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étudié par une commission de propriétaires. Cette commission s'était instituée elle-même pour préparer le travail de l'autorité municipale, et avait cherché à s'entourer de tous les hommes qui, habitant comme eux le 12e arrondissement, se sont fait une réputation méritée par leur savoir et leur talent. Elle comptait, parmi ses membres, le doyen de la Faculté des Sciences, un juge d'instruction, un professeur d'histoire naturelle, des manufacturiers, un des chefs de la tannerie parisienne, le directeur de l'un des principaux colléges, et des entrepreneurs de bâtiments.

Cette commission poursuivit pendant quatre ans le but qu'elle s'était proposé avec la plus louable persévérance, multipliant ses efforts et ses démarches pour obtenir une décision favorable.

Ses vœux furent comblés; le percement de la rue des Ecoles fut résolu; bientôt commencèrent les travaux de démolition qui devaient déblayer le terrain où s'élèveraient des maisons neuves.

Ces travaux préliminaires étaient fort considérables, ainsi qu'on peut en juger en jetant un coup d'œil sur le plan sommaire adopté par la commission municipale.

La rue des Ecoles devait partir de la rue Saint-Victor, entre le Jardin des Plantes et l'Entrepôt des vins, pour aboutir au carrefour formé par les rues de la Harpe, de l'Ecole-de-Médecine, Racine et des Mathurins-Saint-Jacques. Sa largeur était fixée à 22 mètres; sa longueur, à 850. Elle devait élargir dans son parcours les rues des Boulangers, Traversine, couper les petites rues d'Arras, de Versailles, du Bon-Puits, du Paon, du Mûrier, de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, de la Montagne-Sainte-Geneviève, cloaques dégoûtants, peuplés de garnis immondes, où le vice cherchait un refuge sur une botte de paille à raison de 20 centimes par nuit. Arrivée à la rue du Clos-Bruneau, qui sera entièrement transformée, la rue des Ecoles devait entamer la cour de Saint-Jean-de-Latran, dégager le collége de France et la Sorbonne, en leur faisant une place de 40 mètres de largeur, ressortir par la rue de la Sorbonne, et couper les rues des Maçons et la Harpe, pour aller se confondre avec celle de l'Ecole-de-Médecine. La nouvelle voie de communication devait donc relier, par une ligne presque directe, le Jardin des Plantes, la Pitié, l'amphithéâtre de Clamart, le collége de France, la Sorbonne et l'Ecole de Médecine,

L'étude des sciences y gagnait, en même temps que le commerce et l'industrie (G. Olivier).

En démolissant les maisons portant les nos 15 et 17 de la rue des Mathurins-Saint-Jacques, les ouvriers maçons découvrirent, dans deux vieux murs qui avaient appartenu au couvent des Mathurins, trois magnifiques croisées en ogive, parfaitement conservées, vrais modèles de l'architecture gothique du treizième siècle.

On présume que l'église des Mathurins occupait une partie de l'emplacement où ces nouvelles découvertes ont été faites. Les mathurins, ou religieux de la Très-Sainte-Trinité de la rédemption des eaptifs, avaient été institués vers 1200, par Jean de Mathée, docteur à Paris, et Félix de Valois, pour racheter des musulmans les esclaves chrétiens et des chrétiens les esclaves musulmans.

Pour faciliter le développement de la rue des Ecoles, par décret du 10 février 1852, le gouvernement céda à la ville de Paris les terrains et les bâtiments de la Sorbonne. Le préfet de la Seine soumit au conseil municipal le projet de la rue des Ecoles; les conseillers, chargés du rapport, visitèrent les lieux, et bientôt allaient s'ouvrir, sur la rive gauche de la Seine, de grands et utiles travaux.

D'après les plans de la ville, le collége de France et la Sorbonne, jusqu'alors obstrués par de vieilles masures, par des rues étroites et malsaines, allaient recevoir d'importantes améliorations.

