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joie et leur reconnoissance envers le Roi, pour l'inappréciable bienfait de cette jonction des deux mers.

La vérification des travaux que Riquet avoit été tenu de faire suivant les devis, et l'estimation de ceux qu'il avoit faits au-delà, soit pour le Canal, soit au port de Cette, furent l'objet d'un procès-verbal dressé par M. d'Aguesseau. M. de Bonrepos y joignit un état des sommes auxquelles le prix de ces travaux étoit monté. Le Roi voulut bien une seconde fois entrer dans l'examen de ces dépenses, sans user rigoureusement des clauses portées dans les traités contre toute sorte d'augmentations dans le prix des baux : il déclara que son intention étoit d'étre juste, ou même d'user de faveur.

M. Gilade, l'un des directeurs particuliers du Canal, exposoit ainsi les changemens que Riquet avoit faits dans l'exécution du devis de M. de Clerville.

«< Ils consistent, dit-il, 1o. dans la forme >> des excavations. Suivant le devis, la rigole » de la montagne ne devoit avoir que neuf pieds d'ouverture, cinq de base et neuf de » hauteur. Elle a le double de largeur : par>> là elle reçoit assez d'eau, et en fournit

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>> assez à celle de la plaine. Cette rigole de » la montagne se trouve avoir quatorze cents >> toises courantes en longueur de plus qu'il » n'est porté par le devis.

» La rigole de la plaine ne devoit avoir, » suivant le devis, que deux toises d'ouver»ture, sept pieds de base et neuf pieds de » profondeur. On lui a donné quatre toises >> d'ouverture et deux toises de base sur les » mêmes neuf pieds de profondeur, avec >> cinq cent cinquante toises courantes en >>> longueur d'augmentation au-delà du devis.

» Enfin, le Canal devoit avoir, suivant le » devis, huit toises d'ouverture,cing toises » deux pieds de base, et huit pieds de pro>> fondeur; mais après avoir commencé l'ex>> cavation près de Toulouse suivant ces di>>mensions, on a jugé devoir adopter une >> autre forme plus belle, plus durable, et plus commode pour la navigation ; on lui » a donné dix toises d'ouverture sur cinq de » base, avec la profondeur suivant les ter» reins; en sorte que , dans les moins pro

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>> fonds, il y a six pieds d'eau ».

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>> 2°. Dans le nombre des écluses. Le che>>valier de Clerville avoit fixé leur nombre à >> quarante dans la première entreprise, et

» à trente dans la seconde. Au lieu de » soixante-dix, Riquet a été obligé de cons» truire jusqu'à cent deux corps d'écluses, >> dont quelques-unes ont été accolées pour >> la commodité de la navigation, et pour » s'accommoder à la pente du terrein, qui se >> trouvoit fort roide en certains endroits. >>> La raison de cette multiplication d'écluses » a été que, depuis Naurouse jusqu'à la Mé» diterranée, il y a cent toises et demie de >> pente; en sorte que si l'on n'eût fait que » soixante et dix écluses, suivant le devis, il >> eût fallu que la plate-forme de chaque » écluse eût eu près de douze pieds de hau>>teur; ce qui eût été impraticable à cause » de la disposition des terreins, et dange>> reux pour les portes basses qui eussent été >> chargées de dix-huit à vingt pieds d'eau.

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» 3°. Dans la forme des écluses, dont les >> jouyères ne devoient avoir, suivant le devis, que vingt toises de long, six pieds d'épaisseur et douze pieds de hauteur, et » n'être éloignées dans les endroits des portes » que de quinze pieds. On a trouvé dans » l'exécution, que ces écluses étoient trop >> petites; et on les a faites de vingt-sept >> toises de long, de dix-sept pieds de hau

»teur, et la plupart beaucoup davantage; » de neuf en dix pieds réduits d'épaisseur, » et de dix-huit pieds deux pouces de distance >> aux portes. On les a faites aussi en ligne » courbe pour leur donner plus de capacité >> et pour les rendre plus fortes et plus agréables, en sorte qu'elles ont cinq toises de >> distance au milieu des deux lignes courbes. » 4°. Dans la route du Canal. Quoique >> celle que l'on a prise soit plus courte que » celle marquée par le devis, néanmoins les >> excavations de cette nouvelle route ont été >> faites dans un terrein si plein de montagnes » et de rochers, qu'il y a eu un nombre beau>> coup plus considérable de toises cubes à » excaver, et d'un ouvrage beaucoup plus » rude et plus difficile que dans la route du » devis ».

Tel est l'apperçu des travaux extraordinaires que l'inventeur du Canal avoit cru devoir ajouter à ses premiers engagemens, pour mieux assurer le succès de son ouvrage. Leur utilité fut solennellement reconnue : et un arrêt du Conseil rendu en 1682, en fixa le prix à 2,005,068 livres.

Lorsque le premier voyage de M. d'Aguesseau eut lieu, il restoit quelques ouvrages à

rectifier ou à construire pour la sûreté du Canal, et la facilité de la navigation. M. de Bonrepos y fit travailler avec célérité : tout fut achevé dans le mois de décembre 1682. Le Canal reçut bientôt un grand nombre de barques; et le commerce dont il devint le débouché, s'accrut rapidement. Alors le Roi en ordonna une nouvelle inspection. Elle fut faite par MM. d'Aguesseau et de la Feuille,

et le P. Mourgues.

Quoique le procès-verbal de M. d'Aguesseau contienne un détail exact des ouvrages du Canal, tels qu'ils sortirent des mains de leur auteur, il est néanmoins plus agréable et peut-être plus utile de consulter le rapport que le P. Mourgues adressa sur ce sujet à M. Colbert. Il y fait la description des endroits les plus remarquables; et ceux qui ne le connoissent pas nous sauront gré (1) de placer ici l'extrait de ce journal.

(1) « Relation de la seconde navigation solennelle du >> Canal royal de communication des mers en Languedoc, » que M. d'Aguesseau a faite en avril 1683 par ordre du >> Roi, accompagné du sieur de la Feuille, inspecteur » du Canal pour le Roi, et du P. Mourgues, jésuite, envoyée par ce Père à M. Colbert.

>>

>> A Toulouse, chez Jean Ronde, 1683 ».

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