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» avec moi en cette ville, et tous ensemble, >> nous visiterons le travail cette semaine. Il >> est vrai que le sieur Janse nous a déjà pré» venus, qu'en nous attendant, il a fait sa » visite particulière, sur laquelle il m'a dit qu'il donneroit un mémoire pour vous » envoyer, et je croyois que ce seroit par >> cet ordinaire; mais il n'est pas encore >> achevé : cependant j'ai reconnu qu'il ne fait pas un jugement tout-à-fait avanta» geux de cette entreprise, qui ne me per» suade pas; car il s'entend mieux aux »ports et aux ouvrages de mer, qu'à ceux » de terre ferme, d'autant plus que M. de » Riquet répond du succès de la chose; et » il nous promet de la faire voir toute entière » dans douze ou quinze jours, ne demandant » pas davantage pour conduire la rigole de » dérivation jusqu'au point de partage ».

Enfin, la rigole d'essai fut achevée vers les premiers jours d'octobre; et ce fut le triomphe de Riquet. On vit avec étonnement, qu'il avoit forcé les sources de la montagne Noire à prendre un cours différent de leur cours naturel, et qu'il avoit assuré le succès de son grand projet en les réunissant toutes dans un bassin à Naurouse, d'où il

pouvoit ensuite les distribuer à volonté. Cet événement fut célébré par des sonnets et des stances, qui se trouvent dans les recueils de ce temps. Ils durent flatter Riquet bien moins que les lettres de M. Colbert. « J'ai » reçu, luí écrivoit ce ministre le 14 août 1665, vos deux lettres du dernier juillet et » 4 août, par lesquelles je suis très-aise de » voir l'espérance (1) où vous êtes du succès >> du grand dessein de la jonction des mers; » et comme vous avez été celui qui l'avez » fait renaître de notre temps, et qui y avez » donné les premières dispositions, vous ne >> devez pas douter qu'outre la gloire que » vous en acquerrez, le Roi ne vous en sache >> beaucoup de gré, Sa Majesté ayant résolu » de le faire exécuter par vos soins par pré» férence à tous autres. Ainsi, quand la rigole » d'essai sera achevée, à quoi vous ne trou>>vez pas autant d'obstacles qu'on avoit » d'abord appréhendé, vous pourrez vous » mettre en chemin pour venir ici : vous

(1) Les originaux des lettres de M. de Colbert sont entre les mains des héritiers de Riquet. Une partie de ces lettres a été imprimée dans le livre de M. de La Lande, page 126 et suivantes.

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priant cependant de bien discuter tous les » moyens que vous avez en main pour faire >> trouver au Roi celui d'y fournir en partie, >> afin qu'étant digérés, nous puissions ici » les proposer à Sa Majesté. Je vois, lui

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>> écrivoit-il le 9 octobre, que, outre vos espérances, votre travail a encore mieux >> réussi que vous ne vous l'étiez promis : et » qu'à présent il n'y a plus personne qui ne » soit persuadé de la possibilité du grand >> dessein dont j'ai beaucoup de joie. Vous » pourrez, avant que de partir, concerter >> avec MM. les intendans de Languedoc le >> projet d'affiches pour ces ouvrages, afin » que votre sentiment étant approuvé ou >> rectifié par le leur, on voye ici avec plus » de fondement et de sûreté les mesures qui » seront à prendre >>.

CHAPITRE II.

Secours demandé par le Roi à la province de Languedoc, pour la construction du Canal. Devis de M. de Clerville.

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Édit pour la construction du Canal.Erreur intervenue dans cet édit, corrigée trois jours après par des lettres-patentes.

Offres de Riquet. Acceptation de ses offres. - Ordre de ses travaux. - Sa correspondance avec Colbert.- Première pierre posée soit au magasin de SaintFériol, soit à l'écluse de Toulouse.-Inscriptions placées sur ces pierres. de Riquet pour étendre jusqu'à Castres la navigation du Canal de dérivation.

Essai

MESSIEURS de Bezons et de Tubeuf, intendans de Languedoc, allèrent, le 9 novembre 1665, examiner la rigole de dérivation que Riquet venoit de faire creuser depuis la montagne Noire jusqu'aux Pierres de Naurouse. Ils rendirent compte de leur visite à M. Colbert, et lui envoyèrent les plans des lieux

où cette rigole passoit, avec des détails sur la nature du terrain. Le succès de ce premier essai montroit la possibilité de fournir une quantité d'eau suffisante au Canal de navigation, qui devoit joindre les deux mers. Dès-lors il n'y avoit plus d'obstacle à l'exécution de ce grand ouvrage, et Louis xiv se détermina à le faire construire.

Une aussi vaste entreprise ne pouvoit réussir sans des dépenses considérables. Le Languedoc en devoit retirer la principale utilité. Le prince de Conti, gouverneur de cette province, proposa, le 2 décembre 1665, à l'assemblée des Etats, de contribuer aux frais du Canal. << Ceux, disoit-il, qui ont fait » attention à la grandeur et à l'étendue du » Languedoc, ont avoué qu'il n'y avoit pas » de province que le ciel regardât d'un œil >> plus favorable, et où la terre produisît avec >> plus d'abondance toutes les choses néces» saires à la vie. Si l'on avoit quelque chose >> à desirer pour l'achèvement de son bon>> heur, l'on auroit souhaité le rétablissement » du commerce et des manufactures >> Canal pour la communication des mers, » et un port pour débiter leurs fruits et re»cevoir avec facilité ce qui vient de l'étran

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