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tables sur des fermes en fer appuyées sur de fortes piles de maçonnerie, n'en sont pas moins sujets à une faible oscillation.

VIEUX LOUVRE. Restauration et achèvement du vieux Louvre. En août 1853, la façade méridionale de la grande galerie du vieux Louvre ayant été débarrassée des échafaudages élevés pour sa restauration et son achèvement, on put en apprécier l'admirable décoration dans toute sa splendeur.

Voici quelques curieux détails à ce sujet :

La galerie d'Apollon, construite et décorée par Lebrun, pour remplacer la petite galerie d'Henri IV, dévorée par l'incendie de 1661, n'avait pas été terminée. Ecrasée sous sa charpente, dont la construction vicieuse faisait surplomber les murs extérieurs de la façon la plus alarmante, elle menaçait de tomber en ruine. Le danger parut si réel, que, en 1824, on dut l'étayer dans toute sa longueur. Bien plus, les fondations, maladroitement assises sur un mur du vieux Louvre, qui n'avait pas subi le tassement des constructions nouvelles, s'étaient fendues à la rencontre de ce point, et une immense crevasse lézardait du haut en bas cette partie de l'édifice.

Tel était l'état de la galerie lorsque sa restauration fut décidée. On reprit le mur pierre à pierre, en sous-œuvre, depuis le quai jusqu'au portique central, sur le jardin de l'Infante, tout en conservant les fondations primitives, qu'on enveloppa, dans toute leur hauteur, d'une épaisse ceinture de léton, pour empêcher tout écartement et les garantir des eaux de la Seine. Le comble fut refait tout entier, et l'air y circula librement, au moyen de lucarnes qui se trouvent dans les vues d'Israël Sylvestre.

En reconstruisant cette galerie, Lebrun avait supprimé le couronnement central et les œils-de-boeuf, dont la destination évidente était d'aérer les combles. Il ne les avait maintenus qu au centre, audessus du pilastre du portique inférieur, détruisant ainsi l'ordonnance générale, et remplissant l'espace au moyen de cinq croisées, trois à gauche deux à droite. Cette disposition, contraire à celle de la petite galerie, offrait l'inconvénient, grave en architecture, de donner une idée trompeuse de la distribution intérieure, et de dissimuler l'unité sous une fausse apparence. En continuant l'ordonnance centrale des pilastres de Lebrun sur toute la façade, M. Duban, le nou

T. VIII.

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vel architecte, a réuni le double avantage de conserver les bois des combles, détériorés par le défaut d'air, et de trouver dans la silhouette supérieure de la galerie d'Henri IV des éléments de décoration appropriés au caractère de l'édifice.

A l'intérieur, la voûte, écrasée sous sa charpente, fut descendue pièce à pièce, figure à figure, étiquetée, numérotée et rangée avec un soin religieux. Puis, lorsque la charpente, consolidée, fut en état de recevoir ces fragments, ils reprirent, comme par enchantement, leur ancienne place; et la voûte, entièrement restaurée, fut confiée à MM. Eugène Delacroix, Guichard et Charles Muller. Ces artistes, s'inspirant de l'idée première ou des dessins de Lebrun, y ont peint le Triomphe d'Apollon, le Triomphe de Cybèle et de l'Aurore. Le Triomphe d'Amphytrite, la seule peinture murale qui existe dans la galerie, et qu'on croit être de la main de Lebrun, a été habilement retouché. Des douze médaillons qui représentent les mois de l'année, il n'y en avait que sept d'exécutés. Les cinq autres ont été restitués par M. Arbaut, d'après les estampes de Saint-André. M. Cavelier a sculpté, d'après Marol, sur le fronton extérieur, la figure de la Renommée, assise entre deux thermes; et MM. Duvieux, Clément, Dieterte, Derchy, Fouquet et Haumont ont travaillé aux arabesques, aux fleurs, aux figurines, à tous les accessoires. En un mot, la galerie d'Apollon a été rendue plus belle et plus complète qu'elle n'a jamais été.

Les travaux du Grand-Salon ont eu pour résultat de fortifier la voûte en fer construite en 1778, par M. Brébion, et dans laquelle de notables défauts d'assemblage et de combinaison pouvaient amener de fâcheux désastres.

La salle des Sept-Cheminées, destinée à l'expositon des chefs-d'œuvre de l'école française, ne recevait qu'un jour douteux, à cause de la charpente de bois qui la couvrait. Un comble en fer a remplacé le bois, et les travées sombres de la grande galerie, qu'on désignait autrefois sous le nom de Catacombes, ont été éclairées au moyen d'ouvertures pratiquées dans la voûte.

La cour du Louvre à été pavée, éclairée, divisée en compartiments de verdure et d'asphalte. Les vestibules, dallés en granit, ont reçu des candélabres.