Pour dégager ces deux monuments, pour leur donner de l'air et de l'espace, pour les confondre, en quelque sorte, en un seul établissement, on devait faire disparaître le cloître Saint-Benoît et le cloître Saint-Jean-de-Latran. Puis, sur ce sol où, depuis des siècles, n'a pénétré un rayon de soleil, on allait ouvrir une grande place qui, continuant la rue des Ecoles, s'étendrait de la rue de Sorbonne à la rue Saint-Jean-de-Beauvais. Des milliers d'étudiants allaient y trouver un passage commode et direct, et les voitures un accès facile, indispensable, surtout aux heures où les cours publics des facultés amènent la foule dans ces quartiers.

Le collége, la place et la rue de Sorbonne ont une place des plus remarquables dans l'histoire de Paris.

En 1250, Robert dit le Sorbon, parce qu'il était né à Sorbon, vil

lage près de Rathel, fut le fondateur du collége qui, dans son esprit ne devait être qu'un modeste asile pour les écoliers pauvres.

En 1408, après l'assassinat du duc d'Orléans, par Jean-sans-Peur, un docteur de la Sorbonne, nommé Jean Potel, osa se charger de faire l'apologie du crime devant le roi et toute la cour assemblés, et, dans un discours, en douze points, il prouva, par a plus b, que l'assassinat du duc d'Orléans était une action vertueuse, plus méritoire dans un chevalier que dans un écuyer, et beaucoup plus admirable encore dans un prince que dans un chevalier.

En 1430, la Sorbonne contribua beaucoup à la mise en jugement de la Pucelle d'Orléans. Le duc de Bedfort ayant adjugé, pour quelques sous parisis, cette noble fille à Jean Cauchon, docteur en Sorbonne, ce misérable, au lieu de la sauver, la fit périr, comme on sait, dans les flammes.

En 1629, le cardinal Richelieu fit restaurer et presque reconstruire la Sorbonne, qui tombait alors en ruine.

Sous la terreur, Robespierre voulut établir, dans l'église de la Sor bonne, un amphithéâtre pour l'école Normale.

On donna, à sa place, le nom de Chalier, révolutionnaire émérite, qui fut décapité à Lyon.

En, 1825, l'église, après avoir été restaurée, fut rendue au culte. RUES NEUVE-DES-FEUILLANTINES, ROLLIN, DES CHARBONNIERS, etc.En vertu d'un décret du 4 décembre 1850, dès 1851, dans toute l'étendue du 12e arrondissement, on publia, à son de caisse, l'annonce de l'ouverture immédiate de trois rues nouvelles, de douze mètres de largeur chacune, et construites avec pans coupés sur toutes leurs ouvertures.

La première devait être percée en prolongement de l'impasse des Feuillantines, rue Saint-Jacques, et occuper une superficie de près de seize mille mètres.

La seconde devait partir de la rue des Postes, au bas du carre four de la rue Neuve-Sainte-Geneviève; et la troisième, faire suite à la rue des Charbonniers. Ces trois rues et leur point de réunion devaient former un carrefour triangulaire.

La rue Neuve-des-Feuillantines était ouverte sur l'emplacement et les dépendances de l'ancien couvent de ce nom. La communauté des

Feuillantines établie, en 1622, par la reine Anne d'Autriche, et supprimée en 1790, était devenue propriété particulière.

La seconde de ces rues, ouverte sur des jardins d'anciennes communautés religieuses, si nombreuses encore dans la rue des Postes et sur des terrains vagues, devait prendre son point de départ près du collége Rollin, et porter probablement ce nom.

La troisième, celle des Charbonniers, passera par le couvent des Bernardines, de l'ancienne abbaye de Port-Royal. Ce couvent, situé rue de l'Arbalète, 25, servait de pensionnat.

La rue d'Ulm, qui n'avait d'issue que par un coude qu'elle faisait avec la rue des Ursulines, devait aussi être prolongée aux dépens d'une partie des jardins de la nouvelle école Normale, dont elle laisserait les bâtiments à gauche.

