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COUR ROYALE DE PARIS.

Compétence. Étranger. Français. Domicile.

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Un étranger ne peut être traduit devant les tribunaux français par un Français qui n'est pas établi en France. (Art. 14, C. C.) (1).

(Veuve Bertin C. Bagration.)

Appel par la veuve Bertin d'un jugement du tribunal civil de la Seine, ainsi conçu : « Attendu que le tribunal de Paris, devant lequel la veuve Bertin a assigné la princesse Bagration, n'est celui ni du domicile de la demanderesse, ni celui de la défendresse, puisque si la première est Française, elle est établie en Russie (à Saint-Pétersbourg), et n'a aucun domicile en France, et que la seconde est Russe et a son domicile en Russie; que si l'article 14, C. C., accorde aux Français le droit d'appeler les étrangers devant les tribunaux français pour raison des obligations contractées même à l'étranger, il suppose au moins que les Français ont un domicile dans leur pays, domicile qui doit servir à déterminer le tribunal français compétent pour statuer, puisque autrement la loi accorderait encore aux nationaux le privilége exorbitant de choisir leurs juges; Attendu, au surplus, que les motifs qui ont déterminé l'admission de cet article du Code n'existent pas, lorsque l'obligation a été contractée par l'étranger au profit d'une maison de commerce établie dans son pays, sous la protection des lois; par des Français sans domicile et sans établissement qu'en effet le Français dans ce cas n'a pas à argumenter de la difficulté pour lui de quitter son domicile, et de l'inconvénient de courir après son débiteur; il n'a pas à se plaindre d'être obligé de se soumettre aux lois des pays étrangers, sous lesquelles il s'est placé lui-même; qu'enfin appliquer, en pareille circonstance, cet article du Code, ce serait, pour ainsi dire, tromper les étrangers, qui,' traitant avec des individus établis dans leur pays, n'ont pas dû penser qu'ils s'exposaient à être appelés devant des tribunaux. étrangers, ce qui serait plus nuisible qu'utile aux Français;-Le tribunal se déclare incompétent. - Appel.

LA COUR;

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ARRÊT.

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Adoptant les motifs des premiers juges, confirme, etc. Du 20 mars 1834. — 3o. ch.

(1). Arêt conforme, J. A., t. 22, p. 93, v. Tribunaux, no. 121. -Coura DURANTON, t. I no. 151, à la note; LEGAT, Code des étrangers, ch. 7, P.

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CIRCULAIRE MINISTÉRIELLE.

Instance. Production. - Titres. - Timbre. Contravention.

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Monsieur le procureur général, la loi du 13 brumaire an VII soumet au timbre tous actes et écritures devant ou pouvant faire titre, ou être produits pour obligation, décharge, justification', demande on défense; et celle du 22 frimaire an VII veut qu'il ne puisse être fait usage en justice, ou devant toute autre autorité constituée, d'aucun acte sujet à l'enregistrement, qu'il n'ait été préalablement soumis à cette formalité. Le soin d'assurer l'exécution de ces lois a été confié aux tribunaux. Ainsi l'art. 24 de la première défend aux juges de prononcer aucun jugement sur un acte, registre ou effet de commerce non écrit sur papier timbré du timbre prescrit, ou non visé pour timbre.

L'article 47 de la seconde leur défendait également de rendre aucun jugement sur des actes non enregistrés. Cette disposition a été modifiée par l'article 57 de la loi du 28 avril 1816, qui porte : « Lorsque, après une sommation extra-judiciaire ou une demande tendant à obtenir un payement, une livraison où l'exécution de toute autre convention dont le titre n'aurait pas été indiqué dans lesdits exploits, ou qu'on aura simplement énoncée comme verbale, on produira au cours d'instance des écrits, billets, marchés ou factures acceptées, lettres ou tout autre titre émané du défendeur, qui n'auraient pas été enregistrés avant ladite demande ou sommation, le double droit sera dû et pourra être exigé ou perçu lors de l'enregistrement du jugement intervenu. »

Mais pour que cet article puisse recevoir son application, il est nécessaire que les jugemens constatent la production des actes non enregistrés. Cependant, il est des tribunaux où des actes qui ne sont ni timbrés ni enregistrés sont produits journellement sans opposition de la part des juges, et sans que le ministère public fasse à ce sujet aucunes réquisitions, Les huissiers et les avoués n'énoncent que des contraventions verbales, et les jugemens répètent cette énonciation, au lieu de constater la production des actes qui sont mis sous les yeux des magistrats à titre de simples renseignemens.

M. le ministre des finances me signale ces abus comme détruisant la règle si juste de l'égalité proportionnelle des impôts, et comme portant un préjudice réel au trésor public.