Un terrain vague, encombré de matériaux de toute sorte, bornait l'édifice du côté de Saint-Germain-l'Auxerrois. Ce terrain a été abaissé de manière à dégager le bandeau inférieur, enfoui jusqu'à ce jour, et à permettre à l'œil d'embrasser les parterres qu'on y a dessinés, du haut de la chaussée centrale, laissée de niveau avec le sol intérieur de la cour et des vestibules. Une grille entoure cette enceinte et offre, dans la partie centrale, des panneaux de bronze surmontés d'aigles dorés et ornés du monogramme de l'Empereur.

La décoration sculpturale et l'achèvement de la façade du Midi, nouvellement découverte, est une des œuvres qui honorent le plus le goût de notre époque. Au centre de cette immense façade, qui n'a pas moins de 130 mètres d'étendue, depuis le pavillon de Charles IX jusqu'au pavillon de Lesdiguières, s'élève un avant-corps formé par quatre colonnes isolées. De cet avant-corps au pavillon de Charles IX, l'ordre du rez-de-chaussée, qu'une certaine combinaison de formes et de bossages a fait attribuer à Philibert Delorme, offrait seul des parties sculptées. La charmante frise du soubassement, qui représente des petits génies et des attributs marins, est due au ciseau de Pierre et de François L'Heureux. Quelques moulures des cadres qui ornent l'étage intermédiaire, quelques chapitaux de l'ordre supérieur, avaient été à peine attaqués du temps de Henri IV, et dans les années de sa plus grande passion pour Gabrielle d'Estrées. Puis les travaux étaient restés suspendus jusqu'au moment où le régime de la Terreur de 1793 vint s'acharner contre cette façade inachevée.

On dit que Robespierre avait donné l'ordre brutal de faire disparaître à coups de marteau tout ce qui pouvait rappeler la royauté, et que, à la prière de MM. Percier et Fontaine, il consentit à un moyen terme. Au lieu d'enlever les saillies, les deux architectes proposèrent de combler les creux par un enduit grisâtre; l'effet devait être le même, et l'on ne verrait plus, de loin, qu'une surface plane au lieu des emblèmes qui offusquaient la rigidité républicaine. Ce parti fut adopté. On avait procédé à ces mutilations et à ces placages avec une barbarie inintelligente. Ainsi, les têtes d'anges, qui portaient à leur cou des cordons, des astragales et des médaillons de Saint-Michel, avaient été dépouillées de ces attributs. Le monogramme H G (Henri, Gabrielle), disparu sous le ciseau, ou calfeutré par le mastic, ne

présentait plus qu'une énigme. On ne l'a retrouvé intact que sur deux ou trois arcades. Au centre de quelques chapitaux de l'ordre supérieur, on retrouva aussi un H couronné, accompagné de deux sceptres de France et de Navarre; et, à l'aide de ces faibles traces, que leur grande hauteur avait sauvé de la destruction, M. Duban conçut et acheva la décoration de cette magnifique façade.

Les frontons supérieurs, les chutes d'attributs entre les pilastres, les frises, les niches, tout, excepté la moitié du soubassement, était à refaire et à composer. Le principe adopté pour la décoration, qui a tout le caractère de la certitude, est la glorification de Henri IV. Les frontons représentent les images de la Paix, de la Guerre, de l'Agriculture, des Arts, de la Navigation, etc. Les espaces situés entre les pilastres renferment les attributs qui se rapportent au sujet figuré dans le fronton supérieur. Partout, le monogramme royal, accompa gné des deux sceptres, a été rétabli. Deux cours de frises superposées, qui se développent sur toute l'étendue, offrent des fleurs-de-lis et des H ornementaux.

Le couronnement de la partie centrale, que tout semblait indiquer dans la disposition de l'édifice, et qui doit résumer, en quelque sorte, le principe décoratif de toute la façade, représente des trophées d'armes et d'attributs d'arts et de sciences, soutenus par deux génies portant des palmes. Dans la frise inférieure, un cartouche, contenant les armes de France et de Navarre, avec l'épée et la devise: Duos protegit unus, s'appuie sur deux cornes d'abondance, d'où s'échappent les fruits de la terre, et dans un coin la fameuse poule au pot. Des bannières fleurdelisées, le sceptre et la main de justice, encadrent la composition principale. Les attributs qui ornent le plafond de cet avant-corps sont dorés. Une riche balustrade couronne le sommet du pavillon de Lesdiguières, où un cadran devait être incessamment posé, et, dans la clef qui le surmonte, deux génies, gracieusement groupés, soutiennent l'H couronné, et portent d'une main des palmes triomphantes, et de l'autre l'un des deux sceptres.

Cette décoration immense a été exécutée dans l'espace de trois ans, par cent soixante sculpteurs, divisés en seize ateliers, à chacun desquels présidait un artiste désigné par une commission d'architectes; le tout, sous la haute direction de l'architecte Duban, qui, à

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