Page images
PDF
EPUB

générale, à Versailles, pour aviser de concert avec eux, au moyen de liquider les dettes de l'Etat. À cet effet, il leur fit présenter, par M. Necker, le projet d'un impôt territorial sur les biens de chacun. Ce projet fut rejeté par cette Assemblée. Louis XVI convoqua alors les Etats généraux, qui se réunirent à Versailles, le 5 mai 1789, et qui siégèrent successivement à Paris, à la salle du Chapitre de l'archevêque, et puis au Manége, là où sont maintenant les belles rues de Rivoli et de Castiglione. Ce fut dans ce dernier lieu que M. Brulé présenta de nouveau à l'Assemblée les plans de l'entreprise du canal de l'Ourcq.

En 1790, muni d'adhésions de personnes marquantes, il renouvela ses sollicitations près de l'Assemblée nationale, pour obtenir les lois et décrets nécessaires à l'autorisation de l'entreprise de ce canal. MM. de Liancourt, Pétion, Dauchy, Boutisdoure, tous membres de l'Assemblée nationale et du comité d'agriculture, furent chargés de l'examen des propositions relatives à ce canal. Cette commission fit son rapport et rendit un décret autorisant l'entreprise que Louis XVI sanctionna sous le nom de canal national de Paris.

Ce décret fut motivé par l'urgente nécessité de procurer des travaux et des moyens d'existence à des milliers de personnes de tous. états et professions qui se trouvaient, à cette époque, sans emploi, en raison de l'émigration des castes nobiliaires et cléricales.

Ce décret, proclamé et affiché dans toute la France, fit affluer une grande quantité d'ouvriers dans la capitale, au point qu'on en comptait, vers la fin de 1790, plus de quarante mille, réunis en ateliers de charité, payés à 20 sous par jour, tous répandus autour de Paris, occupés à réparer quelques parties de chemins vicinaux et quelques buttes de terre, le tout représentant des travaux très-insignifiants, n'ayant aucun ordre ni surveillance bien réglés, bien que dirigés par un conseil particulier de la municipalité, présidé alors par l'architecte Célérier et l'avocat Plaisant.

Jamais époque ne fut plus favorable que celle-là pour l'exécution de ce canal. M. Brulé fit transférer ses bureaux dans une maison attenant à l'ancien Opéra, rue Porte-Saint-Martin, et y fit mettre en lettres d'or ces mots : ADMINISTRATION GÉNÉRALE DU CANAL NATIONAL DE PARIS. M. Brulé, cependant, ne payant ses divers employés qu'avec

des promesses, l'entrepreneur le fit assigner en paiement d'honoraires; Brulé déclara que ce créancier avait été payé sans quittance. Brulé fut admis à l'affirmation sur la foi du serment. Il jura. Mais bientôt ses employés et des créanciers de toute sorte ayant réclamé à leur tour, Brulé, qui s'était bien trouvé de son premier système de négation de dette, voulut y recourir une deuxième fois : cette fois les juges le sommèrent de justifier de quittances les. sommes qu'il prétendait avoir payées en pareil cas, et, sur son impossibilité de le faire, le condamnèrent au paiement du capital, frais et dépens, ce qui porta un tel délabrement dans sa fortune, qu'il fut obligé de renoncer à son entreprise.

Il vendit ses droits à M. Sollage, qui dut se charger de faire exécuter le canal de l'Ourcq, sans qu'il en coûtât rien au gouvernement. Il paraît en effet, d'après un rapport de M. Gauthey, inspecteur général des ponts et chaussées, imprimé en 1803 et 1804, que M. Sollage présenta ses plans au gouvernement, qu'ils furent renvoyés à la vérification de l'administration, mais que les conditions n'en furent pas acceptées.

ENTREPRISE ET CONFECTION DU CANAL DE L'OURCQ. Le 29 floréal an X (20 avril 1801), un arrêt du gouvernement consulaire ordonna que les travaux du canal seraient exécutés pour le compte de la ville de Paris, sous la direction des ingénieurs des ponts et chaussées. L'on prit pour base le plan de l'ingénieur Bruyère, tonjours fait d'après les anciens modèles de MM. Riquet, de Caraman et de Manse, sauf quelques changements sur la direction du canal.

