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au sud; aux Prés-Saint-Gervais, deux des fronts reprennent la direction de l'ouest à l'est, mais elle la quitte à la hauteur de Romainville pour descendre en ligne droite jusqu'à Saint-Mandé; alors elle fait un coude et va finir à la Seine, juste en face du point où commence l'enceinte de la rive gauche.

Les forts sont au nombre de seize; au nord :

Le fort Labriche, appuyé sur la rivière, à l'occident de Saint-Denis, et traversé par le chemin de fer.

Le fort du Nord ou la Double-Couronne; cet ouvrage n'est pas dé fendu par l'enceinte, mais sa gorge est couverte par une inondation que l'on peut facil ement tendre, et qui met en sûreté le nord et l'est de Saint-Denis. Cette inondation protége encore un autre ouvrage, qui, avec la Couronne-du-Nord, sont les deux seuls forts de Paris qui soient ouverts à la gorge : c'est la lunette de Stains qui se trouve au nord-est de Saint-Denis.

Au sud, une ligne stratégique en ligne directe conduit de cette lunette au fort de l'Est, le dernier des forts de Saint-Denis.

Entre la Villette et le fort de l'Est, près de la route d'Amsterdam, non loin du village d'Aubervilliers, s'élève le fort de ce nom. En continuant à descendre vers le sud, entre Pantin et les Prés-Saint-Gervais, on rencontre le fort de Romainville; puis ceux de Noisy, de Rosny, de Nogent.

Près du confluent de la Marne et de la Seine, dans une très-forte position, s'élève le fort de Charenton, commandant la route d'Italie.

Sur la rive gauche de la Seine, on ne trouve que cinq forts: d'abord Ivry et Arcueil, qui commandent la route de Fontainebleau. Le premier, construit sur des carrières, est fort remarquable. Il a fallu élever des piliers pour soutenir les fortifications de plus, ces excavations forment d'immenses magasins voûtés. Puis le fort de Montrouge, sur la route d'Orléans, et celui de Vanvres, à la gauche du chemin de fer de Versailles.

:

A la droite même du chemin de fer et défendant le passage de la rivière, est le fort d'Issy.

Enfin, sur la rive, en arrière de l'autre chemin de fer de Versailles, sur une hauteur célèbre, s'élève le plus considérable de tous les forts de Paris, la forteresse du mont Valérien, placée au-dessus de toute,

les attaques probables et destinée à protéger les arrivages de l'Ouest, et à servir de lieu de sûreté pour des approvisionnements d'armes et de munitions.

Voici sur cette forteresse une curieuse monographie que M. Paulin a publiée dans l'Illustration. Cette citation suffira pour donner une idée complète des fortifications de Paris.

FORTERESSE DU MONT VALÉRIEN. - Le mont Valérien, aujourd'hui couronné par une admirable forteresse, était depuis un temps immémorial consacré au culte religieux. Les druides, les prêtres du paganisme et ceux du christianisme l'ont successivement occupé et en ont fait un lieu de pèlerinage. En 1789, l'établissement religieux du mont Valérien subit le sort commun et fut vendu à l'enchère. Il demeura quelque temps la propriété de Merlin de Thionville, qui en fit une charmante maison de campagne; mais il fut racheté bientôt et de nouveau consacré au culte catholique.

Des trappistes s'y fixèrent en 1807. Napoléon, par suite de la découverte d'une conspiration, fit chasser ces religieux, et ordonna qu'un grand bâtiment, destiné aux orphelines de la Légion-d'Honneur, fût élevé sur l'emplacement du couvent. Il n'était pas encore achevé en 1814, lorsque reviņt la branche aînée. M. Forbin-Janson, depuis évêque de Nancy, et alors tout puissant, venait de créer les. missionnaires de France. Il demanda et obtint le mont Valérien, pour y établir ses ouvriers apostoliques. L'argent ne lui manqua pas pour achever ce bâtiment et pour mener à bonne fin cette œuvre pie. Il put même se faire bâtir sur le penchant du mont une fort jolie maison. Il rétablit en même temps la confrérie de la Croix, éleva un calvaire au sommet du mont, et les pèlerinages recommencèrent avec une ferveur plus vive que jamais.

