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ou commissaires de police, ou aux citoyens commis à cet effet : le tout sans préjudice des cas de responsabilité mentionnés en l'art. 73 du présent Code, relativement aux délits de ceux qui, ayant logé ou séjourné chez eux, n'auraient pas été régulièrement inscrits. >>

La disposition qui termine ce paragraphe, et par laquelle il se réfère à l'art. 73, relativement à la responsabilité des logeurs, en cas d'inscription non pas seulement irrégulière, comme le porte ce paragraphe, mais omise, suivant les termes de l'art. 73, a été par nous précédemment examinée1; nous n'avons donc plus à nous en occuper.

Les art. 5 et 6 du titre 1er de la loi des 19-22 juillet 1791 prescrivaient déjà les règles qui font l'objet du § 2 de l'art. 475; ce paragraphe n'a fait que les reproduire.

L'art. 5 de la loi de 1791 commençait par ces mots : « Dans les villes et dans les campagnes, les aubergistes, maîtres d'hôtels garnis et logeurs seront tenus, etc. » Lors de la discussion du Code pénal au Conseil d'Etat, M. Defermon dit : « que cette disposition n'était bonne que pour les villes, mais qu'elle ne convenait pas aux villages. Là les aubergistes ne tiennent pas de livres. Les gens qui couchent chez eux ne sont guère que des paysans qui se rendent au marché; pourquoi les exposer à être tracassés par la police?» M. Réal dit « que la disposition était copiée de règlements en vigueur, et qui sont exécutés même dans les villages; qu'au reste, c'est précisément dans les villages que la police en éprouve les bons effets; que cependant elle ne les fait exécuter rigoureusement que là où il en est besoin. » Le paragraphe fut adopté sans amendement d'après ces observations; et toutefois ce paragraphe ne reproduit point les mots dans les villes et dans les campagnes, qui se trouvaient dans la loi de 1791; mais, par cela seul qu'il ne distingue point, on doit conclure que sa disposition est générale et qu'elle s'applique dans tous les lieux.

2822. Les aubergistes, les hôteliers, les logeurs ou loueurs de maisons garnies sont seuls assujettis à son application. Le

1 V. notre tome 1er, n. 385.

2 Locré, t. 31, p. 231.

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texte du paragraphe est positif à cet égard; et comme il s'agit d'une disposition pénale, on doit nécessairement la restreindre aux cas qu'elle exprime. Ainsi la Cour de cassation a jugé que l'obligation imposée par ce paragraphe était restrictive, et qu'un arrêté municipal ne pouvait l'étendre à d'autres personnes que les aubergistes, hôteliers, logeurs ou loueurs de maisons garnies: «attendu qu'en autorisant l'autorité municipale à publier de nouveau les lois et les règlements de police, la deuxième partie de l'art. 46 de la loi du 19-22 juillet 1791 ne lui donne pas le droit d'ajouter à la disposition de ces lois et de l'étendre aux personnes qu'elles ne concernent point 1. »

2823. Mais que faut-il entendre par logeur ou loueur de maisons garnies? Cette expression comprend, dans la généralité de son acception, toutes les personnes qui font état de recevoir habituellement des étrangers dans leurs maisons 2. Ainsi, il faut distinguer les propriétaires qui disposent d'une partie de leurs maisons en louant des chambres garnies, et les personnes qui font métier ou profession de loger des étrangers pour un temps plus ou moins long, dont les maisons sont publiques et ouvertes à tout venant, et qui, enfin, sont patentables à raison de la profession qu'elles exercent. La disposition de la loi ne s'applique qu'à ces dernières. Cette interprétation, qui résulte du texte même de l'art. 475, se fortifie par le rapprochement de cet article avec la législation précédente. En effet l'art. 5 de la loi du 19-22 juillet 1791 et le no 2 de l'art. 475 sont parfaitement identiques; or l'art. 5 de la loi de 1791 ne concernait que les loueurs de profession, et non les propriétaires qui auraient loué des chambres garnies, puisque la contravention à la disposition de cet art. 5, c'est-àdire l'omission de tenir le registre qu'il prescrivait ou d'y inscrire régulièrement, était punie, d'après l'art. 6, du quart de leur droit de patente 3.

