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2784. L'art. 471 n'atteint du reste que ceux qui ont proféré des injures sans avoir été provoqués. La compensation est donc admise en matière d'injures, suivant la maxime: Parva delicta mutuâ compensatione tolluntur. Ainsi l'action peut être repoussée par l'allégation que la partie plaignante a ellemême provoqué les injures dont elle se plaint; c'est ce que la Cour de cassation a décidé, en déclarant : « que l'ordre public n'est essentiellement blessé par le délit d'injures entre particuliers que quand ces injures n'ont pas été provoquées; que, si la loi subordonne la poursuite d'un délit d'injures à la plainte de la partie lésée, elle subordonne, par voie de conséquence, la condamnation, dans l'intérêt de la vindicte publique, à la preuve que la plainte de cette partie est légitime; que cette plainte n'est pas légitime, si les injures qu'elle dénonce ont été provoquées par d'autres injures qu'elle s'est permises1. » Si les injures ont été réciproques, sans que le juge ait pu reconnaître celle des parties qui sans provocation a proféré des injures contre l'autre, aucune peine ne doit être prononcée 2. Il faut ajouter que l'art. 471, no 11, ne punit que les injures proférées sans provocation, d'où il suit que toutes les fois que les deux parties ont proféré des expressions injurieuses l'une envers l'autre, aucune peine ne doit être appliquée 3 ; — que l'art. 471 n'ayant pas défini les caractères que doit revêtir la provocation pour excuser les injures, l'appréciation que fait le juge de police des faits qui, à ses yeux, constituent la provocation, est souveraine et échappe au contrôle de la Cour de cassation *; enfin, que la provocation n'est une excuse qu'en ce qui concerne les injures simples, mais qu'elle n'excuse nullement les injures graves qui sont qualifiées délits 5.

2785. Les injures non publiques ne constituent qu'une simple contravention, soit qu'elles aient été adressées à des particuliers, soit qu'elles aient été proférées contre des fonc

1 Cass., 11 oct. 1837, J.P.21.816.

2 Cass., 1er sept. 1826, J.P.20.861; Devill. et Car., 8.425.

3 Cass., 9 mars 1867, Bull. n. 60.'

Cass., 18 août 1864, Bull. n. 216.

5 Cass., 25 mars 1847, Bull, n. 63; Devill.47.1.395; D.P.47.1.344.

tionnaires'. » En effet, la distinction faite par l'art. 19 de la loi du 17 mai 1819 n'a point été reproduite par l'art. 20 de la même loi. Il s'ensuit que les peines de police prononcées par ce dernier article s'appliquent dans tous les cas2; une seule exception à cette règle se trouve écrite dans l'art. 222 du Code pénal.

2786. La loi ne fait également nulle distinction entre les injures verbales et les injures écrites, pourvu que l'écrit n'ait pas été publié. Nous avons précédemment admis cette doctrine 3, et la Cour de cassation l'a consacrée par les motifs : « que les injures, de quelque nature qu'elles soient, lorsqu'elles portent atteinte à l'honneur ou à la considération de ceux contre qui elles sont dirigées, sont aussi dangereuses et aussi répréhensibles que les simples injures verbales de même nature, et conséquemment également punissables; que l'injure écrite est même plus grave, en ce qu'elle se perpétue, tandis que l'injure verbale ne se manifeste un moment que pour disparaître à jamais; que d'ailleurs il ne saurait y avoir injure sans intention d'injurier, et que les magistrats appelés à prononcer sur les faits sont toujours les appréciateurs de cette intention; que l'art. 376, général dans ses expressions, comprend toutes les injures quelconques qui n'auraient pas les caractères de publicité et de gravité déterminés par les articles qui le précèdent, et que les injures écrites comme les injures verbales, entre lesquelles cet article ne fait point de distinction, sont également comprises dans ses dispositions; que l'art. 471, no 11, qui semble restreindre la contravention et la peine de simple police à ceux qui, sans avoir été provoqués, auront proféré contre quelqu'un des injures autres que celles prévues par les art. 367 et suivants, n'est point en contradiction, et se concilie parfaitement, au contraire, avec l'art. 376, puisque ces deux articles punissent des mêmes peines de simple police toutes injures autres que celles prévues par les art. 367 et suivants, et que

1 Cass., 30 déc. 1853, Bull. n. 610; 5 avril 1860, Bull. n. 92; 12 mars 1864, Bull. n. 70.

2 V. Parant, Lois de la Presse, p. 96.

3 V. notre tome 3, n. 964.

lesdits art. 367 et suivants sont relatifs aux injures écrites et aux injures verbales, communes aux différents caractères de gravité et de publicité; que des art. 13 et 20 de la loi du 17 mai 1819 il résulte encore évidemment que la loi punit de peines de simple police toute injure qui ne renfermerait pas l'imputation d'un vice déterminé, par où il est bien établi que le législateur n'a pas voulu distinguer, en ce cas, entre l'injure écrite et l'injure verbale, et accorder à l'injure écrite une impunité que n'aurait pas l'injure verbale 1. »

