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Et parce que depuis plusieurs années l'on a proposé de faire ledit Canal par diverses voies, et que les plans et devis ont passé par les mains desdits seigneurs commissaires, l'on en auroit représenté un qui veut que l'on prenne l'eau de Garonne audessus de Pech d'Avid, près Toulouse, pour la faire remonter par regonflement jusqu'aux Pierres de Naurouse, un autre où l'on prenne l'eau de l'Ariège au-dessus de Sainte-Gabelle, pour la porter à Castanet et la faire remonter auxdites Pierres de Naurouse; un troisième, qui se servant des eaux du Sor pour les conduire dans les rivières d'Agoust, de là dans le Tarn et la Garonne, puis reprennent l'eau de la rivière de Tano qui passe à la Bruyère, l'amène dans Aude par les montagnes de Saint-Pons, et ce dernier, qui prend l'eau de Sor, l'amène à Greissens, l'autre point de partage, et la descend comme dessus dans Agoust, pour aller dans l'Océan, et de l'autre côté, par Fresquel et Aude, dans la mer Méditerranée; sur lesquels plans et propositions ayant été pleinement discouru, les deux premiers fussent condamnés comme impossibles, la Garonne et l'Ariège ne pouvant être forcées, par regonflement, de remonter contre leur source, sans courir risque de noyer tout le pays, la troisième de même; car outre que du côté d'Agoust le Sor se précipite par des lieux où il faudroit trop d'écluses, et que la rivière d'Agoust est interrompue par de trop fréquens rochers, il est certain que Thau ne sauroit

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descendre dans Aude par des chemins commodes à la navigation, et la dernière, par cette même raison, du Sor et d'Agoust, et que du point de Greissens, le chemin jusqu'à Aude seroit plus grand et plus incommode que par le vallon de Vignonnet à Toulouse, où il semble que la nature se soit disposée à recevoir le Canal, tellement qu'il fut unanimeinent conclu par lesdits seigneurs commissaires qu'on s'arrêteroit à l'examen et vérification du dessin dudit sieur Riquet, autant que faire se pourra, cherchant toujours par nousdits experts les voies plus assurées et plus avantageuses pour parvenir à la perfection de ce grand ouvrage, et délibérer que le lendemain huitième dudit mois de novembre, en présence desdits seigneurs commissaires, nous procéderions à ladite reconnoissance, assistés de plusieurs géomètres, niveleurs, arpenteurs, maçons, charpentiers, pionniers, et autres personnes nécessaires à cette vérification.

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Avenu ledit jour samedi huitième dudit mois, Tesdits seigneurs commissaires s'étant transportés hors la porte du Basacle de ladite ville de Toulouse et au-dessous du bastion qui couvre les moulins (où nousdits experts, assistés comme dessus, les attendions pour jeter le premier coup de niveau), ledit sieur Riquet auroit dit que son dessein étoit de faire aboutir le Canal de navigation dans le bras de Garonne qui est le plus près dudit bastion, et qui sert de décharge auxdits-moulins, dans la croyance qu'il

avoit qu'il seroit bien; sur quoi nous aurions représenté auxdits seigneurs commissaires, que l'embouchure dudit Canal dans la Garonne seroit mal posé sur la décharge du moulin, pour plusieurs raisons: la première, que ledit Canal de décharge n'étoit ni assez profond, ni assez large pour recevoir et tourner de grandes barques; la seconde, que l'on dépendroit de la discrétion du meûnier qui abaissant ses empèlemens, mettroit à sec ladite décharge quand il lui plairoit; et la troisième, que si la peissière qui soutient l'eau de Garonne et la porte auxdits moulins venoit à rompre (comme il arrive assez souvent), il n'y auroit pas une goutte d'eau dans ledit canal de décharge; mais que pour s'assurer contre tous ces inconvéniens, il étoit à propos (sauf meilleur avis) de faire aboutir ledit Canal de navigation dans la Garonne, environ cent toises plus bas que la pointe de l'île desdits moulins ; quoi faisant, l'embouchure seroit dans le grand lit de la rivière, et non sujette aux incommodités' susdites; ce que lesdits seigneurs commissaires ayant jugé raisonnable, les nivelleurs auroient posé et dressé leur niveau sur le bord de ladite rivière de Garonne, quatrevingt-trois toises plus bas que la pointe de ladite île, lieu dit Prat de Sept-Deniers, droit entre l'église des pères Minimes et la Maladrerie du faubourg d'Arnaud-Bernard, où fut la première station; disant ledit sieur Riquet, qu'il n'avoit point trouvé de chemin plus court et plus commode pour faire passer

