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férents pour que la peine doive être la même; le nouveau Code établit la distinction. Si aucune dégradation n'a eu lieu, si, par exemple, il n'est résulté de l'inondation d'autre mal que d'avoir interrompu pendant quelque temps la communication par un chemin ou passage, une amende seule sera prononcée; mais s'il y a eu des dégradations, le mal étant plus considérable, la désobéissance à l'autorité doit être plus sévèrement punie. Le Code porte un emprisonnement outre l'amende : cet emprisonnement, quoique de courte durée, suffira pour l'efficacité de l'exemple. »

Le dommage peut, en effet, exister sans qu'il y ait aucune dégradation. Supposons, par exemple, comme le fait l'exposé des motifs, que l'inondation ait interrompu pendant quelque temps la communication par un chemin; supposons encore qu'un propriétaire ait été privé pendant un assez long temps de ses terres couvertes par les eaux; que ses travaux aient par suite chômé; qu'il ait été obligé de retarder ou d'interrompre ses labours, ses semences; que les eaux aient emporté ses fruits, ses poissons: voilà le dommage qui peut motiver l'application de la première partie de l'art. 457; mais il est nécessaire que son existence soit constatée; car, ainsi que l'a déclaré la Cour de cassation, « n'y ayant eu aucun dommage causé, il ne pouvait y avoir matière à adjuger des dommagesintérêts, ni à prononcer une amende qui n'est autorisée par la loi que pour les cas où il y a un dommage causé aux propriétés voisines 1. >>

2657. La loi du 14 juin 1854, relative au drainage, contient la disposition suivante : « Art. 6, § 2. Tout obstacle apporté volontairement au libre écoulement des eaux est puni des peines portées par l'art. 457 du Code pénal. L'art. 463 peut être appliqué. » L'art. 7 ajoute: «< il n'est nullement dérogé aux lois qui règlent la police des eaux. >>

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1 Cass. 16 frim. an xiv, Dev. et Car.. 2.190; Dall., vo Dom. destr., n. 335.

CHAPITRE XCI.

DE L'INCENDIE CAUSÉ PAR NÉGLIGENCE OU IMPRUDENCE.

(Commentaire de l'art. 458 du Code pénal.)

2658. Dispositions de la législation sur les faits d'imprudence ou de négligence qui peuvent occasionner des incendies.

2659. Ces faits prennent le caractère d'un délit lorsqu'un incendie en est la conséquence (art. 458).

2660. Défaut de nettoyage des fours, cheminées, forges, maisons ou usines prochaines (471, n. 2).

2661. Feux allumés dans les champs à une distance prohibée.

2662. Feux et lumières portés et laissés sans précaution suffisante.

2663. Pièces d'artifice tirées avec imprudence.

2658. Nous avons exposé dans notre chapitre LXXXVI la matière de l'incendie volontaire.

La prévoyance de la loi s'est étendue jusqu'à l'incendie qui ne provient point d'une volonté coupable, mais qui est le résultat d'une simple faute, d'une imprévoyance ou d'une négligence.

Cette faute peut consister soit dans la vétusté ou le défaut de réparation ou de nettoyage des fours, cheminées, forges, maisons ou usines;

Soit dans des feux allumés dans les champs à moins de cent mètres de distance des maisons, forêts, bruyères, vergers, plantations, etc.;

Soit dans des feux portés ou laissés sans précaution suffisante;

Soit dans le fait d'allumer et de tirer des pièces d'artifice sans précaution.

Chacun de ces actes d'imprudence ou de négligence constitue une simple contravention, lorsqu'il n'en est résulté aucun fait d'incendie.

Ainsi l'art. 471 punit des peines de police, dans les paragraphes 1 et 2: « Ceux qui auront négligé d'entretenir, réparer ou nettoyer les fours, cheminées ou usines où l'on fait usage du feu; ceux qui auront violé la défense de tirer en certains lieux des pièces d'artifice. »>

Ainsi l'art. 10 du titre 2 du Code rural punit d'une amende égale à la valeur de douze journées de travail : « toute personne qui aura allumé du feu dans les champs plus près que 50 toises des maisons, bois, bruyères, vergers, haies, meules de grains, de paille ou de foin. »

Ainsi l'art. 148 du Code forestier dispose que : « Il est défendu de porter ou allumer du feu dans l'enceinte et à la distance de 200 mètres des bois et forêts, sous peine d'une amende de 20 à 200 francs, sans préjudice, en cas d'incendie, des peines portées par le Code pénal. »

2659. Si l'acte d'imprudence ou de négligence a eu pour résultat un incendie, il prend le caractère d'un délit, et devient l'objet de l'art. 458 du Code pénal.

