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des mers, puisque celui de la jonction des mers n'a besoin que de la pente suffisante pour l'écoulement des eaux, et que pour la facilité du commerce, il doit être aussi aisé à remonter qu'à descendre; mais à l'égard de celui de dérivation, il suffit qu'il porte les eaux, ne servant point d'ailleurs à la navigation, et ainsi bien que cet assemblage d'eaux se fasse souvent par des chutes de montagnes, cela n'apporte aucun obstacle à l'entreprise.

Toutes les eaux jointes sont, selon le dire des experts, beaucoup plus que suffisantes pour remplir un canal de douze pieds d'eau de profondeur, et dix toises d'ouverture par le haut capable de porter les plus grandes barques et même des galères des

armées.

Ce Canal, qui se tirera du point de partage jusqu'à Carcassonne, sembleroit être aisé à conduire jusqu'à Narbonne par la rivière d'Aude; mais après avoir bien examiné le lit de cette rivière, et reconnu qu'elle est entre-coupée de rochers en beaucoup d'endroits, que le fond n'y est pas bon, qu'elle coule avec une si grande impétuosité, qu'elle ne peut point être remontée que très-difficilement, et que prenant sa source vers le pays de Sault et dans les montagnes de Foix, elle est sujette à des inondations fréquentes qui la rendent absolument inutile pour la navigation, nous croyons qu'il est plus sûr et plus aisé de faire un Canal commençant à une lieue de Carcassonne jusqu'à Narbonne, se ser

vant des eaux de la rivière d'Aude, qu'il ne seroit de la rendre navigable: ainsi ce Canal pourra être remonté comme descendu, et tous les débordemens qui arriveront seront contenus dans l'ancien lit de la rivière d'Aude, et ce Canal en sera exempt.

Mais comme il seroit inutile de faire une jonction des deux mers, si l'on ne trouvoit des ports assurés pour recevoir le vaisseaux et les barques qui apportent les marchandises, il faut voir si en sortant de Narbonne il s'en rencontre un pour entrer dans la mer Méditerranée. Les experts ont remarqué ce qu'il étoit nécessaire de faire au Canal de Narbonne pour le rendre navigable; mais comme ce Canal entre dans la mer, en un endroit qu'on appelle le Grau de la Nouvelle, qui n'est point propre à servir à une entreprise de cette qualité, nous avons reconnu qu'il étoit fort aisé de tirer un canal depuis l'étang de Bages jusqu'au port de la Franqui, où tous les bâtimens pourroient se tenir commodément, et où même il se trouve une fontaine excel lente d'eau douce, ce qui ne se peut assez estimer pour la commodité des vaisseaux.

Il reste à savoir si l'on peut joindre la rivière du Rhône avec ce Canal de la jonction des mers. Pour cela, il est constant que toutes les marchandises venant de Lyon sont conduites jusqu'à Meze et Marceillan par le rhône, la Robine d'Aiguemortes et les étangs de Perault, Tau et Marceillan. Il est constant aussi, qu'il y a un autre étang proche

Béziers, qu'on appelle Vendres, dans lequel se décharge l'une des branches de la rivière d'Aude, et lequel se peut joindre fort aisément au Canal de Narbonne, puisque l'expérience nous fait voir souvent, que lorsque cette rivière est grosse, elle regorge jusques dans le Canal de Narbonne, et que pour faire la jonction des étangs de Marceillan avec celui de Vendres, nous avons les rivières de Héraut et d'Orb, qui, au jugement des experts, sont trèssuffisantes et l'ouvrage possible, et cela donnant l'avantage de la jonction des rivières de Saône et du Rhône avec la Garonne, en produit encore un beaucoup plus considérable, qui est que dans l'étang de Tau, il se trouve un lieu que l'on appelle cap de Set; que M. le chevalier de Clerville ayant reconnu et sondé l'année dernière par ordre de Sa Majesté, il l'a cru le plus avantageux qui fût le long de la côte, pour y faire un port capable d'y contenir des vaisseaux marchands, et même quelqu'escadre de galères; de sorte que si cet ouvrage étoit fait, il se trouveroit à la tête de l'embouchure du Canal qui iroit à la mer Méditerranée, deux ports suffisans pour le commerce; mais comme il ne seroit pas juste d'entreprendre un dessein de cette importance, soit pour la gloire du Roi ou pour dépense qu'il y a à faire, sans être convaincus par une démonstration plus certaine que celle du raisonnement, qui est l'expérience, nous croyons que l'on pourroit tirer un canal de deux pieds pour

la

faire couler un filet de la rivière du Sor jusqu'à ce point de partage à Toulouse et à Carcassonne, afin qu'étant persuadés par cet essai, dont la dépense seroit médiocre, on pût entreprendre plus hardiment le plus avantageux ouvrage qui ait jamais été proposé.

Fait à Béziers le dix-neuvième jour de janvier mil six cent soixante-cinq.

Signés,

BAZIN DE BEZONS.

L'abbé DE CHAMBONAS.

BOURDON, trésorier de France à Montpellier, commissaire du Roi.

D'ANGLURE, archevêque de Toulouse.

PIERRE DE BERTIER, évêque de Montauban.
De Montperat, évêque de Saint-Papoul.
CASTRIES.
GRAMMONT.
GANGES.

LE MOLARD DAGRAIN, vicaire-général du Puy.
BRESSOL.

RIGAULT, député de Narbonne.
BEZARD, député de Carcassonne.
HUSSON, député de Carcassonne.
ROCHEPIERE, député du Vivarais.
De La Borrye, consul du Puy.
CODERE, député de Castres.

FRAISSINET, syndic du diocèse de Toulouse.

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SALANZE, député du diocèse d'Uzès.
RIVAL, syndic du diocèse de Saint-Papoul.
DELOYER, syndic-général de Languedoc.

Par MM. les Commissaires députés par le Roi et par l'assemblée des Etats de Languedoc. Signés, DUSOL et REGNIER, avec paraphe.

NO II.

SUIT le devis et état des travaux à faire en cent soixante-sept articles, dressé et signé par Vauroze et Boutheroue de Bourgneuf.

No III.

On trouve ensuite dans le même Recueil un Mémoire de M. de Clerville, fait sur le devis des experts. Il commence par ces mots :

« Après que le procès-verbal fait sur la vérifica» tion de la possibilité qui se peut trouver à la jonc» tion des mers, aussi bien que le devis du sieur de >> Bourgneuf, intervenu sur l'exécution de ce des>> sein, avec l'avis de MM. les commissaires députés » de la province de Languedoc, intervenu sur ce » sujet, m'ont été communiqués, et que M. de >> Bezons m'a fait l'honneur de me solliciter d'en >> dire mon opinion ensuite de l'ordre que j'en avois » reçu de Sa Majesté, etc. etc. ».

A ce Mémoire est joint un « Abrégé de la

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