. Un impôt additionnel aux octrois des entrées de Paris fut établi pour subvenir aux dépenses de cette entreprise; mais l'ouverture des travaux commencés sous la surveillance du préfet Frochot suscita une constestation entre le conseil des ponts et chaussées et l'ingénieur Girard, au sujet de leur direction et de la délivrance des bons de paiement.

Dans le même mémoire, publié par l'inspecteur des ponts et chaussées, M. Gauthey, et dont nous avons parlé plus haut, il est dit que: « les règles de l'art n'ont pas été mentionnées dans cette entreprise; qu'on a suivi un plan tout autre que celui qui avait été prescrit par l'administration, et que de la manière dont cette entreprise a été

commencée, cela ne ferait qu'un canal rigole. » Il ajoutait, qu'à l'égard des paiements des travaux faits, l'inspecteur Girard voulait se soustraire à toute surveillance, et se faire délivrer des mandats et ordonnances sans examen préalable.

A ce mémoire, M. Girard répondit par deux autres qu'il fit publier,

et dont voici le résumé:

« Je vais rappeler en peu de mots, dit-il, les propositions fondamentales qui résult nt de la discussion dont le rapport précédent est l'objet.

« 1o Le canal de l'Ourcq diffère essentiellement de tous les autres canaux qui ont été exécutés jusqu'à présent, parce qu'il remplira en même temps les fonctions d'un aqueduc et d'un canal navigable.

«< 2o Examiné sous le premier point de vue, le canal de l'Ourcq doit amener des eaux salubres dans la capitale, et, pour être telles, leur vitesse ne doit pas être moindre de 35 centimètres par seconde. « 3o Considéré comme navigable, le canal de l'Ourcq doit conserver sur toute sa longueur une hauteur d'eau constante, sans le secours 'd'écluses ni d'acun autre barrage.

« 4o La plus grande quantité d'eau sur laquelle on puisse compter pour alimenter ce canal sera de 13,500 pouces, ou 240,820 hectolitres par vingt-quatre heures.

«5o La prise de la rivière d'Ourcq sera faite dans le bief supérieur du moulin de Mareuil, à 96 kilomètres de la barrière de Pantin. « 6o La pente totale de ce canal de dérivation, entre ses deux extrémités, est de 10 mètres 14 centimètres.

«7° Cette pente ne sera point distribuée uniformément, mais suivant la loi représentée par le rapport des coordonnés de la courbe funiculaire.

« Je ne me suis point assujéti, dans le rapport que je viens de terminer, à suivre la marche systématique des devis ordinaires. La rédaction du projet dont je me suis occupé présentait ou des questions nouvelles qui méritaient d'être traitées avec soin, ou d'anciennes questions qui, jusqu'ici, n'ont été résolues qu'incomplétemer; voilà pourquoi j'ai développé avec quelque étendue l'analyse à l'aide de laquelle je crus en avoir obtenu la solution.

« Enfin, convaincu que les progrès de l'architecture hydraulique

sont essentiellement liés à ceux des sciences physiques, et que cellelà ne doit point rester stationnaire, lorsqu'un mouvemeut rapide est imprimé à celle-ci, j'ai pensé que la haute importance du travail qui m'est confié, les avantages longtemps désirés que la capitale en attend; en un mot, que l'intérêt protecteur qu'y attache le chef de l'Etat, m'imposaient l'obligation de donner à ce travail toute la perfection dont il m'a paru susceptible, et ne me permettaient pas, quelques préjugés que j'eusse à combattre, de négliger de faire, pour y parvenir, une application utile des découvertes dues aux géomètres et aux physiciens français dont les travaux ont honoré la patrie et illustré ces derniers temps. »

En juin 1817, M. Hagneau, inspecteur divisionnaire des ponts et chaussées, ci-devant à Turin, fut nommé à la direction du canal de l'Ourcq. M. Coic, ci-devant ingénieur en chef à Savone, fut aussi nommé, à cette même époque, ingénieur en chef pour la continuation des travaux de ce même canal.

