Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

Qu'il nous soit permis maintenant, messieurs, de mettre en présence les deux systèmes contraires qui vous sont proposés, et de rechercher quel est celui qui se trouve le plus en harmonie avec l'esprit et la lettre de la loi.

L'une des parties vient vous dire :

» S'il est vrai que la déclaration du titulaire puisse produire quelque effet, ce n'est qu'en faveur du premier bailleur de fonds. Dès que celui-ci se retire, il ne peut avoir de successeur au même titre, et ayant le même privilége, qu'au moyen de la subrogation. Toute autre déclaration n'est plus qu'un avantage fait au profit d'un créancier au préjudice des autres.

› Les adversaires, au contraire, vous disent: La loi a voulu protéger spécialement le titulaire; mais elle n'a pas voulu le protéger une seule fois et au premier versement. Chaque fois qu'il aura besoin de renouveler un cautionnement, elle lui accordera la même faveur ; il ne payera qu'un droit fixe, et il n'y a de droit fixe que pour la déclaration; donc la loi n'admet pas d'autre acte.

» N'est-il pas évident, messieurs, que c'est là en effet ce qu'a voulu le législateur. Vous verrez quel serait l'effet de votre arrêt sur le passé, quel serait le résultat pour l'avenir. Une foule de fonctionnaires ont des parties très-importantes de leurs cautionnemens à rembourser dans ce moment. Ils se sont procuré les fonds nécessaires, ils croient être en mesure ;,non, car la simple déclaration ne va plus suffire; il faut des subrogations, et ces subrogations coûtent des frais énormes d'enregistrement; et ils n'ont pas les fonds suffisans.

» La question doit se ramener à deux points bien simples.

» La loi n'a point voulu de subrogation, puisqu'elle n'a exigé qu'un droit fixe; et la subrogation entraîne toujours un droit proportionnel. Cependant, comme les fonds ne peuvent pas rester toujours fournis par le premier bailleur, il faut qu'il y ait un moyen de lui procurer un successeur. Ce moyen ne peut être que la déclaration, et c'est si bien la déclaration, que la loi elle-même en fournit le modèle.

» La déclaration peut être faite à une époque quelconque. Eh bien ! si l'on peut faire la déclaration à une époque quelconque en faveur du premier bailleur de fonds, on peut la faire également à une époque quelconque pour tous les autres. Où puiserait-on la différence ? Dans le motif que par cette déclaration le titulaire assure un privilége au profit d'un créancier. Mais le motif n'est-il pas le même pour le premier bailleur de fonds? Le titulaire verse son cautionnement; un an, deux ans, dix ans s'écoulent, puis il vient faire sa déclaration en faveur d'un tiers. Est-ce que la présomption n'est pas qu'il était propriétaire ou qu'il veut avantager ce tiers? Si cette déclaration est cependant respectée, elle doit l'être de même pour le second bailleur qui se trouve aux droits du premier.

» Nous estimons qu'il y a lieu de réformer la sentence des premiers juges, de valider les déclarations faites au profit des dame Sibuet et consorts, et ordonner qu'ils seront colloqués avec privilége de deuxième ordre sur les deniers formant le cautionnement de Michaux..

TROISIÈME PARTIE.

LOIS ET ARRÊTS.

COUR DE CASSATION.

Tribunaux.-Excès de pouvoirs. Juges de paix.

Un tribunal commet un excès de pouvoirs lorsqu'il commet le juge de paix d'un canton pour remplir les mêmes fonctions dans un canton voisin, pendant tout le temps que pourraient durer les empêchemens des juges de paix et suppléans de ce dernier canton. (Art. 1 et 2 de la loi du 16 ventőse an 12.) (1)

(Intérêt de la loi.)

<< Le procureur général à la Cour de cassation défère à la Cour, en vertu de l'art. 88 de la loi du 27 ventôse an 8, pour être cassé dans l'intérêt de la loi du jugement en date du 17 sep tembre dernier, par lequel le tribunal de Gien, statuant à la requête du ministère public, a commis le juge de paix du canton de Sully comme étant le plus voisin du canton d'Ouzouersur-Loire, à l'effet de remplir dans toute l'étendue de ce dernier canton, et dans le lieu du siége de sa justice de paix, les fonctions de juge de paix, à défaut de titulaire et de ses suppléans empêchés, et cependant tout le temps que pourraient durer les empêchemens de ces fonctionnaires.

à

» La loi du 16 ventôse an 12, en cas d'empêchement d'un juge de paix et de ses suppléans, a bien autorisé le tribunal du ressort renvoyer les parties sur la demande de l'une d'elles, et après avoir entendu le ministère public devant le juge de paix du canton le plus voisin. Mais aucune loi n'accorde à aucun tribunal le droit de déléguer d'office, sur les réquisitions du ministère public, le juge de paix du canton le plus voisin pour suppléer à l'empêchement du juge de paix et de ses suppléans, pendant un temps donné, pour toutes les affaires à venir, et dans toute l'étendue du canton.

