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» coup plus que de la moitié du juste prix. » Mais il est question maintenant d'y pouvoir >> mettre la dernière main, renvoyant la » nouvelle vérification après la perfection de » l'ouvrage ».

Il se bornoit à demander que les 300,000 1. du prêt de la province fussent payées en sept mois; que les cent vingt-cinq mille livres qu'il devoit prendre de la gabelle, lui fussent comptées en six mois, et que l'argent qu'il devoit recevoir du trésorier des Etats, lui fût délivré aux termes convenus sans aucun retardement.

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« Et quoique je reçoive ces sommes pour » finir le Canal, continuait Riquet, je les » prendrai pourtant sous le titre de Cette, >> afin que si après les travaux du Canal finis » il se trouve qu'il ne me soit rien dû pour » lesdits travaux extraordinaires, je serais » obligé de finir les travaux de Cette à mes » propres dépens. Mais si l'erreur intervenue » à l'estimation desdits travaux, est justifiée >> par la nouvelle vérification, j'ose me per>>suader que la justice du Roi voudra bien la » réparer; et j'aurai le moyen, avec cela, » de finir Cette et de me remettre, en >> quelque façon, des pertes que j'ai faites

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» en mon entreprise, qui seront alors con»> nues : mon but principal n'ayant jamais » été de m'enrichir, mais seulement de bien » faire et de réussir dans mon dessein, qui >> passoit pour impossible dans l'esprit de

>> tout le monde ».

Cependant Riquet redoubloit d'efforts et de soins pour achever sa grande entreprise. Elle touchoit à sa fin; et déjà il entrevoyoit l'instant où la navigation alloit être établie de l'un à l'autre bout du Canal. Mais il n'eut pas la satisfaction de voir s'accomplir cette navigation, l'objet de ses desirs; il mourut le premier octobre 1680 (1).

(1) Extrait du Mercure de 1681.

« Le Canal de la jonctiou des mers est achevé. Le succès en est d'autant plus extraordinaire, qu'on l'avait toujours regardé comme impossible; et quoique dans les siècles passés on en ait connu les avantages, on n'avait pas osé l'entreprendre. Feu M. de Riquet, natif de Beziers, homme d'un génie heureux et d'une pénétration très-vive, sachant qu'autrefois on avait eu le dessein de la communication que nous voyons enfin achevée, résolut de n'épargner ni soins ni recherches pour découvrir le moyen de l'exécuter. La connoissance que divers emplois dans la province lui avoient donnée de tout le pays, lui fit voir d'abord que la seule route du Haut au Bas-Languedoc le rendoit possible. M. Riquet

A cette époque, il ne restoit à faire qu'une lieue du Canal près le Somail. Mathias Riquet de Bonrepos, animé du même zèle que son père, se hâta d'achever ce reste d'ouvrage, et le Canal fut en état de navigation six mois après la mort de Riquet. M. de Bonrepos supplia le Roi d'en ordonner la vérification, et de faire estimer en même temps tous

fit à M. de Colbert la proposition de l'entreprise. Le Canal fut commencé en 1666, après que M. Riquet eut répondu du succès. C'est lui qui en a conduit tous les dessins, et à qui la gloire est due de l'achèvement de tous les travaux qu'il a fallu entreprendre. Comme il restoit peu de chose à faire pour le rendre parfait, il avoit lieu d'espérer que le premier essai du Canal ne se feroit point sans qu'il reçût les justes louanges qui lui étoient dues : sa mort l'a privé de les entendre, elle est arrivée au mois d'octobre de l'année dernière, et ce fut à ce sujet que M. de Cassan a dit dans son épitaphe:

Cy gît qui vint à bout de ce hardy dessein
De joindre des deux mers les liquides campagnes,
Et de la terre ouvrant le sein,

Applanit même les montagnes.

Pour faire couler l'eau, suivant l'ordre du Roy,
Il ne manqua jamais de foy,

Comme fit une fois Moyse.

Cependant, de tous deux le destin fut égal ;

L'un mourut prêt d'entrer dans la terre promise;

L'autre est mort sur le point d'entrer dans son Canal.

les ouvrages extraordinaires, tant ceux déjà liquidés par arrêt de 1677, que ceux faits depuis. Cette demande fut accueillie, et le Roi nomma, pour procéder à cette vérification, M. d'Aguesseau, de la Feuille, et Mourgues, jésuite. Ces trois commissaires partirent de Beziers le 2 mai 1681, et firent la visite du Canal à sec jusqu'à son embouchure dans la Garonne, en suivant ses bords. Tout fut examiné en détail, les talus, les écluses, les chaussées, les épanchoirs, &c. ils visitèrent aussi les rigoles de dérivation et le réservoir de Saint-Fériol. Dans le cours de leur inspection, ils furent accompagnés par M. de Bonrepos, maître des requêtes, M. le comte de Caraman, son frère, capitaine aux gardes; M. le baron de Lanta, M. de Lombrail, trésorier de France, et MM. Andréossy, Gilade et Contigny, contrôleurs généraux et conducteurs des ouvrages du Canal, chacun dans leur département.

M. d'Aguesseau, pendant la marche, donnoit des ordres pour mettre l'eau dans le Canal ; et des qu'il fut rempli, on fit le premier essai de sa navigation. L'embarquement des commissaires eut lieu le 15 mai à l'embouchure de la Garonne, dans une

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grande barque préparée exprès; de cent en cent toises on sondoit l'eau et l'on dressoit un procès-verbal de l'état du Canal.

Le cardinal de Bonzy, archevêque de Narbonne; plusieurs évêques et plusieurs autres membres des Etats, se rendirent à Castelnaudary le 18. Une cérémonie religieuse eut lieu pour l'inauguration du Canal. Le lendemain, les commissaires du Roi et les membres des Etats entrèrent dans une barque élégamment décorée, remorquée par une espèce de galère, où étoit placé un orchestre, et suivie d'une autre barque où se trouvoit la cuisine et l'office. Vingt-trois barques de la Garonne marchoient à leur suite; elles étoient chargées de marchandises françaises, hollandaises et anglaises, destinées pour la foire de Beaucaire.

On voyagea à très-petites journées, parce que, d'un côté, M. d'Aguesseau continuoit son inspection, et que, d'un autre, on vouloit satisfaire la curiosité des peuples, qui ne pouvoient se lasser d'admirer le spectacle d'une flotte naviguant dans des lieux où l'on avoit peine autrefois à trouver de l'eau pour les usages de la vie. Par-tout les habitans des bords du Canal exprimèrent leur

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