Déjà une circulaire émanée du département de la justice, du 6 mars 1815, avait appelé l'attention des magistrats sur de semblables pratiques et sur la nécessité de les faire cesser. Il dépend encore d'eux d'y mettre un terme, ils en auront la volonté sans doute, dès qu'ils réfléchiront qu'en les tolérant, en y concourant même, ils semblent encourager la trop grande propension des citoyens à se soustraire à l'acquittement des droits établis sur les actes, et qu'ils donnent ainsi l'exemple de l'infrac tion aux lois qu'ils sont chargés de faire exécuter.

C'est surtout à MM. les membres des parquets qu'il appartient de concourir activement à détruire ces abus dans les tribunaux où ils existent, et à les empêcher de naître dans les autres : leurs fonctions leur en imposent le devoir, elles leur offrent le moyen d'y parvenir. Je compte sur votre zèle éclairé et sur celui de vos substituts pour obtenir ce résultat. Du 25 avril 1834.

PREMIÈRE PARTIE.

REVUE DE LA JURISPRUDENCE.

AUTORISATION.

De tout temps la faculté d'ester en justice a été pour certaines personnes entourée de restrictions salutaires. Dans leur intérêt même, la loi n'a pas voulu que les incapables pussent librement envahir le prétoire : l'expérience a trop démontré que cette facilité n'avait que des inconvéniens. De là la nécessité de l'autorisation.

Ainsi cette formalité n'est autre chose qu'une mesure de précaution et de protection exigée dans certains cas pour l'exercice des actions judiciaires. C'est une matière qui offre pea de difficultés.

Nous ne parlerons dans cette rapide revue, que nous diviserons en deux paragraphes, que de l'autorisation nécessaire aux femmes mariées et aux communes ou autres établissemens publics on verra aux mots conseil de famille, interdiction, ce qui concerne les mineurs, les interdits et les personnes pourvues d'un conseil judiciaire.

§ Ier. DE L'AUTORISATION DES FEMMES MARIÉES.

Le principe de la matière est écrit dans l'art. 215 C. C., qui veut que la femme ne puisse ester en jugement sans l'autorisation de son mari, quand même elle serait marchande publique, ou non commune, ou séparée de biens : et cela s'entend soit que la femme figure dans l'instance comme demanderesse, ou comme défenderesse, soit qu'elle y figure comme partie intervenante.

Ce principe reçoit peu d'exceptions. La plus notable est écrite dans l'art. 216 C. C.`, qui dispense la femme de l'autorisation quand elle est poursuivie en matière criminelle ou de police. (V. arr. cass. 24 février 1809, J. A., tom. 5, p. 45, no. 26; MERL. Rép. t. 1, p. 523; F. L. t. I p. 253, no. 3, etc.) Mais cette exception doit être rigoureusement renfermée dans les termes de la loi. Aussi a-t-on décidé que lorsque c'est la femine qui intente une action criminelle ou de police, l'autorisation est nécessaire. (V. arr. cass. 30 juin 1808, J. A., t. 5, p. 41, no. 22; MERL. Rép. t. 1, p. 253; DURANTON, t. 2, p. 420, n°. 453; BERRIAT-SAINT-PRIX, t. 2, p. 665.)

T. XLVI.

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L'autorisation n'est pas nécessaire non plus, 1o. lorsque la femme qui plaide devant nos tribunaux est étrangère, parce que, dit-on, l'art. 215 n'est applicable qu'aux Françaises ( arr. Bruxelles, 23 février 1808, J. A., t. 5, p. 34, no. 18); 2°. lorsque la femme française plaide contre son mari pour faire prononcer la nullité de son mariage, parce que ce serait reconnaître ce qui fait l'objet du procès, c'est-à-dire l'existence et la validité du mariage. Cette raison n'est peut-être pas très-concluante: toutefois elle a été accueillie par arrêt de la Cour de cassation, du 31 août 1824 ( V. J. A., t. 27, p. 99).

On a prétendu que la femme était encore dispensée de l'autorisation lorsqu'elle poursuivait l'interdiction de son mari (V. DEMIAU CROUZILHAC, p. 593 ); et cela a été jugé par la Cour de Rouen le 16 floréal an XIII, et par la Cour de Toulouse le 8 février 1823 ( V. J. A., t. 25, p. 41 ). Mais cette décision est critiquée par MM. MERLIN, Rép. t. 1, p. 522; Berriat, t. 2, p. 786, add. fin. note 54 a; et DELVINCOURT, t. I, p. 477, Toujours est-il même en adoptant le système que, de la Cour de Toulouse, il ne faut pas voir dans sa décision une dérogation à l'art. 215 C. C.; car elle la motive seulement sur ce que les formalités préalables de la procédure en interdiction équivalent à une autorisation et peuvent en tenir lieu.

note 2.

L'art. 215, comme on a pu le remarquer, ne parle que de la femme non commune ou separée de biens, et garde le silence sur la femme séparée de corps; de là question de savoir si, même après la séparation de corps prononcée, la femme doit encore, pour ester en jugement, être astreinte à la nécessité de l'autorisation?