>> En faisant une telle délégation, le tribunal statue non par jugement sur des contestations privées, mais par voie de disposition générale et réglementaire; il s'attribue encore le droit de conférer l'autorité judiciaire à un magistrat dans un territoire placé hors de sa compétence. Par ces motifs, etc. » Signé, DUPIN.

(1) Voy. une loi, J. A. t. 16, p. 579, vo. juge de paix, no. 35.

ARRÊT.

La Cour; - Vu les art. 1 et 2 de la loi du 16 ventôse an 12; attendu que le tribunal de première instance de Gien a commis, par son jugement du 17 septembre 1833, le juge de paix du canton de Sully comme le plus voisin du canton d'Ouzouer-sur-Loire, afin de remplir, dans toute l'étendue de ce dernier canton, les fonctions de juge de paix, pour tout le temps que pourraient durer les empêchemens de ces fonctionnaires; que la loi du 16 ventôse an 12 ne confère cependant le droit de délégation aux tribunaux, que d'après les simples conclusions du ministère public, sur une simple requête, parties présentes ou dûment appelées; Que par conséquent dès qu'aucune partie ne demandait de délégation, il n'y avait pas lieu à en ordonner une d'office, sur le réquisitoire du ministère public, pour toutes les affaires qui pourraient se présenter, pendant tout le temps des empêchemens ; →→ Qu'en faisant une telle délégation, le tribunal civil de Gien a statué non par jugement sur des contestations privées entre des parties présentes on dùment appelées, mais bien par voie de disposition générale et réglementaire; qu'ainsi ce tribunal est contrevenu tant à la loi du 16 ventôse an 12 qu'à l'article 5 du titre préliminaire du Code civil; faisant droit sur le réquisitoire du procureur général, et procédant en exécution de l'art. 88 de la loi du 27 ventôse an 8; casse.

Du 4 mars 1834. — Ch. civ.

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small]

10. Le débiteur saisi immobilièrement, et qui, avant la notification des placards aux créanciers inscrits, a obtenu un jugement convertissant la saisie en vente sur publications volontaires, vend valablement à un tiers de bonne foi l'immeuble originairement saisi, quoique le jugement ait subrogé ses créanciers aux poursuites pour le cas où elles seraient négligées, si par suite de la conversion la saisie a été rayée, et si le jugement portant subrogation est inconnu de l'acquéreur (Art. 692 C. P. C. (1).

2o. Les saisissans qui ont donné main-levée de leur saisie après qu'un jugement l'a convertie en vente sur publications judiciaires, ne sont tenus à aucune garantie envers les autres créanciers du saisi, subrogés aux poursuites de vente ou de jugement pour le cas où elles ne seraient pas mises à fin, si la vente amiable que celui-ci a faite à un tiers de l'immeuble originairement saisi est déclarée valable.

(Laval et autres C. Badin et Baillet.)

Saisie immobilière par les sieurs Nérot et Masson sur les

(1) La Cour de Paris a jugé le contraire le 6 décembre 1831, mais dans une espèce où la vente était frauduleuse et où la saisie n'avait pas été rayée.

époux Aavray, 25 novembre 1830, et avant la notification des placards. Jugement qui la convertit en vente sur publications volontaires, et subroge les saisissans aux poursuites, si les saisis ne mettent pas la vente à fin. Tierce opposition à cette décision par les sieurs Laval, Dubief et Bailly, créanciers des saisis. 16 juin 1831, jugement qui la déclare mal fondée par divers motifs inutiles à rapporter, et qui les subroge aux poursuites de vente pour le cas où elles ne seront terminées que dans le délai de quatre mois. En cet état de choses, la saisie est rayée du registre des hypothèques par suite de la conversion en vente volontaire; et le lendemain, les saisis, au lieu de mettre cette vente à fin, vendent sans formalité les im: eubles saisis aux sieurs Badin et Baillet. Ceux-ci notifient leurs contrats; aucune surenchère n'a lieu; mais bientôt ils apprennent que leurs immeubles vont être vendus aux enchères publiques, par suite des jugemens de conversion jusqu'alors inconnus pour eux. Alors ils forment une demande en distraction des immeubles, et les créanciers de leur vendeur demandent la nullité de la vente qui leur a été faite. Les créanciers réclament subsidiairement des dommages-intérêts contre les saisissans Nérot et Masson, comme ayant consenti à la radiation de la saisie, et par-là demandé la vente faite à Badin et Baillet.

