Page images
PDF
EPUB

chers qui paroissent dans la mer, appelés les Frères 'au bout du cap, ce ridean ou montagne qui couvre ledit port des vents de ponent, labêche et septentrion, avoit trois cent cinquante toises de longueur, et qu'à deux ou trois toises des pierres qui sont tombées de ladite montagne au bord de la mer, il y a toujours dix à quinze pieds d'eau ; que de la plage allant à la mer, il y a deux brasses et demie à trois brasses d'eau jusqu'à un banc de traverse, tout ledit port tirant comme un demi cercle de la plage, au milieu dudit cap, pendant trente ou quarante toises de largeur, et que sur ledit banc il y a environ deux brasses d'eau ; mais qu'en un endroit et presqu'au milieu dudit banc, la mer s'abaisse et se rompt, ce qui fait connoître qu'elle y est plus pro. fonde et que le banc y est coupé pendant douze ou quinze toises de longueur, et quatre ou cinq brasses de profondeur; d'effet nous apprîmes des anciens patrons, que quelques grands vaisseaux poussés par le mauvais temps, avoient heureusement rencontré ce trou, et s'étoient mis en assurance; mais que toutes les barques, pour grandes qu'elles fussent passoient sur ledit banc sans aucun péril.

Dudit banc nous entrâmes dans la mer, et trouvâmes qu'elle avoit cinq, six à sept brasses d'eau ; de façon que plus nous y entrions, il y avoit plus de fond: l'ouverture dudit port est exposée aux vents de levant, grec et midi; mais comme elle est plus couverte du dernier, il est inoui qu'il y ait jamais

fait dommages: ainsi, pour assurer ce port, il ne se faut défendre que du levant et du grec.

Le lendemain jeudi quatrième décembre 1664, nous experts susdits fîmes notre rapport de l'état dudit port auxdits seigneurs commissaires en leur assemblée à Béziers, ainsi qu'il est ci-dessus exprimé; après quoi nous ayant demandé si nous estimions qu'il se pût bonnifier par un môle, nous répondîmes que très-assurément ledit port pouvoit se rendre bon par deux moyens; le premier, en rompant et affoiblissant le banc qui le traverse, que nous croyons être de terre grasse mêlée de pierres comme ladite montagne ou cap; le second, en y faisant trois môles ou jetant de grosses pierres, la première de quinze ou vingt toises de longueur sur lesdits rochers appelés Frères, à la pointe dudit cap, qui servira de commencement à un quai qu'on pourra bâtir au pied de ladite montagne; la seconde, à quelle distance on jugera nécessaire sur le même alignement, opposée au vent du levant, et la troisième, à même distance opposée au midi; le tout, de telle force qu'elles résistent aux coups de la mer, et en la meilleure manière que faire se pourra; et d'autant que ci-devant, sur la proposition qui avoit été faite de faire un môle audit port, les experts auroient dit qu'il falloit attacher les jetées audit cap et à la plage, et ne laisser qu'une entrée au milieu pour être moins sujet aux vents, nous experts susdits, à l'objection qui nous fut faite là

dessus, que si l'on ne faisoit qu'une ouverture du côté de la mer, le golfe de Lion étant fort sablonneux et battu des vents qui le remuent en son fond, l'on courroit risque de voir ledit port plein et comblé, ainsi que l'expérience le montre ailleurs; mais qu'en laissant plusieurs ouvertures, la mer y faisant entrer le sable d'un côté le chasseroit de l'autre et le nettoyeroit, et que de cette façon, si l'on ne pouvoit rompre le banc, l'on auroit deux ports assurés, l'un pour les vaisseaux, entre le môle et le banc, et l'autre pour les barques, depuis le banc jusqu'à la plage, et sera facile de tirer des pierres des montagnes voisines pour faire lesdits môles.