2787. Cette décision s'applique-t-elle au cas où l'injure a été faite par la voie de la presse? Il faut répondre affirmativement. Si l'art. 471 suppose que l'injure a été proférée, cette expression, appropriée aux cas les plus fréquents, n'exclut pas l'injure écrite, et par conséquent l'injure imprimée. Si, dans cette hypothèse, l'injure est nécessairement publique, cette publicité ne suffit pas pour qu'elle change de caractère, puisque l'art. 376 déclare que toutes injures qui n'auront pas le double caractère de gravité résultant d'un vice déterminé et de publicité, ne donneront lieu qu'à des peines de simple police, et l'art. 20 de la loi du 17 mai 1819, confirmant cette disposition, décide encore que « l'injure qui ne renfermera pas l'imputation d'un vice déterminé ou qui ne serait pas publique, continuera d'être punie de simple police. « Il est vrai que l'art. 5 de la loi du 25 mai 1838 enlève au juge de paix les actions civiles pour injures par la voie de la presse; mais cette restriction n'a lieu que lorsque le dommage est estimé à plus de 100 fr. On a voulu, en posant cette limite, réserver au jury toutes les questions graves de la presse. Il faut remarquer, au surplus, que si l'art. 471 n'était pas appliqué aux injures légères faites par la voie de la presse, ces injures demeureraient complétement impunies, puisque aucune autre disposition pénale ne leur est applicable; or il est salutaire, soit pour modérer le langage de la presse, soit pour prévenir les actes de violence qu'elle peut provoquer, qu'une peine qui, quoique légère, contient un blâme public, puisse contenir ses écarts. 2788. L'excuse de la provocation peut-elle être invoquée

1 Cass., 10 nov. 1826, J.P.20.915; 30 août 1851, Bull. n. 366.

par le prévenu d'injures par la voie de la presse ? Il est évident, dès qu'on fait application de l'art. 471, qu'il faut appliquer cet article dans toute sa teneur, et qu'on ne peut le scinder de manière à faire abstraction d'une partie de ses termes. Or cet article ne punit que les injures qui n'ont pas été provoquées; d'où il suit que, de quelque manière que les injures aient été faites, la provocation, dès qu'elle est constatée, efface l'injure. L'art. 11 de la loi du 25 mars 1822 a donné le droit de réponse à toute personne nommée ou désignée dans un journal. Or, il se peut que cette personne ait été non-seulement nommée, mais attaquée en termes plus ou moins injurieux. Est-ce que sa réponse, si elle est empreinte de quelque véracité, si elle repousse même l'injure par l'injure, ne pourrait pas se placer à l'abri de l'art. 471? L'excitation que cause une injure verbale n'est-elle pas aussi naturelle et aussi légitime, quand l'injure a été écrite et publiée ?

Au surplus, il n'appartient qu'aux juges du fait, ainsi que la Cour de cassation l'a sagement décidé, d'apprécier les faits qui peuvent constituer la provocation et de déclarer l'existence de l'excuse. Il en est de cette circonstance comme de l'intention, quand il s'agit des délits : ce n'est qu'en se plaçant en présence des faits, en écoutant les parties, en procédant à l'instruction, qu'il est possible de dégager le fait de la provocation. Les juges du droit ne peuvent l'apprécier que dans le seul cas où on le ferait résulter de quelque thèse légale qu'ils devraient examiner.

§ XII.

2789. «< 12o Ceux qui imprudemment auront jeté des immondices sur quelque personne. »>

Nous avons déjà et par avance expliqué le caractère de cette contravention, en nous occupant du § 6 du même article. L'élément essentiel de l'infraction, c'est l'imprudence de l'agent; cette imprudence exclut le concours de toute volonté ; d'ailleurs, s'il y avait volonté, l'infraction resterait dans les termes du § 8 de l'art. 475. Enfin il ne suffit pas que l'agent ait jeté les immondices imprudemment; il faut qu'il les ait jetées sur quelque personne. C'est là ce qui distingue cette con

travention de celle prévue par le n° 6 du même article, qui punit leur seul jet indépendamment de ses suites.

§ XIII.

2790. « 13° Ceux qui, n'étant ni propriétaires, ni usufruitiers, ni locataires, ni fermiers, ni jouissant d'un terrain ou d'un droit de passage, ou qui, n'étant agents ni préposés d'aucune de ces personnes, seront entrés et auront passé sur ce terrain ou sur partie de ce terrain, s'il est préparé ou ensemencé. >>

Cette disposition a été puisée dans l'art. 27 du titre 2 de la loi du 28 septembre-6 octobre 1791, qui portait : « Celui qui entrera à cheval dans les champs ensemencés, si ce n'est ́le propriétaire ou ses agents, payera le dommage et une amende de la valeur d'une journée de travail; l'amende sera double, si le délinquant y est entré en voiture. »

L'art. 471 ne distingue point, comme le fait cette disposition, si le passage des personnes a eu lieu à cheval ou en voiture; ses termes sont généraux et absolus, mais ils s'appliquent surtout au passage à pied. Le passage à cheval ou en voiture est spécialement prévu par le § 14. Toutefois, toute entrée quelconque, tout passage, constitue la contravention; le mode de passage ne produit de différence que relativement à la quotité des dommages-intérêts, suivant la gravité des dégradations.

2791. L'art. 471, n° 13, protége indistinctement toutes les propriétés, closes ou non closes'. Mais il est essentiel que le terrain soit préparé ou ensemencé : c'est cette circonstance qui constitue la contravention, et par conséquent le jugement doit le constater. Si le terrain n'est ni préparé ni ensemencé, le passage ne produit aucun dommage; s'il est chargé de récoltes, la contravention est prévue par le § 9 de l'art. 475. Mais s'il est préparé ou ensemencé, il importe peu qu'il y ait ou non dommage; le fait du passage suffit pour constituer la contravention 3.

1 Cass., 4 déc. 1847, Bull. n. 291; 2 juin 1865, Bull. n. 121. Cass., 28 mars 1844, Bull. n. 121; Dall., vo Contrav., n. 225. 3 Cass., 12 fév. 1863, Bull. n. 46.

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