Sur ce, jugement du tribunal de la Seine, ainsi conçu :

• Le tribunal, attendu qu'il est constant, en fait, que le 23 août 1832, c'est-à-dire la veille de la vente consentie par les sieur et dame Auvray au profit de Badin et Baillet, les saisies immobilières qui avaient été pratiquées sur ces immeubles, à la requête de Nérot et Masson, avaient été rayées définitivement sur les mains-levées par eux données le 22 du même mois ; qu'il est également constant en fait que la saisie immobilière dont il s'agit avaît été convertie en vente sur publications judiciaires avant l'apposition des placaids, et par conséquent avant leur dés nonciation aux créanciers inserits, qu'ainsi les saisissans étaient réstés maîtres de leur poursuite, et qu'ils étaient libres de la suspendre, de l'abandonner, et d'en donner main-levée; que les saisies pratiquées à la requête des sieurs Néiot et Masson étaient les seules qui avaient été - transclites, et qui par conséquent pouvaient être connues des tiers; et qu'ainsi, par la représentation des certificats de radiation de ces saisies, les sieurs Badin et consorts ont du croire que les sieur et dame Au vray avaient la disposition de leurs biens; que l'incapacité opposée par les créanciers repose seulement sur le jugement rendu par le tribunal le 16 juin 1831, et par lequel il avait été ordonné que, faute par Masson et Nérot de mettre la vente à fin dans le délai de 4 mois, les sieurs Laval, Dubief et Bailly seraient subrogés dans la poursuite ; qu'en attri buant à ce jugement tout l'effet que Laval et consorts veulent lui faire produire, on ne saurait l'opposer aux sieurs Badin et Baillet, qui n'ont pas eu moyen de reconnaître l'incapacité reprochée par Laval et consorts; mais attendu que Badin et Baillet n'ont pas même eu à examiner cette capacité des saisissans, ni la validité de leurs main-levée, et que c'est au conservateur des hypothèques que ce devoir a été imposé; qu'à leur

égard ils n'ont eu à vérifier que la vérité des certificats de radiation qui leur ont été produits.

.. A l'égard des moyens de fraude ( ici le juge reconnaît qu'ils ne sont pas, fondés).

En ce qui touche la demande en garantie et en dommages-intérêts fournis par Laval et Dubief contre Nérot et Masson;

» Attendu que ces derniers étaient maîtres de leur saisie, qu'ils n'étaient soumis à aucune obligation par la loi vis-à-vis des créanciers ; que la subrogation prononcée par le jugement du 16 juin 1831 n'a pas été con sentie par Nérot et Masson; que ce n'était pas à eux à la défendre et à faire des actes pour conserver et maintenir la saisie, que cette subrogation n'aurait certainement pas mis obstacle au payement de leur créance; que ce payement n'aurait pas cependant pu se réaliser dans la main-levée de leur saisie. D'où il suit que ce droit de donner mainlevée n'a pu cesser de leur appartenir; qu'ainsi ils ont pu en user, même sans payement, puisque cette libération, toute en leur faveur, n'intéressait qu'eux... Déclare les sieurs Laval, Bailly, Dubief non recevables et non fondés en leur demande en nullité et les déboute de leur demande en garantie. - Appel. Intervention de nouveaux créanciers inscrits qui demandent la confirmation du jugement de premiere instance.

D

ARRÊT.

La Cour; · Sur les conclusions conformes de M. Bayeux, avocat général, reçoit les interventions, et adoptant les motifs des premiers juges, et considérant que si les intervenans avaient intérêt dans la contestation, ils ne devaient pas y être appelés, et n'ont pu dès lors y assister qu'à leurs frais, confirme, condamne les appelans en tous les dépens, sauf ceux faits par les intervenans.

Du 14 février 1834. - Première chambre.

OBSERVATIONS.

On voit que cet arrêt reconnaît valable ce que nous avons toujours considéré comme nul, malgré l'autorité de la Cour suprême, en décidant que le saisissant et le saisi peuvent, avant la notification aux créanciers inscrits, faire convertir sans leur consentement cette saisie en vente volontaire (V. J. A. t. 44, p. 61 ). Dans l'espèce soumise à la Cour de Paris, cette doctrine n'était pas contestée par les créanciers inscrits ; ils n'avaient pas intérêt à le faire, puisqu'après le jugement de conversion, un 2o. jugement les avait subrogés à la poursuite de la vente volontaire pour le cas de négligence des saisissans et du saisi. Toute la question se réduisait à savoir : 1o. si cette subrogation n'équivalait pas à la notification qui leur aurait été faite des placards de la saisie, ou bien ne constituait pas un contrat judiciaire enlevant au saisi le droit d'aliéner son immeuble, et leur assurant celui de le faire vendre euxmêmes; 2o. si les sieurs Badin et Baillet, qui avaient acquis l'immeuble saisi après la radiation.de la saisie, et sur le vu du certificat de radiation du conservateur des hypothèques, avaient pu traiter valablement, en admettant qu'ils avaient été de bonne foi.

Voici un extrait des conclusions de M. l'avocat général Bayeux, qui a porté la parole dans la cause, et que la Cour a suivies :

[ocr errors]

On vous a présenté une adroite analogie, et l'on vous a dit: Deux

« PreviousContinue »