Nousdits experts représentâmes encore auxdits seigneurs commissaires, que si Sa Majesté faisoit travailler au grand Canal de communication des mers, il seroit absolument nécessaire de faire élargir et creuser la Robine de Narbonne, depuis son embouchure d'Aude en toute son étendue et jusqu'à l'étang de Bages, de dix pieds, même ledit étang, jusqu'à ce qu'on le trouve de cette profondeur, et environ cent cinquante toises de long au lieu dit GoulesTaillade, jusqu'au Canal royal, comme aussi ledit étang, depuis ledit Canal royal jusqu'au grau de la Nouvelle, ou embouchure de la mer en icelui, de telle profondeur que les barques et vaisseaux y puissent entrer et sortir librement; ce qui se pourra faire beaucoup mieux que par le passé pour une

bonne fois, et seroit de facile entretien et peu de frais par chacun an. Que si l'on vouloit ne plus se servir dudit grau de la Nouvelle, puisque la mer le comble si souvent, en cas qu'on fît travailler au môle ou port de la Franqui, l'on pourroit tirer un Canal de sept mille toises de long, largeur et profondeur suffisantes dudit port audit Canal royal passant par la plaine et derrière l'hôtellerie de la Nouvelle, au moyen de quoi toutes marchandises seroient portées en sûreté dans ledit étang de Bages, et de là à Narbonne par la Robine.

Notredit rapport ainsi fait auxdits sieurs commissaires ainsi assemblés, mondit sieur de Bezons, ; intendant, dit qu'on avoit parlé autrefois de ce que nous venions de dire, et que ce chemin sembloit fort assuré ; mais que cela lui remettoit en mémoire le dessein qu'il avoit ci-devant conçu de faire passer par eau les marchandises venant de Lyon destinées pour le Languedoc, sans entrer dans ce golfe de Lion qui est fort dangereux ; que chacun savoit que le Rhône se divisant au-dessus d'Arles, formoit à droite ce canal ou brassière de Fourques; que ladite brassière partagée à la pointe de Sauvereal, descendoit à gauche aux marées, et à droite au Fort de Peccais; que sous ledit fort étoit tiré un autre canal ou robine, appelé la Bourgidon, qui alloit à Aiguemortes ; que par la grande robine dudit Aiguemortes, l'on entroit dans l'étang de Mauguiot ou Peyroez, et que de-là, par la garre ou

petit canal de Frontignan, l'on entroit dans l'étang de Tau qui est près de Marceillan, et que s'il étoit possible de tirer un canal d'Héraut, rivière qui se jette dans la mer au-dessous d'Agde jusqu'audit étang de Tau, un autre dudit Héraut par la rivière d'Orb, qui se jette dans la mer au-dessous de Serignan; un autre de ladite rivière à l'étang de Vendres, et faire descendre un bras dans la Robine de Narbonne, dans ledit étang de Vendres, le grand Canal de navigation. En le faisant, l'on pourroit aller de Bourgogne à Bordeaux par lesdits fleuve et canaux, sans aucun risque, et seroit un ouvrage autant utile qu'admirable, et qu'il étoit d'avis, avant de retourner en ladite fontaine de Grave, que nous allassions sur lesdits étangs et rivières pour connoître la possibilité ou impossibilité de ce dessein: sur quoi lesdits seigneurs commissaires l'ayant ainsi délibéré;

Le vendredi cinquième dudit mois, nousdits experts, avec les niveleurs et autres ouvriers, allâmes coucher à Marceillan,et le lendemain samedi sixième du même mois de décembre 1664 de grand matin, nóúsdits experts, en présence d'aucuns desdits seigneurs commissaires, et assistés desdits géomètres, niveleurs et autres ouvriers, partîmes de Marceillan, ét ayant sondé ledit étang en lieu commode, trouvâmes qu'il avoit cinq pieds d'eau, et qu'entrant plus avant, la profondeur étoit plus grande, de là à main droite de la métairie du sieur Masseguy,

« PreviousContinue »