Les missionnaires de France répandaient tranquillement sur les populations toute l'ardeur de leur foi. Leur saint prosélytisme ramenait quelques brebis égarées au giron de l'Eglise. La confrérie de la Croix, où figuraient maints grands personnages, qui ne sont plus dévots aujourd'hui, faisait souvent et pieusement les douze stations, quand éclata la révolution de Juillet. Le nouveau gouvernement annula la concession faite à M. Forbin-Janson, et le mont Valérien redevint une propriété nationale, sous la régie de l'administration des

domaines. Les missionnaires réclamèrent devant les tribunaux leur propriété, ou des indemnités.

Cette affaire est encore en litige, mais il n'est pas probable qu'on change jamais la destination actuelle des lieux.

Lorsqu'il fut question de fortifier Paris, le mont Valérien fut regardé comme l'une des plus importantes positions militaires des environs, et l'on décida qu'une forteresse y serait élevée. A peine la loi fut-elle votée qu'on se mit à l'œuvre. Le tracé du plan ménageait avec soin le relief naturel du terrain on s'épargna ainsi de grands travaux. On obtint encore de notables économies en employant à ces fortifications les régiments d'infanterie en garnison dans les environs. Plusieurs rapports officiels rédigés par les officiers du génie directeurs, rapports que nous avons sous les yeux, portent en moyenne ces économies à 75 pour cent.

La forteresse du mont Valérien peut loger quinze cents hommes d'infanterie, le personnel d'artillerie et du génie nécessaire, et un matériel immense. Son armement sur le pied de guerre est d'environ soixante pièces d'artillerie, la plupart de gros calibre. A la fin des travaux, on avait remué un million de mètres cubes de terre et dépensé 4,500,000 fr., selon les devis établis par le génie militaire. Sur cette somme, les bâtiments, caserne, magasins, poudrières, corps de garde, absorbent 1,500,000 fr.

Nous dirons ici en passant, et pour appuyer l'importante question de l'emploi de l'armée dans les grands travaux d'utilité publique, que non-seulement il y a eu une économie moyenne de 75 pour 100 à employer des soldats, mais que ces soldats, pendant tout le temps de leurs travaux, n'ont pas eu de malades, bien qu'ils se soient trouvés quelquefois dans des conditions hygiéniques inférieures à celles des garnisons ordinaires; c'est donc une seconde économie de journées d'hôpital qu'il faut ajouter à celle de la main-d'œuvre.

Maintenant, quelque audacieuse que l'on suppose une armée ennemie, il est douteux qu'elle s'aventure à venir faire le siége de l'enceinte en passant entre les forts, sans s'en être préalablement emparée. Maintenant, est-il à présumer qu'elle cherche à en prendre plus de trois ou quatre, c'est-à-dire ce qui serait nécessaire pour enlever tous ceux de la rive sur laquelle elle se présenterait. Il resterait

donc un grand espace libre et à l'abri de toute insulte entre les forts non enlevés et l'enceinte pour les parcs de troupeaux et l'approvisionnement. Maître d'une partie des forts, l'ennemi serait encore bien loin de l'être de Paris. Puis l'enceinte n'est attaquable qu'en un point ou deux au plus, à cause de l'ouverture des angles de ses bastions. Une ville d'une aussi immense étendue peut seule présenter ces avantages, et il faudrait au moins soixante jours de travaux pénibles pour faire une brèche praticable au corps de la place.

Quatre ans suffirent pour faire ces gigantesques travaux, auxquels furent consacrés plus de 140 millions.

Voici par quelles phases successives eut à passer ce projet de fortifications avant d'être converti en loi.

