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Que Garonne se peut rendre navigable avec un fond très-raisonnable, ou qu'on peut se servir, au temps de ses débordemens, pour les grandes barques,

Qu'il seroit mal-aisé de rendre Aude de bonne navigation; mais qu'on peut construire à côté un Canal par lequel on sera maître de ses eaux, quoique le chemin soit rude et fort difficile depuis Trèbes jusqu'au-dessous de l'élévation de Moux.

Que ledit Canal des eaux d'Aude pourra être porté dans ladite rivière sous le moulin Fériol, et de-là dans la Robine de Narbonne, et qu'ainsi lesdites mers se communiqueront par ledit Canal et les rivières, qui est ce qu'on a si fort souhaité.

Partant, nous experts susdits, estimons que suivant le présent procès-verbal et le devis des ouvrages qu'il conviendra faire, estimation d'iceux, et le plan géométrique de l'état des lieux, des rigoles ou canal de navigation de la montagne Noire au point de partage, et du Canal de communication des mers que nous avons certifié, ledit grand Canal est possible moyennant lesdits ouvrages et travaux, et sera d'autant de durée qu'on aura soin de l'entretenir, sans qu'il puisse recevoir beaucoup de dommages par le débordement desdites rivières ni autrement, en prenant les précautions nécessaires en la construction desdits ouvrages, qui sont autant au-dessous de la puissance de Sa Majesté qu'an

dessous de la créance du peuple. En foi de quoi,

nous nous sommes soussignés.

Signé, H. BOUтheroue de Bourgneuf, et DE VAUROZE.

Devis des Commissaires.

Nous soussignés commissaires députés par le Roi et par les Etats-généraux de la province de Languedoc, en exécution de l'arrêt du Conseil du dixhuitième janvier seize cent soixante-trois, pour examiner la possibilité du Canal proposé pour la jonction des mers Océane et Méditerranée; disons, qu'après nous être transportés sur les lieux, et avoir examiné avec soin la situation du terrain et tous les avantages et difficultés qui se rencontrent sur la possibilité de cet ouvrage, et avoir fait travailler les experts en notre présence, `ainsi qu'il est contenu dans notre procès-verbal, consulté les plus expérimentés et les plus anciens des lieux, avons passé et vu le devis que lesdits experts nous ont remis, ensemble le plan géométrique qui en a été dressé avec exactitude; nous croyons que dans le devis que Sa Majesté nous ordonne de lui donner sur ce sujet, il y a deux choses principales à remarquer, l'utilité de ce Canal et la possibilité.

où nous

Quant au premier point, il n'est pas besoin de beaucoup de discours pour en faire connoître l'importance; Sa Majesté en est mieux informée que

utilement

pour

personne, et dans l'application qu'elle prend si le rétablissement du commerce, elle sait la crainte que les nations étrangères, qui profitoient de notre négligence, conçoivent de cette entreprise, et qu'elle a paru toujours si glorieuse aux yeux de toute l'Europe, quoiqu'elle n'ait été jusqu'à présent entreprise par personne. Néanmoins le roi François premier a voulu que son nom fûl recommandable dans l'histoire pour en avoir conçu le dessein, et qu'on attribuât aux malheurs de la guerre s'il ne l'avoit pas exécuté. L'on connoît assez les périls de la navigation dans le passage du Détroit, l'appréhension qu'il y a des corsaires de Barbarie, la difficulté de passer le golfe de Lion, et enfin cet avantage que la France devienné, par cette jonction des mers, l'abri et le refuge de tout le négoce. A quoi l'on peut ajouter, que si en faisant la jonction de la mer Méditerranée avec l'Océane par Narbonne et Bordeaux, on y peut joindre celle du Rhône par les étangs; il sera vrai de dire qu'une grande partie de l'Allemagne et tous les Suisses recevront avec facilité, par la voie de Lyon, tout ce qui arrivera à Bordeaux des Indes orientales et occidentales, et ainsi que nos marchands auront l'avantage de leur débiter leurs marchandises de la première main.

Quant à la possibilité de l'ouvrage, c'est plutôt l'affaire des experts que la nôtre, nous marchons sur la sûreté de leur relation; mais nous pouvons

dire néanmoins, avec vérité, que nous leur avons fait toutes les objections que nous avons cru raisonnables sur le sujet de cette entreprise, et que nous en avons été éclaircis par notre propre connoissance, autant comme la nature de cet ouvrage le peut permettre; et pour en donner quelqu'éclaircissement, nous croyons que de Bordeaux à Toulouse la navigation est aisée; c'est un commerce assez ordinaire, et si dans certain temps la rivière de Garonne se trouve basse depuis Toulouse jusqu'à la pointe de Moissac, il est vrai néanmoins que les crues d'eau y sont si fréquentes, que souvent les plus grands bâtimens y passent commodément, et que ce n'est pas une chose difficile de rendre cette rivière navigable pour les grandes barques, l'étant toujours pour les petites.

A l'égard du Canal qui doit servir à la jonction, nous commencerons par le point de partage, qui est un lieu distant de six lieues et demie de Toulouse, et de sept lieues de Carcassonne, qui est élevé presqu'également de l'une et l'autre de ces deux villes, et où il semble que la nature nous enseigne ce qu'il y a à faire, puisque les eaux pluviales qui tombent en cet endroit coulent partie du côté de la mer Océane et partie de la Méditerranée, dont nous avons été témoins par notre propre expérience, et que pourvu que l'on puisse amener assez d'eaux au point de partage, et que le terrain soit capable de les contenir, l'on pourra avec sûreté faire un

Canal qui aille à Toulouse et l'autre à Carcassonne. Quant au terrain, les experts l'ont reconnu trèspropre non-seulement pour y faire le Canal, mais même pour y construire de grands réservoirs et magasins d'eaux, capables d'y en conserver une quantité suffisante pour remplir les canaux pendant les plus grandes sécheresses, et ainsi il reste d'amener des eaux en quantité suffisante à ce point de partage, étant constant que lorsqu'elles y seront, elles s'y pourront conserver et se distribuer également à Toulouse et à Carcassonne.

Pour trouver ces eaux, nous avons vu la rivière du Sor qui arrose la plaine de Revel : nous ne parfons point de sa grosseur, parce que cela est contenu dans le devis des experts; et quant au Canal de dérivation qu'il faut faire pour la conduite à ce point de partage, les experts et les géomètres y ont reconnu une pente suffisante et assurée de la possibilité de l'ouvrage, soit encore par la qualité du terrain ou par les hauteurs ; mais comme cette rivière du Sor ne seroit pas suffisante pour un ouvrage de cette qualité, et qu'il se perd toujours beaucoup d'eau dans les longues conduites, et que la terre et le soleil en consomment une partie, nous avons vérifié la possibilité de la jonction de toutes les autres rivières contenues au devis des experts; et suivant leur relation, nous croyons la chose faisable, y ayant bien de la différence entre ce Canal de conduite ou de dérivation, et celui de la jonction

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