Page images
PDF
EPUB

Vent-on au contraire que l'administration ait des moyens de forcer ses agents à faire des actes étrangers à leurs fonctions habituelles, sans salaire, sans rétributions, sans indemnité? hé! bien nous l'admettons; mais la conséquence sera la même. En effet, dans cette hypothèse, il est évident que c'est aux huissiers qu'on enlève toute concurrence; car quelle partie entendra assez mal ses intérêts pour s'adresser à eux quand l'ordonnance lui fournit le moyen de faire notifier ses actes sans bourse délier?.. Ainsi, dans un cas comme dans l'autre, on voit que la concurrence qui était dans le vœu de la loi, n'existera pas. Elle reste comme principe, mais dans la réalité, l'ordonnance l'anéantit. (1)

2. Arrivons au tarif.

Nous avons vu, dans l'exposé des motifs, que la volonté des rédacteurs de l'ordonnance avait été de s'éloigner le moins possible des décrets de 1807 et de 1811, familiers aux praticiens et aux magistrats; il est cependant un changement radical apporté à ces deux réglemens et dont on a oublié de faire connaître le motif; nous voulons parler de la suppression des différentes classes d'huissiers. On sait effectivement que le tarif civil, aussi bien que le tarif criminel, a déterminé le coût des actes, suivant l'impor tance des villes, chefs-lieux ou cantons où résident les huissiers, distinction équitable contre laquelle nous ne croyons pas qu il se soit élevé de réclamations sérieuses. Nous ignorons pourquoi l'ordonnance n'a pas adopté ce mode consacré par les réglements existants: ses rédacteurs n'ont pas fait connaître la raison de cette innovation que nous sommes loin d'approuver. Il nous semble injuste d'assimiler l'huissier du plus petit capton, l'huissier résidant dans un hameau, à l'huissier qui exploite à Paris Rouen, Bordeaux, Lyon, etc. Encore si c'était le tarif adopté pour les actes faits dans ces diverses résidences, ou du moins la taxe moyenne des actes, qu'on eût prisé pour base du nouveau tarif, cela se concevrait peutêtre : mais ce n'est pas ainsi qu'on a'opéré. On a pris en général le minimum du coût des actes comme règle et point de départ et on l'a appliqué sans distinction de classes à tous les huissiers : ce qui est d'autant plus injuste pour les huissiers de tre classe, que c'est dans leurs ressorts sur tout centre de civilisation et d'industrie', que la loi du 7 juillet et l'ordonnance du 18 septembre recevront leur application.

3. Nous regrettons d'avoir tant d'observations critiques à présenter à nos lecteurs sur un travail en apparence si simple; mais nous ne transigeons jamais avec la vérité. Seulement, pour ne pas donner trop d'étendue à ces observations déjà si longues, nous glisseróns sur quelques reproches de peu d'importance. Ainsi, par exemple, l'exposé des motifs annonce

(1) M. Stourm et Gillon, p. 288 font observer avec raison qu'en n'allouant aucune rétribution aux agens de l'administration, on a rendu illusoire le droit qu'on a de les employer pour la notification des actes.

que les actes d'huissiers ont été divisés en deux classes; or, il est évident, d'après l'ordonnance même, que cette classification est inexacte, car ce n'est ni dans la Iere ni dans la 2° classe qu'on peut ranger le procès-verbal d'offres et le procès-verbal de consignation dont parle l'art. 3; ainsi l'on pent reprocher encore le vague des dispositions du § 12 de l'art. 1er et du § 10 de l'art. 2. etc., etc. Mais nous n'insistons pas à cet égard, nous avons hâte d'arriver à un reproche plus grave.

4. L'art. 1er de l'ordonnance énumère plusieurs actes simples dont l'original est taxé à un franc seulement conformément à l'art. 71 du décret du 18 juin 1811; mais l'ordonnance déroge à cet article quant au coût de la copie, qu'elle ne fixe qu'au quart de l'original, conformément au systême du tarif civil, tandis que d'après l'art. 71, il est fixé à 50 centimes au moins par chaque copie.

Il résulte de cette combinaison mal conçue, de cet amalgame sans harmonie des deux tarifs, qu'un huissier n'obtient en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique, que vingt-cinq centimes pour une copie, qui, suivant le tarif criminel, est payée au moins le double, et qui, suivant le tarif civil, même dans les matières de la compétence du juge de paix et des conseils de prud'hommes, rapporte à l'huissier au moins trente-deux centimes, indépendamment du coût de l'original qui est toujours taxé plus haut que dans l'ordonnance.

