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» à trente dans la seconde. Au lieu de » soixante-dix, Riquet a été obligé de cons» truire jusqu'à cent deux corps d'écluses, >> dont quelques-unes ont été accolées pour >> la commodité de la navigation, et pour » s'accommoder à la pente du terrein, qui se >> trouvoit fort roide en certains endroits. >>> La raison de cette multiplication d'écluses » a été que, depuis Naurouse jusqu'à la Mé>> diterranée, il y a cent toises et demie de >> pente; en sorte que si l'on n'eût fait que >> soixante et dix écluses, suivant le devis, il » eût fallu que la plate-forme de chaque » écluse eût eu près de douze pieds de hau>>teur; ce qui eût été impraticable à cause » de la disposition des terreins, et dange>> reux pour les portes basses qui eussent été >> chargées de dix-huit à vingt pieds d'eau. » 3°. Dans la forme des écluses, dont les jouyères ne devoient avoir, suivant le de» vis, que vingt toises de long, six pieds » d'épaisseur et douze pieds de hauteur, et » n'être éloignées dans les endroits des portes >> que de quinze pieds. On a trouvé dans » l'exécution, que ces écluses étoient trop petites; et on les a faites de vingt-sept » toises de long, de dix-sept pieds de hau

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»teur, et la plupart beaucoup davantage; » de neuf en dix pieds réduits d'épaisseur, » et de dix-huit pieds deux pouces de distance » aux portes. On les a faites aussi en ligne » courbe pour leur donner plus de capacité >> et pour les rendre plus fortes et plus agréa» bles, en sorte qu'elles ont cinq toises de >> distance au milieu des deux lignes courbes. 4°. Dans la route du Canal. Quoique >> celle que l'on a prise soit plus courte que >> celle marquée par le devis, néanmoins les >> excavations de cette nouvelle route ont été >> faites dans un terrein si plein de montagnes >> et de rochers, qu'il y a eu un nombre beau» coup plus considérable de toises cubes à >> excaver, et d'un ouvrage beaucoup plus » rude et plus difficile que dans la route du » devis ».

Tel est l'apperçu des travaux extraordinaires que l'inventeur du Canal avoit cru devoir ajouter à ses premiers engagemens, pour mieux assurer le succès de son ouvrage. Leur utilité fut solennellement reconnue et un arrêt du Conseil rendu en 1682, en fixa le prix à 2,005,068 livres.

Lorsque le premier voyage de M. d'Aguesseau eut lieu, il restoit quelques ouvrages à

rectifier ou à construire pour la sûreté du Canal, et la facilité de la navigation. M. de Bonrepos y fit travailler avec célérité : tout fut achevé dans le mois de décembre 1682. Le Canal reçut bientôt un grand nombre de barques; et le commerce dont il devint le débouché, s'accrut rapidement. Alors le Roi en ordonna une nouvelle inspection. Elle fut faite par MM. d'Aguesseau et de la Feuille, et le P. Mourgues.

Quoique le procès-verbal de M. d'Aguesseau contienne un détail exact des ouvrages du Canal, tels qu'ils sortirent des mains de leur auteur, il est néanmoins plus agréable et peut-être plus utile de consulter le rapport que le P. Mourgues adressa sur ce sujet à M. Colbert. Il y fait la description des en. droits les plus remarquables; et ceux qui ne le connoissent pas nous sauront gré (1) de placer ici l'extrait de ce journal.

(1) « Relation de la seconde navigation solennelle du >> Canal royal de communication des mers en Languedoc, » que M. d'Aguesseau a faite en avril 1683 par ordre du >> Roi, accompagné du sieur de la Feuille, inspecteur » du Canal pour le Roi, et du P. Mourgues, jésuite, >> envoyée par ce Père à M. Colbert.

>> A Toulouse, chez Jean Ronde, 1683 ».

M. d'Aguesseau se rendit au port de Cette le 28 mars 1683; il employa deux jours à le visiter. Ce port est composé de deux grandes jetées de marbre rouge et cendré, veiné de blanc; la première tenant à la montagne du côté du couchant, et la seconde à la plage du côté du nord, faisant toutes deux une espèce d'équerre, dont l'angle est ouvert pour l'entrée des navires. La première est de trois cent trente toises, et l'autre de deux cent deux de long, sur trois de hauteur hors de l'eau, dans un fond de plus de trente pieds. La superficie du port comprise entre la montagne, la plage et les deux jetées, est d'environ cent mille toises carrées. Un canal de neuf cents toises de longueur sur vingt de large, joint ce port à l'étang de Thau.

Le 31, M. d'Aguesseau et ses deux fils, le P. Mourgues et le sieur Albus, directeur général du Canal, s'embarquèrent dans une grande chaloupe, qui les conduisit à une petite flotte mouillée à l'entrée de l'étang de Thau. Trois barques la composoient; l'une nommée l'Heureuse, reçut les voyageurs, les deux autres étoient destinées pour leur cuisine, leurs bagages et leurs domes

tiques. Cette petite flotte fut saluée de sept coups de canon à son passage à Marseillan, qui est une petite ville près de l'embouchure du Canal. Ensuite les voyageurs entrèrent dans le Canal, dont la première enfilade en droite ligne est à perte de vue. Le Canal a par-tout, hormis durant quelque espace auprès de Toulouse, au moins cinq toises de base et dix toises de largeur à la superficie de l'eau. Les talus intérieurs sont proprement faits et fort couchés pour empêcher les éboulemens, excepté lorsque le Canal traverse les rochers. Plusieurs barques de trois toises de large, et de quinze de lòng, peuvent aller et venir sans s'incommoder ou se heurter. On les peut charger beaucoup, et leur faire prendre jusqu'à cinq pieds d'eau, le Canal en ayant ordinairement six et souvent jusqu'à dix.

Arrivés à l'écluse de Bagnas, les voyageurs furent joints par M. de la Feuille, et par MM. Gilade, Cafarel et Villaraze, directeurs et contrôleurs généraux des ouvrages; par M. Malaval, receveur du Canal, et par d'autres employés. Ils traversèrent la rivière de l'Hérault, avant que d'entrer dans l'écluse

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