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pas être interrompu, à moins

à moins que dans le voyage à l'extérieur les neutres n'eussent fourni des objets de contrebande. »

(9) Dans ces derniers temps le conseil anglais, s'apercevant que ses adoucissements ne pouvoient faire prendre le change à une nation jalouse de son indépendance, se rappela que le gouvernement français avoit révoqué pour l'Amérique, le 28 avril 1811, ses décrets de Berlin et de Milan; en conséquance, quatorze mois après (le 23 juin 1812), il rapporta ses ordres des 7 janvier 1807 et 26 avril 1809, en ce qui concernoit les navires des Etat-Unis et leurs cargaisons. Il est sans doute fâcheux qu'une perfide mémoire.compromette les ministres de S. M. B. au point de faire croire que ce rapport tardif a été occasionné la crainte des armements américains. Toutefois il semble que M. Forster les avoit mal instruits sur les dispositions de ce gouvernement, puisque celui-ci a déclaré la guerre à l'Angleterre cinq jours avant le rapport des ordres du conseil. Mais examinons un moment si les Américains mêmes, sans avoir déclaré cette guerre, auroient pu se croire satisfaits révocation.

par

par cette

De tous les neutres, les Américains sont ceux qui ont le plus souffert des prétentions de la GrandeBretagne ; l'œil défiant des négociants anglais ne voyoit en eux que d'anciens sujets et des rivaux dangereux : c'étoit plus que suffisant pour déclarer que le com

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merce des Etats-Unis étoit incompatible avec la prospérité de l'Angleterre. « Il a été plus que suffi<< samment prouvé (dit le président des Etats-Unis « dans sa déclaration du 1 er juin 1812) que le commerce des Etats-Unis devoit être sacrifié, non parce qu'il contrarie les droits de guerre de la Grande Bretagne, non parce qu'il fournit aux besoins de ses ennemis, auxquels elle fournit elle-même, mais << parce qu'il contrarie le monopole, qu'elle convoite * pour son commerce et sa navigation. » Cette convoitise frustre les négociants anglais de douze millions sterling que leur rapportoit annuellement le commerce avec les Etats-Unis; et, ce qui est pis encore que cette perte passagère, c'est que les Américains se déshabitueront des manufactures anglaises, et qu'ils les remplaceront. Le rapport des ordres du conseil, de 1807 et de 1809, n'avoit d'autre but que de conserver le bénéfice d'un commerce qui alloit leur échapper; mais en cela les principaux griefs des nations maritimes n'ont pas été levés; le blocus imaginaire des côtes et ports français, établi par la déclaration de 1806, ne fut pas rapporté. La cour de Londres espéroit que le Gouvernement français laisseroit entrer librement les Américains dans les ports anglais, tandis que, s'appuyant de ses déclarations de blocus de 1806 et suivantes, confirmées par les actes du parlement du 14 avril et du 23 juin 1808, dont le dernier régloit le commerce entre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, les vais

seaux de l'Angleterre auroient pris tous ceux qui voudroient entrer dans les ports français. Un piége aussi grossier étoit trop visible pour qu'il pût rien changer à la conduite de la France et à celle des Etats-Unis. Fideles aux lois de l'honneur, ils ne voulurent pas profiter d'une concession qui n'aboutissoit qu'au profit de l'une des puissances belligérantes, et laissoit indécise la grande question sur les droits des neutres et la presse de leurs matelots. Les ministres anglais, qui ne firent ce demi-pas vers la justice que parcequ'ils avoient enfin reconnu « que les ordres du conseil étoient ruineux pour leur pays», n'en ont donc retiré que la conviction tardive qu'une politique injuste tourne tôt ou tard contre son auteur. «< Ils ont voulu, par les arrêts de leur conseil, « se procurer cinq à six cents millions, qu'ils comp, << toient lever annuellement sur les consommations de « toute l'Europe; et ils ont perdu leur commerce et détruit leur industrie, tandis que l'industrie du << continent a fait les plus rapides progrès. L'effet des ⚫ arrêts du conseil britannique a été d'exciter une « émulation au-delà de toute prévoyance. La France, « le grand-duché de Berg, la Saxe, l'Autriche ont fabriqué tout ce que fabriquoient les Anglais, et << ont porté leurs produits à une perfection qui égale « et qui surpasse même quelquefois celle de l'Angle«< terre. » (Moniteur du 8 mai 1812.)

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Par le rapport de leurs ordres, les conseillers anglais se sont donné un démenti bien gratuit d'injus

tice, et ont confirmé la vérité, que les mesures éner giques du système continental, adoptées par tous les peuples, les forceroient nécessairement à déroger à leurs prétentions sur les mers. En dévoilant ainsi le se cret de leur foiblesse, ils ne peuvent manquer d'encourager les habitants des deux continents à persévérer dans les résolutions qu'ils ont prises pour réduire l'ambition de l'Angleterre. Intimidée, déjà elle recule à chaque pas que les nations alliées font en avant. Le bruit d'un embargo en Amérique, vers la fin de mars dernier, lui avoit dicté la déclaration préparatoire du 21 avril 1812, dans laquelle elle promit de rapporter ses ordres, si la France rapportoit ses décrets. L'énergique déclaration du président des Etats-Unis, et le rapport du comité des relations extérieures du 1er juin, lui ont suggéré l'ordre du 23 juin dernier; mais cette tardive condescendance avoit été prévenue par la déclaration de guerre publiée à Washington le 18 juin. Elle aura sans doute à se repentir d'avoir irrité une nation qui possède cent quarante mille matelots et quinze mille bâtiments au dessus de deux cents tonneaux de port, qu'elle peut convertir en corsaires, dont cent sept étoient en mer avant le 16 septembre. A la même époque, le président des Etats-Unis avoit déja accordé six cent quarante commissions de lettres de marque.

C'est surtout dans la péninsule que la GrandeBretagne éprouvera tous les effets de l'inconséquence de sa conduite envers l'Amérique. L'embarras dans

lequel elle se trouve de pourvoir à la subsistance des flottes et des armées qu'elle y entretient, l'a déja poussée à accorder des licences aux vaisseaux neutres chargés de provisions, et venant des Etats-Unis pour entrer dans les ports de Cadix et de Lisbonne, soit que la cargaison appartienne à un Américain ou à un autre; ce qui revient à dire que, malgré qu'elle ait forcé les Américains à lui faire la guerre, elle veut bien leur permettre de commercer sous pavillon neutre, pourvu qu'ils approvisionnent ses flottes. « C'est ainsi que le cabinet anglais a été obligé, par la force des choses, à reconnoître ce principe, que le pavillon couvre la marchandise; principe qu'il avoit nié avec tant d'obstination, et <<< dont la reconnoissance est le principal objet des << demandes de la France. » (L'Alfred du 8 août.)

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Les Anglais ont enfin accordé aux bâtiments américains navigant avec une licence anglaise, toute sûreté pour continuer leur route; mais les Américains, conduits par le sentiment de leur dignité, prennent en mer ceux de leurs propres vaisseaux qui sont munis de telles licence; et s'ils arrivent dans les ports, ils sont confisqués en vertu de l'acte de non importation.

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