L'ouverture de ces rues nécessita de grands mouvements de terrains, qui amenèrent, sur plusieurs points, la découverte d'une assez grande quantité d'ossements humains, dont la plupart se trouvaient à fleur de terre l'abaissement successif du sol de ce quartier, depuis près d'un siècle, expliquait suffisamment ce fait.

En 1852, dans ce même 12e arrondissement, indépendamment de la rue des Ecoles, on devait s'occuper d'une nouvelle halle aux Cuirs et de l'alignement de la rue des Mathurins-Saint-Jacques, dont l'état de viabilité n'était plus en rapport avec l'activité que la circulation y a prise depuis quelques années.

RUE SOUFFLOT. Le prolongement de la rue Soufflot, depuis la rue d'Enfer jusqu'au jardin du Luxembourg, allait être prochainement exécuté. Cette rue, qui reçut, en 1807, le nom de Jacques-Germain-Soufflot, l'architecte du Panthéon, né à Irancy, près d'Auxerre, en 1714, et mort le 29 août 1781, étant à cette époque intendant en charge des bâtiments du roi, fut ouverte, en 1760, sur une partie des bâtiments du collége de Lisieux. Le 24 frimaire an XIII, le minstre de l'intérieur, de Champagny, approuva le prolongement de cette voie publique jusqu'au Luxembourg, et fixa la largueur de ce percement à douze mètres.

Une loi du 3 juillet 1844, relative à l'amélioration des abords du Panthéon, avait fixé l'époque de l'exécution du prolongement de la rue Soufflot à quatre années, à partir de l'exécution de cette loi. Ce 49

T. VII

prolongement nécessitait la démolition des bâtiments de la caserne placée rue d'Enfer, n° 8, qui sont aujourd'hui la propriété de l'Etat, et qui formaient autrefois les dépendances du séminaire de SaintPierre et Saint-Louis, fondé, dans le dix-septième siècle, par François de Chansiergues, diacre du diocèse de Paris. Cette circonstance arrêta l'exécution des travaux de démolition, qui ne furent repris que huit ans après.

En effet, en 1852, on ouvrit, à la mairie du 11e arrondissement, une enquête importante. Elle avait pour objet de recevoir, s'il y avait lieu, les observations du public sur un projet de régularisation des abords du palais du Luxembourg, projet qui se raccordait d'une manière heureuse avec celui du prolongement de la rue Soufflot.

D'après des conventions intervenues entre l'Etat et la ville, celleci avait pris l'engagement de percer la rue Soufflot, d'après le plan du Panthéon, jusqu'au jardin du Luxembourg.

Ce projet se divisait en deux parties distinctes: la première, qui est aujourd'hui exécutée, comprenait l'ouverture de la rue Soufflot, depuis la place du Panthéon jusqu'au jardin du Luxembourg.

Un examen plus approfondi de cette deuxième partie du projet révéla les divers inconvénients attachés à son exécution. Ainsi elle eût formé une sorte d'impasse, limitée par des propriétés particulières, et dangereuse sous le rapport de la sécurité et de la salubrité publiques. En outre, au point de vue de l'art, d'autres inconvénients graves militaient en faveur de l'abandon du projet primitif.

Pour éviter la construction de cette impasse, l'architecte du palais du Luxembourg présenta un plan fort simple, qui consistait à ne pas prolonger la rue Soufflot au-delà de son point de rencontre actuel avec la rue d'Enfer, et à réunir au jardin du Luxembourg le terrain que devait occuper l'impasse.

Ce terrain devait être converti en une avenue large de quatorze mètres, avec une contre-allée plantée d'arbres, et une grille, ouvrant dans l'axe de la rue Soufflot, devait être établie à l'alignement de la rue d'Enfer. Adopté par la commission municipale, ce projet fut soumis aux formalités d'enquête publique, et le décret du 10 decembre, sur les travaux extraordinaires, y alloua un crédit de 170,000 fr.

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