Le 11 janvier 1840, la Chambre des députés entendit le rapport de M. Thiers au nom de la commission des fortifications de Paris. La presse de Paris était complétement divisée sur cette grave question. Le Commerce, la Presse, toutes les feuilles légitimistes et la majorité des organes de l'opinion radicale attaquaient cette mesure comme liberticide et inutile. Le National, les Débats, tous les journaux de l'opposition qui avaient soutenu le ministère du 1er mars, l'appuyaient de toutes leurs forces. L'opinion publique à Paris s'en préoccupait d'une manière fort vive. Le 20 janvier, la discussion s'ouvrit à la Chambre et se prolongea jusqu'au 1er février. Sur trois cent quatrevingt-dix-neuf votants, la loi réunit deux cent trente-sept suffrages. Cent soixante-deux voix persistèrent dans leur opposition. La Chambre des pairs l'adopta à son tour, le 1er avril, après une discussion de six jours.

Voici le texte du projet de loi :

Art. 1er.Une somme de cent quarante millions(140,000,000 de francs) est spécialement affectée aux travaux des fortifications de Paris.

Art. 2. Ces travaux comprendront: 1o une enceinte continue, embrassant les deux rives de la Seine, bastionnée et terrassée, avec dix mètres d'escarpe revêtue; 2o des ouvrages extérieurs casematés.

Art. 3. Les fonds affectés à ces travaux seront employés simultanément à l'exécution de l'enceinte et des ouvrages extérieurs, et répartis entre divers exercices, dans les proportions ci-après déterminées.

Art. 4. La somme de cent quarante millions (140,000,000 de francs),

allouée en vertu de l'article 1er de la présente loi, comprend celle de treize millions (13,000,000 de francs), formant le montant des crédits déjà ouverts sur le budget de 1840, aux ministères de la guerre et des travaux publics, par les ordonnances royales des 10 septembre, 4 et 25 octobre derniers.

Sur la somme de cent vingt-sept millions (127,000,000 de franes) restant à allouer, il est affecté la somme de trente-cinq millions (35,000,000 de francs) pour les travaux à exécuter en 1841; vingt millions (20,000,000 de francs) pour les travaux à exécuter en 1842. La portion de ces crédits qui n'aurait pu être employée pendant l'exercice auquel elle est affectée sera reportée sur l'exercice suivant.

Art. 5. Il sera pourvu à ces divers crédits au moyen des ressources ordinaires et extraordinaires des exercices 1840, 1841 et 1842.

Art. 6. Les dépenses opérées par le département des travaux publics, en vertu des ordonnances des 10, 19, 29 septembre, 4, 8 et 19 octobre 1840, seront liquidées par le ministre de ce département, et soldées sur le crédit de 7 millions qui lui reste ouvert, jusqu'à concurrence du montant de ce crédit. L'excédant, s'il y en a, sera, aprés la liquidatiou, acquitté sur les ordonnances du ministre de la guerre et sur les crédits ouverts par la présente loi.

Art. 7. La ville de Paris ne pourra être classée parmi les places de guerre du royaume qu'en vertu d'une loi spéciale.

Art. 8. La première zone des servitudes militaires, telle qu'elle est réglée par la loi du 17 juillet 1819, sera seule appliquée à l'enceinte continue et aux forts extérieurs. Cette zone unique, de deux cent cinquante mètres, sera mesurée sur les capitales des bastions et à partir de la crête de leurs glacis.

Art. 9. Les limites actuelles de l'octroi de la ville de Paris ne pourront être changées qu'en vertu d'une loi spéciale.

Art. 10. Il sera tous les ans rendu compte aux Chambres de l'exécution des travaux exécutés par la présente loi.

Quelques détails sur le mur d'enceinte de Paris, alors réellement réduit à n'être qu'un simple mur d'octroi, trouvent ici naturellement leur place.

ANCIEN MUR D'ENCEINTE.-Depuis l'établissement des murs d'enceinte des fortifications, certaines parties des anciennes murailles qui re

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