Cet article est ainsi conçu :

L'incendie des propriétés mobilières et immobilières d'autrui, qui aura été causé par la vétusté ou le défaut soit de réparation, soit de nettoyage des fours, cheminées, forges, maisons ou usines prochaines, ou par des feux allumés dans les champs à moins de cent mètres des maisons, édifices, forêts, bruyères, bois, vergers, plantations, haies, meules, tas de grains, pailles, foins, fourrages ou tout autre dépôt de matières combustibles, ou par des feux ou lumières portés ou laissés sans précaution suffisante, ou par des pièces d'artifice allumées ou tirées par négligence ou imprudence, sera puni d'une amende de 50 francs au moins et de 500 francs au plus. >>

Il faut distinguer, comme éléments constitutifs du délit, le fait de l'incendie, la nature de l'objet incendié, enfin l'imprudence ou la négligence qui l'a occasionné.

L'incendie est une circonstance essentielle du délit; c'est l'incendie que la loi punit; s'il n'a point éclaté, l'imprudence ou la négligence n'est plus qu'une simple contravention.

Il faut, en second lieu, que l'incendie ait consumé les pro

priétés mobilières ou immobilières d'autrui; la loi confond ici ce qu'elle distingue dans les art. 434 et 440, l'incendie des choses mobilières ou immobilières, et elle exige dans les deux cas que ces choses soient la propriété d'autrui. Ainsi celui qui, par négligence ou imprudence, met le feu à sa propre chose, n'est passible d'aucune peine.

Enfin, et c'est le troisième élément du délit, il faut que la cause de l'incendie soit puisée dans une faute de l'agent, et que cette faute rentre dans l'une des quatre hypothèses prévues par l'art. 458.

2660. La première de ces hypothèses est la vétusté ou le défaut soit de réparation, soit de nettoyage des fours, cheminées, forges, maisons ou usines prochaines. Il faut, dans ce cas, que l'édifice soit réellement en état de vétusté, ou qu'il y ait eu défaut de réparation et de nettoyage, et que l'incendie qui s'est manifesté ait été causé par cet état de vétusté ou de défaut de réparation. La loi exige de plus que les forges, cheminées, maisons qui ont causé l'incendie, fussent prochaines des propriétés incendiées : cette condition est essentielle; car, si la chose par laquelle le feu a été communiqué n'avait pas été prochaine, la communication n'aurait pu être prévue, et la faute ne serait pas aussi grave. Carnot veut que toutes les choses qui ne sont pas à plus de cent mètres de distance soient considérées comme prochaines. Cette distance n'a été formulée par l'article que relativement à la deuxième hypothèse, et les termes de la loi ne doivent point être étendus d'un cas a un autre. En général, les propriétés sont prochaines quand elles sont susceptibles de se communiquer l'incendie; cette proximité donne à la négligence un caractère plus intense, attendu que son auteur a pu prévoir qu'il mettait en péril les propriétés d'autrui; lorsque la distance est telle, au contraire, qu'il n'a pu penser que la communication fût possible, la négligence cesse d'avoir le caractère d'un délit.

2661. La deuxième des fautes prévues par l'art. 458 est d'avoir allumé des feux dans les champs à moins de cent mètres des maisons, édifices, forêts, bruyères, bois, vergers,

1 Commentaire du Code pénal, t. 2, p. 516.

plantations, haies, meules, tas de grains, pailles, foins, fourrages, ou de tout autre dépôt de matières combustibles. L'acte d'imprudence consiste donc dans les feux allumés à la distance prévue par la loi ; si ces feux avaient été allumés à plus de cent mètres, et que néanmoins le vent eût porté l'incendie à des objets situés à cette distance, cet incendie cesserait de constituer un délit.

2662. La troisième faute consiste dans le fait de porter ou de laisser des feux et lumières sans précaution suffisante. Ainsi il ne suffit pas que l'incendie ait été causé par les feux ou lumières qui ont été portés ou laissés non loin de matières combustibles; il faut, pour l'existence du délit, que ces feux ou lumières aient été portés sans précaution suffisante; c'est ce défaut de précaution qui constitue l'imprudence, signe caractéristique du délit. La deuxième et la troisième hypothèse posées par l'article diffèrent donc en ce point, que le seul fait d'allumer des feux à la distance prohibée constitue le délit, s'il en est résulté un incendie, tandis que le fait de porter ou de laisser des feux, même à une distance moindre, n'a le caractère du délit qu'au seul cas où c'est par l'effet d'une précaution nécessaire, mais négligée, que l'incendie a éclaté. Il a été jugé que cette disposition s'applique aux incendies causés par les étincelles qui jaillissent de la locomotive d'un chemin de fer: << Attendu que les termes de l'art. 458 sont généraux et absolus; qu'ils s'appliquent à tous les faits de dispersion des feux ou lumières laissés ou portés par la main de l'homme, et nécessairement aussi à l'aide des machines que sa main dirige; que, l'imprudence et le défaut de précaution étant constatés, l'application faite de l'article est régulière1`».

2663. Le quatrième fait prévu par l'art. 458 est l'acte d'allumer ou de tirer avec imprudence ou négligence des pièces d'artifice. La loi exige donc non-seulement que l'incendie ait été causé par les pièces d'artifice, mais que ces pièces aient été lancées avec négligence ou imprudence; si aucune faute

1 Cass., 23 juin 1859, Bull. n. 149; Devill. et Car., 59.1.781; J.P.60.109; D.P.59.1.329.

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