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sion qui provenait du père est rendue aux enfants légitimes? » M. Duranton nous dit en vain : Fiscus post omnes. Sans doute, post omnes; mais post omnes successores: or, ceux dont nous parlons ne sont pas successeurs pour les biens ne provenant pas de leur auteur (1). 184. La loi ne répète pas ici ce qu'elle a dit dans les art. 733 et 754, que la succession devra se partager en deux moitiés, l'une pour les parents paternels, l'autre pour les maternels. Faut-il en conclure que, s'il y avait concours de frères naturels, germains et consanguins ou utérins, ils partageraient tous également? Nous ne le pensons pas... Celui qui est frère du défunt et par son père et par sa mère, ayant ainsi un double titre à la succession, pourquoi n'y prendrait-il pas une double part?... Dans les cas où la parenté naturelle produit le droit de succession comme la parenté légitime, pourquoi ne produirait-elle pas, comme celle-ci, un effet plus grand quand elle est double que quand elle est simple?... Dans le projet, notre section se terminait par un article qu'on a retranché comme inutile, et qui disait : La succession de l'enfant naturel n'est dévolue à ses père, mère, frères ou sœurs, que lorsqu'il a été légalement reconnu; elle est, au surplus, recueillie conformément aux règles générales sur les successions (Fenet, XII, p. 32). Nous disons que cet article n'a été retranché que comme inutile, en sorte qu'il ne faudrait pas argumenter de sa suppression; car personne n'a réclamé contre sa disposition; puis, sa première partie, qu'on a retranchée comme la seconde, est d'une application incontestable; puis enfin, dans l'Exposé des motifs, le commissaire du gouvernement répéta devant le Corps législatif, après avoir terminé cette matière : « Au surplus, la loi générale sur les successions sera exécutée. » (2)

Ce ne sont pas seulement les frères et sœurs (enfants naturels) que la seconde partie de notre article appelle à la succession ordinaire du défunt, bâtard; ce sont aussi les descendants de ces frères et sœurs. Mais de quels descendants la loi entend-elle parler? Est-ce seulement de leurs descendants légitimes, ou bien aussi de leurs descendants naturels reconnus?... Chabot (no 6), M. Vazeille (ibid.) et M. Poujol (no 7) enseignent que la loi n'ayant restreint ici en aucune sorte le sens indéfini du mot descendants, sa pensée comprend sans doute les enfants naturels comme les enfants légitimes. Mais cette idée nous paraît inadmissible.

En effet, nous avons établi sous l'art. 759, et les trois auteurs cités admettent comme nous que l'enfant naturel ne peut jamais arriver à la succession de son aïeul légitime; et nous avons vu, sous l'article précédent, que la succession d'un bâtard suit, en ce qui touche les descendants, les mêmes règles que celle d'une personne légitime : donc, un bâtard ne peut jamais prendre la succession du bâtard, son grandpère. Mais, s'il en est ainsi, il ne pourra donc pas, à fortiori, prendre

(1) Maleville, Vazeille (no 7); Poujol (no 6).

(2) Fenet (XII, p. 150). Conf. Chabot (no 7); Toullier (IV, 269); Delvincourt (t. II); Vazeille (no 5); Zachariæ (IV, p. 221).

celle d'un bâtard qui est son oncle ou son grand-oncle. Ainsi Pierre, légitime ou bâtard, peu importe, meurt laissant pour tous parents deux parents bâtards, dont l'un est son petit-fils, enfant naturel de son propre enfant naturel; l'autre est son neveu, enfant naturel de son frère naturel : on reconnaît que d'après les art. 756, 759 et 765, le petit-fils ne peut pas succéder; et l'on voudrait que d'après notre article le neveu succédât!!!

185. Au reste, les descendants légitimes du frère naturel bâtard, les seuls que puisse appeler notre article, pourraient venir, non-seulement à la représentation de leur père, mais aussi de leur chef, puisque la vocation qu'ils trouvent dans notre article est écrite, absolument et sans aucune condition du prédécès de leur auteur.

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IV. 186. Les différents successeurs dont la loi parle dans cet article et le précédent, étant tous des parents naturels, sont donc tous des successeurs irréguliers; aucun d'eux, par conséquent, n'aura la saisine des biens, et il leur faudrait en demander l'envoi en possession. Par la même raison, aucun d'eux ne serait tenu des dettes ultrà vires; ils n'en répondraient que jusqu'à concurrence de la valeur des biens qu'ils prennent, puisqu'ils n'en sont tenus que comme successeurs aux biens, et non comme représentants de la personne.

