lui attribuer, puisque, après son émission, les avoués munis d'une licence postérieure n'en exercerent pas moins le droit de plaidoirie, et qu'enfiu, le décret du 2 juillet 1812, en conservant comme droit acquis aux avoués, licenciés avant cette dernière époque, la faculté que leur assurait la loi du 22 ventôse an 12, reconnut bien positivement que le décret de 1810 n'avait porté aucune atteinte à ce droit ;- Que le système qui tend à regarder le décret de 1810 comme une veritable loi, et à ne considérer celui de 1812 qu'à l'égal d'une simple ordonnance, présente des contradictions choquantes, puisqu'ils sont émanes du même pouvoir, revêtus de la même forme et rendus sur la même matière ; Attenda que, 'après toutes ces considérations, l'ordonnance du 27 février 1822 a été rendue hors des limites du pouvoir exécutif à qui la Charte accordait le droit de faire des règlemens pour assurer l'exécution des lois et non pour les abroger et les modifier, et que les magistrats, gardiens et conservateurs des lois, ne peuvent ordonner l'exécution de cette ordonnance et y concourir, soit en arrêtant l'état des tribunaux qu'elle preserît par son art. 3, soit en ordonnant, comme le requiert M. ie procureur général, que, dans tous les siéges inférieurs, les causes seront toutes plaidées exclusivement par les avocats, sauf le droit de plaidoiție réservé aux avoués licenciés avant 1812, et la faculté aux autres avoués de plai

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der des incidens; Qu'on ne serait pas fondé à prétendre qu'il y aurait toujours lieu à arrêter un état en le faisant coordonner avec les dispositions, soit de la loi de l'an 12, soit du décret de 1812, qui seraient considérées comme n'ayant pu être atteintes par l'ordonnance; Qu'une opération de ce genre, fût-elle possible, différerait de celle que prescrit l'ordonnance et constituerait un règlement que les lois interdisent aux tribunaux; Par ces motifs, rejette la requête du sieur Bouvier, et déclare n'y avoir lieu à faire droit à l'avis du tribunal de Marvéjols, et à la demande des avoués près ce tribunal, ainsi qu'aux divers réquisitoires de M. le procureur général relatifs à l'exécution de l'ordonnance royale du 27 février 1822.

Du 8 janvier 1834. - Chambres assemblées.

COURS ROYALE DE PARIS.

1o. Officiers ministériels. Notaire. Placement. Faits de charge.

2o. Officiers ministériels. Versement.

ment.

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Privilége.

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3o. Officiers ministériels.- Cautionnement. -Transport.

10. Il y a fait de charge constituant un privilége de premier ordre de la part du notaire qui conserve les fonds qu'un client lui avait confiés pour en faire le placement, et ne lui remet en échange qu'une obligation frappée de nullité (Art. 33, l. 25 vent. an 11 (1).

20.

Il n'y a point de privilège du deuxième ordre sur le cautionnement d'un officier ministériel au profit des individus qu'il aurait déclarés lui avoir donné des fonds pour payer les premiers préteurs du montant de ce cautionnement, après que la déclaration faite au profit de ceux-ci aurait été annulée sur les registres du trésor public. (L. 29 vend. an 13, des 28 août 1808, 22 déc. 1812.)

30. De semblables déclarations ne peuvent valoir même comme transport du cautionnement.

(Créanciers Michaux C. Chapoteau.)

Le sieur Michaux avait acquis la charge de Me. Curmer, notaire, moyennant 450,000 fr., et versé un cautionnement au trésor public le 16 décembre 1826. Le 29 il fit inscrire deux déclarations au ministère des finances pour établir le privilége de second ordre en faveur du sieur Bocage et de la dame Lam·

(1) Cette question ne parait avoir été l'objet d'aucune discussion devant les magistrats des deux degrés; elle ne semble même qu'implicitement décidée. `

bert, bailleurs de fonds chacun pour 25,000 fr.; puis là son cautionnement fut absorbé. Ces déclarations furent annulées les 22 août 1827 et 9'juin 1828. A la dernière de ces époques une déclaration fut inscrite au profit du sieur Cornu Beaufort pour 21,000 fr. seulement. Le 7 juillet 1829 cinq autres déclarations, montant ensemble à 29,000 fr., eurent lieu en faveur du sieur Frébard et autres prêteurs. 18 octobre 1830, annulation de la déclaration relative au sieur Cornu-Beaufort. Enfin, 6 avril 1832, dernière déclaration pour 21,000 fr. en faveur de la dame Sibult. Déconfiture du sieur Michaux. Une contribution est ouverte sur son cautionnement. Demande en collocation par privilége de premier ordre au nom de la demoiselle Chapoteau, créancière pour fait de charge. Cette créancière avait remis à M. Michaux 7,000 fr. pour les placer. Quelque temps après, Michaux lui avait donné une obligation solidairement souscrite par les époux Georges, avec hypothèque sur un immeuble, et subrogation dans l'hypothèque légale de la femme. Quand la demoiselle Chapoteau présenta cette obligation aux mariés Georges, ils en demandèrent et en obtinrent la nullité. Le juge-commissaire refusa de colloquer la demoiselle Chapoteau par privilége. Une demande plus grave avait été soumise à ce magistrat. Nous avons dit plus haut que le 22 août 1827 le notaire Michaux était redevenu propriétaire de la moitié de son cautionnement, puisqu'à cette époque fut annulée au trésor la déclaration attribuant privilége de bailleur de fonds à Bocage pour 25,000 fr. En admettant que les 21,000 fr. prêtés par Cornu-Beaufort eussent servi à rembourser une partie de l'autre moitié du cautionnement, prêtée par madame Lambert, il était pareillement redevenu propriétaire de cette moitié, c'est-à-dire les 9 juin 1828 et 8 octobre 1831, par suite de l'annulation, opérée ce jour-là, des déclarations inscrites au profit de Bocage et de la dame Lambert. Restait à savoir si, par les déclarations consenties le 7 juillet 1829 et le 6 avril 1831, le privilége du deuxième ordre avait été consenti pour les 29,000 fr. restans au profit du sieur Trébard et les cinq autres prêteurs y dénommés. Le juge-commissaire colloqua tous ces prêteurs au marc le franc. Contestation et jugement qui réforme le règlement provisoire, tant à l'égard de la demoiselle Chapoteau qu'à l'égard des prêteurs de fonds. Voici les termes de cette décision :