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ledit Canal de communication jusqu'à la rivière de Lers qui y doit servir; sur quoi furent rapportés par lesdits seigneurs commissaires plusieurs et divers sentimens de ceux qui auroient autrefois eu la pensée de travailler à ce Canal; les uns dirent qu'au lieu de mettre l'embouchure du Canal de navigation au-dessous du basacle, éloigné de la ville et du com

l'on auroit cru alors qu'il falloit le conduire depuis Castanet, village situé à une lieue au-dessus de ladite ville, par un ruisseau appelé du Saurat, derrière le faubourg Saint-Michel, jusques dans le fossé au-dessous de la porte da château, et ainsi continuer le long dudit fossé, et à l'entour de ladite ville jusqu'au basacle; quoi faisant, les habitans en seroient plus soulagés : les autres répliquèrent que si l'on mettoit l'eau dans le fossé, les caves, de ce côté-là, seroient toujours submergées, ainsi qu'on l'a vu lors des grandes inondations; mais que pour s'en assurer, il seroit plus à propos de tirer ledit Canal par les faubourgs de Montaudran droit à la chapelle Saint-Salvy, et de là au basacle, d'autant que par ce moyen il ne seroit ni trop près, ni trop éloigné de la ville, dont lesdits seigneurs commissaires nous demandèrent notre avis, qui fut que, par la connoissance que nous avions du pays, l'un et l'autre étoit faisable; que Sa Majesté en ordonneroit à sa volonté, et que ladite rivière de Lers n'étant guère plus éloignée de nous par le chemin que ledit sieur Riquet indiquoit, il nous sembloit plus à propos de conti

nuer notre travail, ce qui fut ainsi délibéré; de sorte que les géomètres et agrimanseurs ayant posé leurs instrumens, et les niveleurs leur niveau, l'on continua pendant tout ce jour, passant à la main gauche du Maraillon, château du sieur président de Bonneville, jusqu'à la Merterie de Bassanel, près du grand chemin de Toulouse à Castres, en dix-sept stations, revenant à trois mille cent cinquantehuit toises de longueur, et cinq toises un pied dix pouces et demi d'élévation depuis le bord de Garonne jusques-là : ce fait, nous nous retirâmes en ladite ville de Toulouse, attendu l'heure tarde, avec lesdits seigneurs commissaires.

Le lendemain neuvième de novembre 1664, jour de dimanche, ne fut en aucune chose procédé.

Le lundi dixième dudit mois, en présence desdits seigneurs commissaires, et assistés comme dessus, nousdits experts reprirent notre travail audit lieu de Raffanel, où nous l'avions quitté le huitième, et laissant le château de Balma à la gauche, aboutîmes à la rivière du petit Lers, sous la métairie d'Aigues, distante d'onze cent vingt-neuf toises de celle de Raffanel sans aucune élévation; de sorte qu'il est vrai de dire, que, depuis le bord de Garonne, et quatre-vingt-trois toises au-dessous de l'île des moulins dudit basacle, jusqu'à la rencontre ou embouchure du Petit-Lers, il y a quatre mille trois cent quatre-vingt-sept toises de longueur, et cinq toises un pied dix pouces et demi d'élévation.

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