Ces deux articles font voir que l'art. 723 n'est pas complet quand il dit que les biens d'un défunt vont 1° à ses héritiers légitimes; 2o à ses enfants naturels; 3° à son conjoint; 4° enfin à l'État. Ce n'est pas seulement à des enfants naturels que les biens peuvent passer; c'est tantôt à des enfants (ou à leurs descendants légitimes), tantôt à des père et mère, tantôt à des frères ou sœurs (ou à leurs descendants légitimes): au lieu des enfants naturels, il fallait parler d'une manière plus générale des parents naturels. Au reste, ces différents successeurs, par cela seul qu'ils sont parents, passeront tous avant le conjoint du défunt, et l'on ne conçoit pas que Delvincourt ait eu l'idée d'en placer un entre ce conjoint et l'État. Il peut y avoir discussion sur le point de savoir si tel parent naturel doit ou non venir à la succession; mais une fois qu'il est admis dans la classe des successeurs, il ne peut pas y avoir difficulté sur le rang qu'il doit prendre relativement au conjoint: c'est toujours avant ce conjoint qu'il doit être placé. N'est-il pas évident, par toute l'économie du Code, que la loi établit la successibilité, 1o sur la parenté légitime, 2o sur la parenté naturelle, et en troisième ordre seulement sur le titre d'époux? Notre section, consacrée à tous les parents naturels, tandis que le conjoint n'est appelé qu'avec l'État dans la section suivante, ne le prouve-t-elle pas assez ?

Mais, bien entendu, ce n'est pas de la succession laissée par un enfant naturel quelconque qu'il s'agit dans nos deux articles: il ne s'agit que des bâtards simples, et non des enfants incestueux ou adultérins. De même que ces enfants ne succèdent point à leurs parents, de même leurs parents ne peuvent pas leur succéder: les père et mère d'un enfant adultérin ou incestueux, qui se trouve légalement connu par la

force des choses, ne pourraient pas invoquer l'art. 765; ses frères et sœurs (enfants légitimes ou enfants naturels, peu importe), ni leurs descendants, ne pourraient pas invoquer l'art. 766.

187. Ce n'est pas précisément parce que le défunt est adultérin ou incestueux qu'il en est ainsi; car, ainsi qu'on l'a dit plus haut, ce n'est pas la qualité du défunt qu'il faut considérer, mais celle de ses successeurs relativement à lui. Les père et mère d'un enfant adultérin sont pour lui des auteurs adultérins; ses frères et sœurs ou neveux et nièces sont aussi, quant à lui, des parents adultérins : la parenté qui les lie est une parenté adultérine, puisqu'elle a sa source pour tous dans l'adultère des père et mère, et il en est de même dans le cas d'inceste. Or, on sait que la loi ne fonde pas le droit de succession sur l'inceste ou l'adultère. C'est d'abord évident pour les père et mère; car, puisque la loi, dans l'art. 762, repousse les enfants, tout innocents qu'ils sont, du crime qu'elle veut punir, comment épargnerait-elle ceux qui en sont coupables? Et maintenant, quant aux collatéraux, on ne peut pas argumenter de leur innocence, quand on voit la loi frapper les enfants, qui sont innocents comme eux. Encore une fois, la loi, sans distinction d'innocents ou de coupables, n'a pas voulu établir le droit de succession sur la parenté qui est le résultat d'un crime. Le bâtard adultérin ou incestueux ne peut donc avoir de parents, soit légitimes, soit naturels, habiles à lui succéder, que parmi ses descendants (lesquels viendraient comme d'ordinaire, d'après les art. 745, 757, 758, 759): une fois sa descendance épuisée, il ne peut avoir d'autres successeurs que son conjoint ou l'État; quant à des ascendants ou des collatéraux, jamais. M. Loiseau, qui avait émis une idée contraire dans son Traité, est bientôt revenu de son erreur dans son Appendice.

187 bis. Il nous reste à faire une dernière observation. C'est que les successeurs dont il s'agit dans nos deux articles, c'est-à-dire les père et mère ou frères et sœurs naturels, ou les descendants légitimes de ceuxci, seraient obligés, en venant à la succession, d'imputer sur leur part tout ce qu'ils ont reçu du défunt. Cette règle, à la vérité, n'est écrite nulle part en termes exprès; mais elle ressort assez clairement des principes généraux. En effet, nous verrons plus loin (art. 843 et suiv.) que la loi tient à maintenir l'égalité entre les divers héritiers d'une personne et que, pour cela, elle oblige chacun d'eux au rapport de ce qu'il peut avoir reçu; or, pourquoi n'entendrait-elle pas maintenir cette égalité entre les successeurs irréguliers aussi bien que parmi les héritiers légitimes?... L'analogie est ici toute naturelle, et l'art. 762 indique assez qu'elle est dans la pensée du législateur.

SECTION II.

DES DROITS DU CONJOINT SURVIVANT ET DE L'État.

188. Cette section a un objet plus étendu que ne semble l'indiquer sa rubrique. Des sept articles qui la composent, les deux premiers seulement indiquent la vocation du conjoint et de l'État; les cinq autres

s'occupent des obligations imposées soit à l'État, soit au conjoint, soit aux enfants naturels appelés à défaut de parents légitimes. Après avoir expliqué les textes de la section, il nous faudra, pour compléter cette matière, voir quelles obligations analogues sont imposées, 1o aux enfants naturels concourant avec des parents légitimes; 2o aux père et mère ou frères et sœurs naturels.

767. Lorsque le défunt ne laisse ni parents au degré successible, ni enfants naturels, les biens de sa succession appartiennent au conjoint non divorcé qui lui survit.

