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de leur pays plutôt que de celui des marchandises anglaises.

Tout ce que nous venons de dire n'est qu'une très foible esquissè des maux que la moderne Carthage vous prépare, et dont la Russie, son alliée, voudroit avancer le terme. Leurs partisans ne manqueront pas de décrier ce tableau comme exagéré; mais que ceux qui porteront un tel jugement tournent leurs regards vers les côtes de l'Afrique, jadis couvertes d'états si florissants; les Grandes Indes, berceau du genre humain; les bords si riches de l'Euphrate; la Grèce, si fertile en héros ; qu'ils se rappellent les génies qui ont illustré ces contrées, qu'ils approfondissent les raisons de leur décadence et de leur chûte, et qu'ils prononcent alors s'il est impossible que notre Europe vieillie ne subisse le même sort, si elle n'est pas régénérée, si elle ne recouvre pas le libre exercice de ses droits sur les mers et le commerce dont elle s'est laissée peu à peu pouiller.

Telle est la destinée que les Océanocrates et leurs partisans s'évertuent inutilement de nous préparer. Voyons maintenant celle vers laquelle les forces de la France et des nations confédé rées tendent comme vers un but commun, et

qui ne peut manquer de nous arriver, si nous soutenons par des efforts unanimes le héros qui y dirige nos pas.

L'Europe, ranimée par la paix universelle, se ressentira à cette époque d'une nouvelle vie. Toutes les sources d'abondance, absorbées par la guerre, se tourneront vers l'industrie, le commerce et la navigation; les forces belliqueuses, qui agitent aujourd'hui le sein de l'Europe, seront dirigées vers les entreprises maritimes; peu de temps de temps suffira pour cicatriser les plaies du continent.

Dès l'instant que les mers seront libres, les manufactures recouvreront une activité d'autant plus grande, qu'on a appris à se passer de celles des Anglais; les routes, les canaux, préparés avec tant de sagesse par un génie bienfaisant, seront couverts de marchandises destinées à l'exportation. Les vaisseaux fourmilleront dans tous les ports; ils pourront y entrer et en sortir, sans avoir à redouter des corsaires, car l'Angleterre sera forcée de reconnoître le code maritime de Napoléon; les fonds enfouis rentreront dans la circulation, et répandront une activité dont la bienfaisante influence s'étendra sur toutes les classes. Depuis Lisbonne jusqu'à Saint-Pétersbourg, tous

les peuples du continent se trouveront réunis par les liens d'un même intérêt : protégés par les mêmes aigles, ils pourront librement échanger leurs productions contre les richesses des deux Indes (18); cent cinquante millions d'Européens partageront les bénéfices du commerce que moins de neuf millions d'Anglais vouloient se réserver exclusivement.

L'idée de l'équilibre politique qui étoit si avantageuse pour l'Angleterre, sera remplacée par une autre qui contrariera ses vues, en faisant valoir les titres qu'ont toutes les nations à un droit commun sur terre et sur mer.

Le systême d'isolement dans le commerce introduit par l'avidité des Anglais et d'après lequel chaque nation veut vendre ses manufactures à ses voisins, en se bornant, pour ses besoins, aux productions de ses fabriques, cause les plus grands embarras aux peuples quand les débouchés ordinaires viennent à se fermer (19). Če systême fera place à une politique plus libérale qui permettra à tous les peuples le libre échange des productions de leur industrie, sans chercher à faire fleurir les fabriques d'une nation aux dépens de celles des autres. Le commerce, comme l'industrie, ne sauroient prospérer sans la liberté illimitée

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des échanges. « Il seroit digne d'un siècle bar<< bare, et non du siècle où nous vivons, celui << qui viendroit mettre obstacle au juste développement de l'industrie des peuples. Les di«vers climats ont diverses productions. Les échanges font la fortune et la commodité réciproques. Que le commerce soit donc ré« tabli, mais qu'il le soit sur des bases justes et égales, que les peuples luttent entre eux << d'économie et d'industrie, mais n'appuient pas par la force une industrie arbitraire. >> (Mon. du 31 juillet 1812.)

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Les entraves momentanées mises sur le commerce des peuples d'après des principes d'une politique éclairée usant du droit de représailles, cesseront donc d'exister aussitôt que la nation qui, par le secours de ses machines et de sa marine, auroit seule retiré tous les fruits d'un commerce illimité, sera forcée d'abandonner ses prétentions révoltantes.

Le commerce, débarrassé de ses entraves, délivrera à son tour les arts, qui, malgré les efforts d'un génie supérieur pour les stimuler, ne pourront tous être employés que lorsque le commerce, redevenu libre, aura répandu une aisance générale sur toutes les classes de la société.

Les sciences profiteront des communications rouvertes entre les peuples. La liberté de la navigation sur toutes les mers leur apportera de nouveaux élémens.

C'est alors que nous verrons achever tous les plans sublimes qu'un héros seul pouvoit enfanter, lequel embrasse avec une égale ardeur et la grandeur de l'antiquité et les idées libérales de notre siècle; qui, quoique triomphateur, semble ne vouloir monter les marches sacrées du Capitole qu'après avoir réalisé les belles espérances qu'il a fait naître.

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Européens! c'est à vous à déterminer quel parti mérite votre adhésion, à décider de votre sort et de celui de vos arrières-neveux. Leur laisserez-vous pour héritage l'opprobre et l'avilissement que les nouveaux Punes vous préparent, ou saisirez-vous l'occasion de recouvrer votre antique illustration? Etes-vous effrayés des privations que vous aurez à vous imposer pendant cette lutte? Les Romains n'avoient encore qu'un seul vaisseau quand ils furent attaqués par les Anglais de l'ancien monde les Carthaginois, qui prétendoient aussi à l'empire universel des mers. Ils ont soutenu contre eux trois pénibles guérres; les revers qu'ils éprouvèrent ne furent point capa

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