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lement des règlements sur ces matières. Enfin les lieutenants de police, les trésoriers de France, et une foule de juridictions avaient le pouvoir réglementaire; ils prévoyaient des contraventions et fixaient les peines. Par une confusion qui nous paraît étrange aujourd'hui, ces mêmes juridictions connaissaient des infractions à leurs règlements. Ainsi les lieutenants généraux de police dans les villes, les prévôts des maréchaux et les juges seigneuriaux dans les campagnes, les trésoriers de France, en ce qui concerne la police des rues et des chemins royaux et publics, étaient compétents pour connaître, chacun en ce qui le concernait, des différentes contraventions de police 1.

Il faut toutefois le reconnaître au milieu de ce désordre législatif, les anciens règlements de police, soit généraux, soit locaux, attestent en général, sauf en ce qui touche la liberté de l'industrie, une sagesse et une prévoyance remarquables ; c'est dans ces règlements qu'ont été puisées la plupart des lois qui règlent encore les rapports des citoyens dans la commune. La pénalité seule était défectueuse, et presque toujours hors de proportion avec les infractions. Dans un grand nombre de cas, elle se composait d'un emprisonnement facultatif de six mois et d'une amende de 100 francs.

2716. L'Assemblée constituante, en réorganisant les municipalités, mit au nombre de leurs fonctions la police des villes et communes. Tel fut l'objet de l'art. 50 du décret du 14 décembre 1789, et ce principe fut plus tard développé par la loi du 16-24 août 1790. On trouvera plus loin les dispositions de cette loi qui, d'une part, a fondé le pouvoir réglementaire de l'autorité municipale, et qui, d'une autre part, a défini les objets de police qui sont confiés à sa vigilance. Mais, à côté de ce pouvoir réglementaire, la loi du 19-22 juillet 1794, et, quelques années après, le Code du 3 brumaire an iv, avaient prévu, dans quelques dispositions générales, les principales contraventions de police qui se trouvaient ainsi soustraites à

1 Delamarre, Traité de la police, t. 1er, p, 38 et suiv.

2 V. sur la police dans notre ancien droit, notre Traité de l'instr. crim., t. 6, n. 2447 et suiv.

l'action de la police municipale. Ces lois avaient également constitué les tribunaux de police et les peines applicables à ces contraventions.

Cette législation ne fut néanmoins qu'un premier essai de réforme. De nombreuses lacunes s'y manifestèrent promptement : les pénalités étaient insuffisantes, les limites de la juridiction de police confuses et mal réglées; plusieurs faits, improprement qualifiés simples contraventions, appartenaient à la police correctionnelle; d'autres, classés parmi les délits, n'étaient que des contraventions.

2717. Le Code pénal a fait disparaître une partie de ces vices. Les peines de police sont à la fois efficaces et proportionnées à la gravité des infractions; les contraventions qu'il a prévues sont classées avec une certaine méthode; leur énumération est plus complète que celle qui avait été faite dans la législation précédente, et tous les faits qui s'y trouvent rangés appartiennent réellement par leur caractère à la classe de ces infractions.

Les lois de simple police ont pour objet de faire jouir les citoyens d'une bonne police, c'est-à-dire, de protéger leurs personnes, leurs propriétés contre les atteintes légères qui peuvent être le résultat d'une imprudence, d'une négligence, d'une faute quelconque.

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Parmi les dispositions qui figurent dans ces lois, les unes ont pour objet de préserver de tout accident les personnes elles-mêmes telles sont celles qui punissent les injures verbales, le jet d'immondices, la divagation des fous furieux ou des animaux malfaisants, les refus de secours en cas d'inondation, d'incendie, d'accidents calamiteux, les tapages injurieux, les voies de fait légères, etc., etc.

D'autres ont pour objet de protéger les propriétés : telles sont les dispositions qui punissent la négligence de réparer les fours ou les cheminées, le tirage de feux d'artifice dans certains lieux, les infractions aux règlements sur l'échenillage, le maraudage, lorsqu'il n'est accompagné d'aucune circonstance aggravante, le glanage et le grappillage dans les champs couverts de leurs récoltes, le passage sur le terrain d'autrui,

les infractions aux bancs des vendanges, les blessures causées aux animaux d'autrui, les délits de dépaissance, etc.

D'autres dispositions étendent à la fois leur protection aux personnes et aux propriétés, en soumettant la voie publique à une surveillance particulière: telles sont celles qui prohibent les embarras causés par les dépôts de matériaux ou de choses quelconques, et qui punissent les infractions aux règlements concernant la petite voirie, les dépôts d'immondices, les infractions aux règlements sur les voitures et la conduite des chevaux, les dégradations des chemins et des rues, etc.

Enfin d'autres dispositions prévoient certains faits qui pourraient devenir la cause ou l'acte préparatoire des crimes ou des délits, ou du moins en protéger les auteurs contre la recherche de la police. On peut ranger dans ce nombre la prohibition de laisser dans les lieux publics ou dans les champs des coutres de charrue, pieux et machines, dont peuvent abuser les voleurs et autres malfaiteurs; l'obligation imposée aux aubergistes d'inscrire sur un registre toute personne qui a passé la nuit dans leur maison; la défense de vendre des mixtions nuisibles à la santé ou des comestibles gâtés; la punition des gens faisant métier de deviner ou pronostiquer; les tapages nocturnes, les jeux de hasard, etc., etc.