Deux opinions ont été émises.

Les uns, partant de ce principe absolu que l'autorisation est exigée ratione imperii maritalis, ont prétendu qu'il n'y avait d'exceptions admissibles que celles qui étaient formellement écrites dans la loi, et qu'on n'en trouvait aucune en faveur de la femme séparée de corps; qu'on voyait au contraire, dans l'art. 1449 C. C., qu'elle était entièrement assimilée à la femme séparée de biens. (V. DURANTON, t. 2, p. 420, no. 453.)

D'autres auteurs ont pensé qu'il fallait faire une distinction entre les actions mobilières et immobilières; que pour celles-ci lautorisation était nécessaire, parce que la femme séparée de corps n'a pas la libre disposition de ses immeubles; mais que quant aux premières, elle devait pouvoir les exercer librement, puisque la loi lui permet d'aliéner son mobilier. Cette opinion est celle de POTHIER, Traité du contrat de mariage, no. 523; et de MM. PROUD'HON, t. 1, p. 262; MERLIN, Vo. Autorisation maritale, sect. 7, p. 514; VAZEILLES, du Mariage, t. 2, p. 36, no. 301; 1 HOMINE LESMAZURES, t. 2, p. 464 et 405, no. 1007 ( V. aussi J. A., t. 5, p. 101, 110. 75); mais elle a été rejetée par arrêt de cassation du 6 mars 1827, sur la plaidoirie de M., Guillemin. (V. J. A, t. 34, p. 9.)

La tendance de la jurisprudence a toujours été d'exiger l'autorisation, quelles que fussent les circonstances particulières où la femme se trouvât placée. C'est ainsi qu'il a été jugé que lorsqu'avant le Code civil une femme a esté en justice sans être autorisée, sous l'empire d'une législation qui le lui permettait, elle a dû cependant, après la promulgation du Code civil, se faire autoriser pour poursuivre l'instance et obtenir jugement (arr. cass. 20 thermidor an XII et 16 prairial an XIII; Turin, 20 messidor an XIII, J. A., t. 5, p. 17, n°. 4). — C'est ainsi encore que la Cour de Grenoble a jugé qu'une femme avait besoin de l'autorisation, même quand elle agissait comme tutrice des enfans issus de son premier mariage. ( Arrêt, 17 août 1831, J. A., t. 42, p. 56.)

Il y a quelque difficulté sur le point de savoir si l'autorisation exigée pour que la femme puisse ester en jugement, est également nécessaire pour les actes extrajudiciaires? - M BERRIAT (t. 2, p. 667, n°. 2, questions) est d'avis que l'art 215C. C. n'est pas applicable à ces actes; mais il leur applique l'art. 219 toutes les fois qu'ils sont de nature à produire un engagement. Cette opinion, qui séduit au premier coup d'oeil, ne nous semble pas complétement satisfaisante. Le vœu de la loi a certainement été que l'autorisation fût nécessaire à la femme et pour contracter, et pour ester en justice. (Art. 219 et 215.)

Si l'on restreignait, comme le fait M. BERRIAT, le sens de ces expressions aux seuls actes judiciaires qui aboutisseut à un jugement, il en résulterait que dans une foule de cas la femme pourrait agir seule et compromettre ses intérêts.

Il nous semble plus régulier, plus conforme à l'esprit de la loi, d'exiger l'autorisation même pour les actes extrajudiciaires, autres que ceux dont il est question dans les art 940 et 2194, C. civ., ou qui sont purement cons rvatoires. Telle paraît être aussi l'opinion de M. CARRÉ, t. 3, pag. 406, po. 2909, ligne 8. Au reste ce quiôte beaucoup d'intérêt à cette question, c'est que les tiers ne peuvent pas, comme on le verra, se prévaloir du défaut d'autorisation quant à la femme, nul doute qu'elle le pourrait. Et par exemple, si elle avait figuré dans un ordre sans autorisation, il a été jugé qu'elle n'aurait point encouru de déchéance. (V. arr. cass., 21 avril 1828, J. A., t. 35, p. 231.)

En général l'autorisation doit être expresse: cependant on décide, et avec raison, que lorsque le mari actionne sa femme, ou qu'il agit conjointement avec elle contre un tiers, il y a autorisation suffisante, quoique tacite. (V. arr. Nancy, 24 avril 1811; Colmar, 14 janv. 1812;Agen, 28 pluv. an XII; cass. 26 fim. an XII et 22 avril 1808; Toulouse, 27 avril 1820; J. A., t. 5, p. 58, n°. 39; p. 13, no. 2; et p. 97, n°. 72.V. aussi MERLIN, Rép. t. 1, p. 597, sect. 5; CARRÉ, t. 3, p. 212; BERRIAT, t. 2, p. 665

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