Il est probable que les rédacteurs de l'ordonnance n'ont pas fait ce qu'ils voulaient faire. Prenant pour base de leur travail le tarif de 1811 qu'ils trouvaient insuffisant, ils l'ont tellement réduit en le combinant avec le tarif civil, que les huissiers ne trouveront certainement plus dans une pareille taxe la compensation, la juste indemnité de leur travail. Quoi 25 centimes pour une copie à faire et à porter peut-être à deux kilomètres de leur résidence! En vérité, cela semble dérisoire : c'est probablement une inadvertance.

Pour rendre plus sensible l'insuffisance d'une pareille taxe, rapprochonsla de celle qui résulte des décrets de 1807 et de 1811.

D'après l'ordonnance du 18 septembre, un huissier faisant un acte simple et le signifiant à quatre personnes dont aucune ne serait éloignée de sa résidence de plus de deux kilomètres, obtiendrait,

[blocks in formation]
[blocks in formation]

DEVANT LE JUGE DE PAIX pour les moindres exploits,

et devant les CONSEILS DE PRUDHOMMES.

Pour l'original.

I fr. 25 c.

2 fr. 25. c.

Pour 4 copies à 32 cent. chaque. 1 fr. 28 c. S Ajoutez qu'en matière d'expropriation, pour cause d'utilité publique, l'huissier doit fournir le papier, (2) à la différence de ce qui se pratique en matière civile et criminelle.

6. Nous croyons avoir suffisamment établi que l'ordonnance a fixé pour les actes simples des huissiers une taxe insuffisante, et inférieure, non seulement au tarif criminel qu'on voulait prendre pour base, quoiqu'on le trouvât trop peu élevé, mais même aux fixations les plus basses établies devant quelque juridiction que ce fût : il nous reste à signaler maintenant une anomalie d'un autre genre.

Aux termes de l'article 7 de l'ordonnance, l'huissier a droit à CINQUANTE CENTIMES pour le visa de ses actes, dans les cas où cette formalité est prescrite, et à UN FRANC, si le refus du fonctionnaire qui doit ce visa, oblige l'huissier à se transporter auprès d'un autre fonctionnaire.

Certes, nous ne nous élevons pas en principe contre cet émolument, mais nous croyons qu'il n'est pas eu harmonie avec les autres dispositions de l'ordonnance. Il nous est impossible de comprendre que l'huissier qui, pour la copie de son exploit, y compris la fourniture du papier, et le déplacement nécessaire pour la remise, n'obtient que 25 centimes, ait droit à cin quante centimes (juste le double) pour le simple visa, et au quadruple lorsqu'il y a refus du fonctionnaire. Il n'y a pas de proportion.

D'ailleurs, il ne faut pas oublier que, même en matière civile, le visa quoique nécessaire ne donne pas toujours lieu à un émolument; par exemple, l'art. 23 du tarif dit expressément qu'il ne sera rien alloué aux huissiers des justices de paix pour le visa : à plus forte raison, selon nous,

(1) La taxe est la même en justice de paix pour la plupart des actes d'huissiers.

(2) Les huissiers ne pourront rien réclamer pour le papier des actes par eux notifiés (art. 8. de l'ordonnance ).

en devrait-il être ainsi, en matière d'expropriation, du moins dans le systême bien entendu de l'ordonnance.

7. Nous avons peu de choses à dire du ́droit alloué à l'huissier pour copie de pièces. Au premier coup d'œil, il semble que la taxe déterminée par l'ordonnance est supérieure à celle du tarif, puisqu'elle alloue trente centimes par rôle, tandis que les art. 22 et 28 du décret du 16 février 1807, n'accordent que vingt-cinq centimes au plus. Mais il faut remarquer que, dans le 1er cas, chaque rôle doit avoir vingt-huit lignes à la page et quatorze à seize syllabes à la ligne, c'est-à-dire plus de 800 syllabes, tandis que, dans le second cas, les art. 22 et 28 du tarif n'exigent `que vingt syllabes à la page et dix syllabes à la ligne, c'est-à-dire 400 syllabes seulement par chaque rôle.-Il suit de là que l'huissier est traité cette fois encore bien moins favorablement, en matière d'expropriation publique, qu'il ne l'est en matière civile, soit devant les tribunaux ordinaires, soit devant les justices de paix, puisque d'après l'ordonnance il n'obtient que quinze centimes à raison de 400 syllabes, tandis que, d'après les art. 22 et 28, décret de 1807, il lui est alloué vingt centimes au moins, et quelquefois vingt-cinq pour le même nombre de syllabes.

Que si l'on rapproche la même disposition de l'ordonnance de l'art. 71, $10 du décret du 18 juin 1811, on arrive à peu près au même résultat. En effet, l'art 71, § 10, alloue 30, 40 ou 50 centimes par chaque rôle, à raison de 30 lignes à la page et de 18 syllabes à la ligne, selon les localités, ce qui donne pour moyenne, à raison de 400 syllabes, vingt centimes; or l'ordonnance n'en alloue que quinze. On voit que nous avions raison de prétendre en commençant qu'on n'avait suivi ni les fixations du tarif civil, ni même celles du tarif criminel qu'on prenait cependant pour base du travail, malgré son insuffisance avouée.