2824. Cette doctrine a été consacrée par la jurisprudence. Un arrêt déclare : « que l'art. 475, n° 2, détermine les obliga

1 Cass., 14 déc. 1832, Devill. et Car., 33.1.197; J.P.33.3.418.

2 Cass., 29 avril 1831, J.P.23.1527; Dall., v° Commune, n. 1192-1o.

3 Cass., 3 nov. 1827, Devill. et Car., 8.691, J.P.21.832.

tions des aubergistes, hôteliers, logeurs ou loueurs de maisons garnies; que le règlement municipal de Lorient applique ces dispositions à tous traiteurs, aubergistes, cabaretiers, cafetiers et autres, et à tous ceux qui tiennent des chambres garnies et qui logent des étrangers; que le fait de tenir des chambres garnies peut appartenir à des individus qui n'exercent pas la profession d'aubergistes, hôteliers ou loueurs de maisons garnies, et qu'ainsi l'arrêté municipal a assimilé un fait purement accidentel à une profession habituelle et déterminée; qu'il a ajouté aux dispositions de la loi une disposition nouvelle qui dépassait la limite du pouvoir réglementaire conféré à l'autorité municipale; que le propriétaire qui loue des chambres garnies ou non garnies dans la maison qui lui appartient, ne fait en cela ni acte de commerce ni profession de logeur 1. » Cet arrêt a fondé la jurisprudence. Il faut décider également avec un autre arrêt: « que les sages-femmes ne peuvent être assimilées aux aubergistes, hôteliers, logeurs ou loueurs de maisons gar nies, ni être tenues des obligations imposées à ceux-ci par les lois et règlements qui les concernent; que la disposition de l'art. 475, n° 2, est limitative; qu'une pareille assimilation serait d'ailleurs contraire au vou de l'art. 378, qui soumet les sages-femmes à garder les secrets dont elles sont dépositaires à raison de leur profession; qu'il ne saurait appartenir à l'autorité administrative ni d'étendre au delà de ses termes le premier de ces articles, ni de soustraire à la prohibition portée par le second les personnes auxquelles cette prohibition s'adresse.» Cependant, en ce qui touche les propriétaires et locataires qui louent un garni, il y a lieu de distinguer s'ils font métier de louer et de sous-louer en garni; car la qualité de propriétaire ou de locataire d'un logement indépendant des chambres louées ne serait pas un obstacle à l'exercice de la

1 Cass., 1er août 1845, Bull. n. 249; Devill. et Car., 45.1.838; J.P.45.2. 676; D.P.46.4.37; 24 janv. 1863, Bull. n. 32; 5 avril 1866, Bull. n. 93.

2 Cass., 20 déc. 1849, Bull. n. 348; 3 juin 1853, Bull. n. 202; 13 août 1853, Bull. n. 407; 9 sept. 1853, Bull. n. 459; 4 juin 1858, Bull. n. 166; Devill. et Car., 58.1.630; J.P.59.332; D.P.58.5.229; 30 nov. 1861, Bull. n. 263; Devill. et Car., 62.1.335; J.P.62.944; D.P.61.5.291.

5 Cass., 12 sept. 1846, Bull. n. 249; J.P.49.1.359; D.P.46.4.38.

profession de logeur; il faut donc apprécier si la location est un fait accidentel de la position du loneur, ou un fait habituel d'une profession incessamment exercée '.

2825. Trois obligations distinctes l'une de l'autre sont imposées aux logeurs: 1° la tenue d'un registre; 2° l'inscription sur ce registre des noms et domicile de toute personne qui a couché ou passé une nuit dans leurs maisons; 3° la représentation de ce registre aux époques qui sont déterminées par l'autorité municipale. L'infraction à chacune de ces trois prescriptions suffit pour motiver l'application de la peine.