189. Cet article est rédigé d'une manière incomplète. Les parents légitimes et les enfants naturels ne sont pas les seuls successeurs dont la présence empêcherait le conjoint d'arriver: les père et mère naturels du défunt (pour tous les biens laissés par lui); les frères et sœurs naturels, enfants bâtards, ou leurs descendants légitimes (pour tous les biens aussi); et ses frères et sœurs naturels, enfants légitimes, ou leurs descendants légitimes par représentation (pour les biens provenus de l'auteur commun), passeraient aussi avant ce conjoint. L'article aurait dû dire « Quand le défunt ne laisse ni parents légitimes jusqu'au douzième degré, ni parents naturels appelés par la loi. » Cette rédaction incomplète tient à ce que le législateur n'a reporté ici sa pensée que sur un défunt légitime. Celui-ci, en effet, n'a pas de père et mère naturels ; et s'il a des frères ou sœurs de cette qualité, ils ne lui succèdent pas. Il était, du reste, inutile de dire que la succession passerait au conjoint non divorcé; car un conjoint divorcé n'est plus un conjoint, puisque le divorce brise le mariage. La séparation de corps, au contraire, laissant subsister le lien conjugal, l'époux pour ou contre lequel elle aurait été prononcée n'en succéderait pas moins à son conjoint.

189 bis. On a vu sous l'art. 337, nos II et VII, que la reconnaissance volontaire ou judiciaire, lorsqu'elle a lieu pendant le mariage au profit d'un enfant que son auteur a eu d'une autre personne que son conjoint, ne donne à l'enfant aucun droit de successibilité en face du conjoint ou des enfants du mariage. Cette règle de l'art. 337 doit se combiner avec notre article, en ce qui touche le conjoint, et avec l'art. 757, pour ce qui concerne les enfants légitimes.

189 ter. Nous avons vu sous l'art. 202, no III, que le mariage déclaré nul, mais contracté de bonne foi, produit les effets d'un mariage valable qui viendrait à se dissoudre le jour que la nullité est prononcée. Donc le conjoint, dans ce cas, succédera ou ne succédera pas, selon que la nullité n'aura été prononcée qu'après le décès du de cujus ou l'aura été avant. Car s'il a été déclaré nul avant le décès, votre mariage putatif n'existant plus au moment de ce décès, la personne qui vient de mourir n'était pas votre conjoint; elle l'était (par la fiction favorable de la loi) dans l'hypothèse contraire.

768. A défaut de conjoint survivant, la succession est acquise à l'État.

190. Dans un cas tout particulier, l'État peut se trouver primé par un successeur dont il n'est pas question dans le Code, savoir, l'hospice dans lequel est mort le défunt.

En effet, 1o d'après la loi du 15 pluviôse an 13 (art. 8), lorsqu'un enfant élevé dans un hospice décède avant sa sortie de l'hospice, ou étant encore mineur et sous la tutelle de l'hospice, et qu'aucun héritier ne se présente pour recueillir sa succession, cette succession appartient à l'hospice, à l'exclusion de l'État.

2o Un décret postérieur, du 3-8 novembre 1808, veut que les effets mobiliers apportés dans les hospices par les personnes qui y sont traitées ou entretenues, gratuitement ou non, restent à l'hospice à défaut de successibles et à l'exclusion de l'État.

Le décret va même plus loin; mais en cela il ne pourrait pas s'appliquer. Il veut que, pour les malades traités gratuitement, les effets soient toujours pris par l'hospice comme indemnité, même en présence d'héritiers. Il est clair qu'en ceci le gouvernement a dépassé ses pouvoirs et qu'une semblable règle n'aurait pu être ordonnée que par une loi : l'État a bien pu, au profit des hospices, renoncer à ses propres droits, mais il n'a pas pu briser les droits que les héritiers tiennent de la loi. Tout ce que pourrait faire l'hospice, ce serait de retenir les effets jusqu'au payement de ce qui lui est dû; mais en offrant de faire ce payement, les héritiers, ne fût-ce que le conjoint, pourraient reprendre ce qui appartient au défunt (voy. art. 1, no IV).

769. Le conjoint survivant et l'administration des domaines qui prétendent droit à la succession, sont tenus de faire apposer les scellés, et de faire faire inventaire dans les formes prescrites pour l'acceptation des successions sous bénéfice d'inventaire.

770. Ils doivent demander l'envoi en possession au tribunal de première instance dans le ressort duquel la succession est ouverte. Le tribunal ne peut statuer sur la demande qu'après trois publications et affiches dans les formes usitées, et après avoir entendu le procureur impérial.

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I. - 191. Les formes usitées dont parle notre article ne sont indiquées nulle part. Le tribunal serait libre de suivre le mode d'affiches et de publications ordonné par la loi pour la vente judiciaire des immeubles, ou d'ordonner celui qu'indique, pour la régie des domaines, une circulaire ministérielle du 8 juillet 1806 (1).

II. 192. Toullier (IV, 293) pense que l'État, le conjoint et aussi les enfants naturels (que l'art. 773 va déclarer soumis également aux

(1) Demolombe (t. II, no 211).

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