8. Aux termes de l'art. 21 de l'ordonnance, l'huissier a droit à des frais de transport, lorsqu'il est obligé d'instrumenter à plus de deux kilomètres de sa résidence. L'indemnité, dans ce cas, se règle par myriamètre et demi-myriamètre, en comptant les fractions de huit ou neuf kilomètres pour un myriamètre, et celles de trois à huit kilomètres (1) pour un demimyriamètre (V. art. 22): on ne peut qu'applaudir à ces dispositions.

9. Nous regardons de même comme une sage disposition l'art. 23 de l'ordonnance qui veut que les distances soient calculées d'après le tableau dressé par les préfets, conformément à l'art. 93 du décret du 18 juin 1811. Ce n'est pas que ces tableaux n'aient excité beaucoup de réclamations dans certaines localités, mais, tout imparfaits qu'ils puissent être, ils ont cet avantage d'établir uue règle uniforme, et de laisser moins de

(1) L'art. 92 du tarif criminel dit de trois à sept, mais cela doit s'entendre en ce sens que le septième kilomètre est compris dans la catégorię, et ne donne lieu à aucune augmentation,

prise à l'arbitraire. C'est par cette raison que nous avons conseillé aux juges taxateurs d'y avoir reccurs, même en matière civile, quoique dans ce cas ils ne soient certainement pas obligatoires. (Voy. nos observations, COMMENTAIRE du TARIF, t. I, p. 63, no 21.)

10. Mais si nous abondons dans le sens des rédacteurs de l'ordonnance sur ces différents points, il n'en est pas même en ce qui touche la fixation de l'indemnité revenant aux huissiers. Suivant l'art. 21, cette indemnité est seulement de 1 fr. 50 par myriamètre parcouru en allant et revenant: elle nous semble insuffisante si l'on entend cette disposition en ce sens (et nous croyons que telle est la pensée de l'ordonnance), que l'indemnité de fr. 50 c. comprend tout à la fois l'aller et le retour. Dans cette hypothèse, T'huissier n'obtient que sept sous et demi par lieue ce qui est trop peu évidemment, sur-tout si l'on considère qu'il lui est alloué cinquante centimes pour le simple visá.

31

Qué si, au contraire, l'on entend l'art. 21 de l'ordonnance en ce sens que l'indemnité de 1 fr. 50 c. est due par chaque myriamètre parcouru, tant en allant qu'en revenant, ce qui serait la seule interprétation équitable, nous croyons que les huissiers, dans ce cas, n'auraient pas à se plaindre de ce que l'on s'est écarté de la fixation de l'art. 66 du décret du 18 juín 1811 mais, nous le répétons, telle n'a pas été très probablement la pensée des rédacteurs de l'ordonnance. Peut être tous les intérêts auraientils été parfaitement conciliés par l'application de l'article 23 du tarif civil dont l'allocation, ce nous semble, n'a rien d'exagéré.

:

11. Nous ne dirons rien de la disposition par laquelle l'ordonnance que nous examinons, maintient l'application de l'art. 35 du décret du 14 juin 1813: Nous avons fait voir dans notre commentaire du tarif que cette disposition, outre qu'elle n'était peut-être pas très juste au fond, se trouvait en fait, d'une application presque impossible; nous ne pouvons donc que nous en référer à nos observations à cet égard (voy. COMMENTAIRE du TARiF, t. 1or p. 51, n° 19.), Mais comme, après tout, il faut bien se conformer aux prescriptions de la loi tant qu'elles sont en vigueur, nous renvoyons aux tableaux que nous avons donnés d'après M. le président FAVARD De LANGLADE, afin de faciliter la taxe et la division des émoluments. (Voy. ibid, p. 52 et suiv. Í

12. Un mot encore au sujet de l'art. 24 de l'ordonnance qui alloué aux huissiers, arrêtés dans le cours d'un voyage par force majeure, un franc cinquante cent. par chaque jour de séjour forcé, encore est-ce à la charge de faire constater par le juge de paix la cause du séjour forcé et d'en représenter le certificat. Nous demandons si c'est sérieusement qu'on entend réduire l'indemnité de l'huissier à un franc cinquante centimes par jour, quand l'art. 21 alloue la même somme pour le transport à huit kilomètres seulenient du lieu de sa résidence. Nous n'insisterons pas sur l'insuffisance évidente d'une pareille taxe, parce qu'heureusement pour les huissiers le cas prévu par l'art. 24. n'est pas de nature à se présenter souvent: Il serait à désirer, dans leur intérêt, qu'il n'y eût dans l'ordonnancé aucune au

« PreviousContinue »