L'inscription du nom patronymique suffit-elle ou l'aubergiste doit-il y ajouter les prénoms du voyageur? La loi n'exige que l'inscription des noms, et, dès lors, l'obligation du logeur est remplie par cette seule inscription. Mais si des arrêtés spéciaux prescrivent l'énonciation des prénoms comme mesure de précaution et de sûreté, ces arrêtés doivent recevoir leur exécution. C'est ce qui a été décidé par un arrêt qui porte « que si l'art. 475, no 2, n'exige l'inscription sur le registre des aubergistes et logeurs, que des noms, qualité et domicile habituel des personnes ayant couché chez eux, sans parler des prénoms, et si, par suite, il peut suffire aux aubergistes et logeurs, d'inscrire les noms patronymiques pour échapper à la pénalité dudit art. 475, il ne s'ensuit pas que l'autorité administrative ne puisse, dans un intérêt de sûreté générale, exiger, par voie réglementaire, que les aubergistes et logeurs inscrivent sur leur registre, en même temps que les noms des voyageurs, leurs prénoms, qui, complétant la désignation nominale, servent à établir avec plus de précision leur individualité 2. »

2826. L'obligation de l'inscription existe à l'égard de toute personne qui a couché ou passé une nuit dans la maison. Cette expression indéfinie comprend non-seulement les étrangers, mais encore les personnes qui ont leur domicile habituel dans le lieu même où est située l'auberge ou la maison

Cass., 2 oct. 1851, Bull. n. 418; 11 fév. 1860, Bull. n. 37; 1er déc. 1866, Bull. n. 252; Devill. et Car., 67.1.93; J.P.67.187; D.P.67.1.142.

Cass., 28 déc. 1866, Bull. n. 277; Devill. et Car., 67.1.191; J.P.67.430.

garnie qu'elles ont momentanément habitée. La loi ne fait à cet égard aucune exception '.

L'omission de ces obligations n'est point, en général, excusable. Ainsi, lorsqu'il est constaté que deux voyageurs ont passé la nuit dans une auberge, l'aubergiste qui ne les a pas inscrits ne peut être excusé parce qu'ils devaient revenir chercher leurs effets qu'ils avaient laissés au départ. L'obligation de l'inscription comprend les personnes qui résident dans la ville aussi bien que les étrangers"; mais elle ne s'applique pas aux personnes qui logent dans la maison à titre de préposés ou de domestiques. Il a été admis que l'autorité administrative ou municipale peut, par des arrêtés, assurer l'exécution de cette obligation; elle peut prescrire aux aubergistes de représenter tous les quinze jours à la mairie les registres qu'ils doivent tenir ; elle peut les obliger à exiger des voyageurs l'exhibition de leurs passe-ports'. Mais elle ne peut les astreindre à inscrire les prénoms avec les noms de ceux-ci, puisque la loi n'exige que l'inscription des noms, qualité et domicile. Elle peut aussi leur défendre de loger des femmes connues pour se livrer à la prostitution'.

§ III.

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Obligations des conducteurs de voitures et bêtes de charge.

2827.3° Les rouliers, charretiers, conducteurs de voitures quelconques ou de bêtes de charge, qui auraient contrevenu aux règlements par lesquels ils sont obligés de se tenir constamment à portée de leurs chevaux, bêtes de trait ou de

Cass., 28 mai 1825, Devill. et Car., 8.127; J.P.19.529.

2 Cass., 12 janv. 1850, Bull. n. 14.

3 Cass., 5 août 1853, Bull. n. 386 et 389.

Cass., 19 mai 1860, Bull. n. 127; Devill. et Car., 60.1.826; J.P.60. 1097; D P.60.5.223.

5 Cass., 7 fév. 1856, Bull. n. 52.

6 Cass., 15 mai 1856, Bull. n. 180.

Cass., 8 mai 1858, Bull. n. 151.

8 Cass., 27 août 1852, Bull. n. 303; Devill, et Car., 53.1.320; J.P.53.2. 196; D.P.53.5.40.

9 Cass., 18 juill. 1857, Bull. n. 280; Devill. et Car., 58.1.90; J.P.58.519.

TOME VI.

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