Le Code n'a point classé ces différentes contraventions d'après leur nature, leur but et l'objet auquel elles se rapportent; il les a confondues sans les soumettre à aucune distinction. S'il les a divisées en trois classes, cette classification est tout entière puisée dans le degré de la peine appliquée. Suivant que la contravention a paru passible d'une amende de 5, de 10 ou de 15 fr., le législateur l'a placée dans une des trois classes qu'il établissait, sans chercher dans la naturé même du fait aucun motif de cette division.

Le Code a fait une autre confusion. Les contraventions dérivent de deux sources différentes: 1° de la loi; 2o des règlements administratifs. Les premières sont celles qui sont prévues par le Code lui-même ; les autres sont celles qui sont prévues par les règlements administratifs, dans les cas où la loi autorise ces règlements pour assurer sa pleine et entière exécution. Le

Code s'est borné à mentionner dans les §§ 5 et 15 de l'art. 471 le droit de l'administration; il a confondu les infractions à ses règlements avec les contraventions qu'il prévoyait; il les a soumises à la même classification, aux mêmes règles, aux mêmes peines.

2718. Nous avons cru devoir nous astreindre, dans ce chapitre, à suivre l'ordre adopté par le Code, quoique cet ordre nous ait paru défectueux. Il est évident notamment que les contraventions de police, qui prennent leur source dans les règlements administratifs, et qui auraient dû former une classe à part, ont été placées sans méthode à la suite des autres contraventions.

Notre première pensée avait été de rétablir l'ordre méthodique; mais nous avons craint de jeter une confusion nouvelle dans une matière déjà fort confuse par elle-même, et la pénalité distincte qui enlace chacune des trois classes de contraventions établies par la loi s'opposait à ce qu'elles fussent détachées les unes des autres. Nous examinerons donc les dispositions du livre 4 du Code dans l'ordre où elles se trouvent placées.

2719. Mais, avant de commencer cet examen, il importe d'établir quelques règles générales qui, dans le système du Code, dominent toutes les contraventions, quelles que soient leur source et leur nature, et qui doivent servir à l'interprétation de toutes les lois qui s'y rapportent.

Une première règle, qui n'est que l'expression du caractère commun de toutes les contraventions, est qu'elles sont constituées par le seul fait matériel de la désobéissance aux prescriptions ou de la négligence à les suivre, indépendamment de toute intention criminelle, de toute volonté malveillante. C'est là la différence radicale qui sépare le délit intentionnel de la contravention. Le délit n'existe pas par le seul fait matériel; son élément essentiel est l'intention de nuire. Si cette intention coupable n'a pas dirigé l'agent, le fait n'est plus un délit; il cesse d'être punissable à ce titre. La contravention, au contraire, saisit le fait matériel en faisant une complète abstraction de la pensée qui a pu l'animer; elle ne s'attache qu'à ce fait en lui-même; elle suppose qu'il est le résultat d'une né

gligence, d'une erreur, d'un oubli involontaire, de l'ignorance. Elle le punit néanmoins; car le fait commis par ignorance peut nuire, car la peine a précisément pour objet de punir la négligence, l'oubli, l'ignorance même. Ainsi la loi de police ne recherche et ne voit que l'acte lui-même; elle le punit dès qu'elle le constate; elle ne s'inquiète ni de ses causes ni de la volonté qui l'a dirigé. La contravention est toute matérielle.

2720. Aucune règle toutefois n'est absolue, et celle-ci admet quelques exceptions. D'une part, un assez grand nombre de faits, qualifiés délits parce qu'ils sont punis d'une peine correctionnelle, ont le caractère de simples contraventions, puisqu'ils consistent uniquement dans un acte matériel isolé de toute intention coupable. Nous en avons vu des exemples dans les art. 410, 411, 413, 457, 458, 459. Les lois spéciales offrent un nombre considérable de ces contraventions qualifiées abusivement délits. D'une autre part, on trouve rangées parmi les contraventions, à raison de la minimité du dommage qu'ils causent, quelques faits qui ne sont pas exempts d'une intention criminelle : tels sont le maraudage et le vol des récoltes non détachées du sol, la tenue dans les lieux publics de jeux de hasard, le jet volontaire d'immondices, le refus de porter secours dans les cas d'accidents, les dommages volontaires aux propriétés mobilières, la lacération faite méchamment des affiches. Il résulte de ces exceptions, ainsi qu'on le verra plus loin, que, dans l'appréciation de ces faits, on doit, à côté de l'acte matériel, constater la volonté, et même, dans quelques cas, la méchanceté; mais la règle générale n'en conserve pas moins son autorité, et, ces cas exceptés, la constatation de l'acte matériel suffit pour justifier l'application de la peine.

2721. De ce principe découlent plusieurs conséquences. La première c'est que la bonne foi du contrevenant et l'absence de toute intention de nuire ne peuvent effacer la contravention, puisque l'intention de l'agent n'est pas un élément de cette contravention. La Cour de cassation a fréquemment appliqué cette règle; elle a décidé : « qu'en matière de contravention, la criminalité de l'intention n'est pas nécessaire pour entraîner l'application de la loi pénale; qu'il suffit que le fait soit maté

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