Jugement du tribunal de la Seine, du 6 juin 1833, ainsi conçu Attendu que la condition essentielle imposée pour constituer le privilége du second ordre sur les cautionnemens déposés au trésor par les notaires, c'est la preuve que celui qui les réclame est réellement prêteur ou bailleur des fonds qui composent, en tout ou en partie, le cautionnement versé ; Attendu que les dispositions des lois et décrets qui régissent cette matière n'ont dû et pu avoir pour objet que de déterminer comment cette preuve serait formée; et que,

T. XLVI.

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s'ils ont dérogé aux formalités d'après lesquelles, suivant le droit commun, les priviléges des bailleurs de deniers sont établis, c'est à Ja condition que cette preuve serait justifiée, et que rien ne viendrait y porter atteinte; Attendu, en effet, que la loi du 25 nivôse an 13 voulait que la déclaration au profit des bailleurs de fonds fut faite au moment même où le cautionnement était versé; que le décret du 28 août 1808 permet de faire cette déclaration à quelque époque que ce soit, mais en rapportant, par les prêteurs de fonds, la preuve de leur qualité; enfin, que, si le décret du 22 décembre 1812 a tracé une nouvelle forme de déclaration où ne se trouvent plus les mots de préteurs ou de bailleurs de fonds, il veut que le privilége du second ordre ne soit acquis que conformément aux dispositions de la loi et du décret précédent; Attendu qu'il est constant, dans l'espèce, et reconnu par les parties de Coppry et Plé (Fribourg et la dame Sibuet), 1°. que Michaux a versé son cautionnement au trésor public le 16 décembre 1826; 2o. que le 29 du même mois deux déclarations émanées de lui ont été inscrites au trésor, à l'effet d'établir le privilége du bailleur de fonds, l'une de 25,000 fr. à une dame Lambert, et l'autre de même somme au nommé Bocage; 3°. que, les 22 août 1827 et 9 juin 1828, ces deux déclarations ont été annųlées; 4°. qu'à cette dernière date une nouvelle déclaration a été inscrite en faveur de Cornu-Beaufort, mais pour 20,000 fr. seulement;

5°. que le 7 juillet 1829 cinq nouvelles déclarations montant ensemble

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29,000 fr. ont été inscrites en faveur des parties de Coppry; 6o. que le 18 octobre 1830 la déclaration de Cornu-Beaufort a été annulée; 7o. enfin, que le 6 ayıil suivant une dernière déclaration a été inscrite au profit de la partie de Plé pour 21,000 fr. ; Attendu que de ces faits résulte la preuve que le 22 août 1827 la moitié du cautionnement de Michaux était redevenue sa propriété, et qu'en supposant que les fonds de Cornu-Beaufort aient servi à rembourser une partie de l'autre moitié, il est constant également que ce notaire en est redevenu aussi propriétaire, savoir pour 4,000 fr. le 19 juin 1829, et pour 21,000 fr. le 18 octobre 1830; Attendu, dès lors, que par les déclarations qu'il a consenties les 7 juillet 1829 et 6 avril 1831, il n'a pu faire revivre un privilége entièrement éteint, puisqu'il lui était impossible d'établir que les deniers des déclarations eussent servi à fournir un cautionnement versé avec les deniers d'autres personnes depuis long temps désintéressées : Attendu que décider autrement ce serait méconnaître les termes de la loi et des décrets ci-des sus rappelés, et leur esprit, qui a été évidemment de faciliter au notaire qui s'établit, le moyen de se procurer saus frais les fonds du cautionnement exigé de lui, et non de donner au notaire en exercice, qui est redevenu propriétaire, la faculté de favoriser, au mépris des principes généraux du droit, un créancier, en lui assurant, par une déclaration mensongère, un privilége sur une valeur qui alors est le gage de tous les créanciers; Réforme le règlement provisoire en ce qu'il a admis les créances des parties de Coppry et Plé comme privilégiées sur le cautionnement de Michaux, etc. »

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Appel par les commissaires des créanciers Michaux contre la

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