[ocr errors]

EXTRAIT DES RAPPORTS DIVERS SUR LE CANAL DE L'OURCQ. Le 12 juillet 1814, M. de Montesquieu, alors ministre d'Etat, dit, dans son rapport, que le canal de l'Ourcq avait été entrepris sur un plan trop dispendieux.

M. Marchand dit aussi, page 219, dans son Conducteur parisien, que les conduits souterrains qui doivent servir dans Paris auront environ 14,700 toises, et que cela n'est pas un excès de magnificence dans une entreprise dont les dépenses doivent s'élever à 38,000,000.

Le 9 février 1820, une commission de MM. Chaptal, Duméril, Dubois, Richerand, Albert, membres de la faculté de médecine; MM. Larbes, de Vauxclaire et de Berigny, membres du conseil des ponts et chaussées, après plusieurs conférences et une reconnaissance de la localité, de l'emplacement que doit parcourir ledit canal, de la barrière de La Villette, Saint-Martin, aux fossés de l'ancienne Bastille et Arsenal de Paris; cette commission, dis-je, a été d'accord, à la majorité de sept voix contre deux, que le nouveau projet du canal Saint-Martin, soumis à son examen, passant dans les marais situés au midi de l'hôpital Saint-Louis, ne pouvait être exécuté sans danger pour la salubrité publique du quartier septentrional de

[merged small][ocr errors]

Paris. Ce fut d'après ce rapport que la direction de cette partie du canal fut définitivement fixée pour passer du côté opposé.

OBSERVATIONS SUR CE MÈME CANAL ET SUR CELUI SOUTERRAIN.- La vérité est que le canal de l'Ourcq a d'abord été formé sur une simple largeur de 9 pieds dans le fond réduit au-dessus de La Villette. En 1803, il fut reconnu que des parties avaient été fouillées 18 pouces trop bas, et l'on fut obligé de rapporter des terres pour en redresser le nivellement.

Un autre fait, c'est que l'ingénieur Girard fut chargé de la direction du commencement de cette même entreprise; plusieurs furent appelés à faire des états explicatifs des divers prix des travaux. L'un fut aussi chargé de l'envoi de plusieurs ouvriers pour faire les travaux de cette partie du canal. Là, étant sur les lieux, le prix qu'ils fixèrent parut effrayer l'ingénieur Girard, et les ouvriers furent renvoyés. Plusieurs autres entrepreneurs et ouvriers tâcherons, également embauchés à cette époque pour les travaux dont il s'agit, les abandonnèrent également. Girard se vit forcé de confier l'entreprise de la première partie du déblai du canal à un jardinier pépiniériste, plus apte à encaisser des arbres qu'à faire usage du niveau d'eau.

D'autre part, depuis 1820, les compagnies à qui le gouvernement avait cédé cette entreprise, résolurent de faire élargir ce même canal on le fit au-dessus de La Villette: on continua, dans la plaine Saint-Denis, les travaux qui ne furent terminés qu'en 1821; à cette époque, cette partie du canal fut alimentée par les deux petites rivières, dites Beuvronne et Souilly, qui se réunissent à Clay. L'ensemble du canal de l'Ourcq parcourait alors une longueur de 96 mille mètres, ou 24 lieues de terrain.

En résumé, voici les phases par lesquelles avait passée la construction de ce canal:

Commencé en 1676 par M. de Manse;

Continué par le même avec M. Riquet, en 1677;

Suspendu par la mort de ces deux auteurs et par celle de Colbert; En 1787, arrêt du conseil du roi, au profit de Sébastien Job, pour l'ouverture de ce même canal, qui n'a point eu d'exécution;

En 1790, décret de l'Assemblée constituante pour le même objet, aussi sans exécution;

« PreviousContinue »