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cette qualification? La peine de la complicité ne peut, en droit, s'appliquer qu'à ceux qui ont donné aide et assistance aux auteurs du fait. Voilà la circonstance matérielle qu'il faut établir 'avant d'arriver à l'application de la peine; si elle n'est pas constatée, le lien de la complicité n'existe pas, les peines de la contravention n'atteindront pas les spectateurs silencieux du désordre. Ainsi ceux qui ont procuré les instruments, ceux qui ont hautement encouragé les auteurs du tapage, qui les ont fortifiés non-seulement par leur présence, mais par des actes d'approbation et par leur appui, ceux-là sont assurément des complices dans le sens de l'art. 479, n° 8; mais la seule circonstance d'avoir fait partie du rassemblement et d'avoir été spectateur du trouble n'entraîne évidemment aucune présomption de cette complicité.

La Cour de cassation a persisté dans sa jurisprudence et déclaré de nouveau «<que par cette expression complices on doit entendre non-seulement ceux qui prennent une part active aux bruits et tapages, mais encore tous ceux qui, par leur présence ou par leur fait, ont favorisé ou facilité la perpétration de la contravention . » Elle a, par conséquent, appliqué le paragraphe 8 aux habitants d'une maison qui ont laissé un charivari s'exécuter sans s'y opposer 2; au propriétaire d'un parc dans lequel un tiers a sonné du cor pendant la nuit 3; au cabaretier qui a laissé se perpétrer la contravention dans son établissement ".

La peine d'emprisonnement peut être prononcée pendant cinq jours au plus, aux termes de l'art. 480, contre les auteurs ou complices de bruits ou tapages injurieux ou nocturnes; et, dans ce cas, le tribunal ne peut se dispenser de prononcer l'amende avec l'emprisonnement : l'amende est la peine principale, l'emprisonnement n'en est que l'accessoire 5.

1 Cass., 8 nov. 1855, Bull. n. 349; D.P.55.5.432.

2 Même arrêt.

3 Cass., 24 déc. 1858, Bull. n. 322.

4 Cass., 25 juin 1858, Bull. n. 183.

5 Cass., 29 déc. 1815, Devill. et Car., 5.130; Bull. n. 60; 14 mai 1831,

n. 110.

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2870. «9° Ceux qui auront méchamment enlevé ou déchiré les affiches apposées par ordre de l'administration. »

Ce paragraphe a été ajouté au Code pénal par la loi du 28 avril 1832. Il importe de bien constater les motifs qui l'ont fait établir.

Ce fut par voie d'amendement qu'il fut introduit. « Dans beaucoup de contrées, dit le député qui le proposa, des ennemis du gouvernement actuel s'empressent d'enlever ou de déchirer, dans la nuit, les affiches apposées par ordre de l'autorité; il en résulte que beaucoup de citoyens n'ont pas connaissance des actes qu'ils auraient cependant un grand intérêt à connaître. C'est ainsi, par exemple, que, dans un certain pays de l'Ouest, les réfractaires d'Auray n'ont point connu l'amnistie publiée en leur faveur. Ce manége peut avoir des suites tellement graves, qu'il est impossible de le laisser impuni. Qu'arrive-t-il? c'est que les tribunaux, qui ne trouvent pas dans la loi un texte bien précis, ont souvent appliqué une disposition étrangère à ce fait; ils ont cru devoir puiser une base à leurs jugements dans le premier paragraphe de l'art. 479.- Je propose une disposition nouvelle à ajouter à l'art. 479, contre ceux qui ont enlevé ou déchiré les affiches apposées par ordre de l'administration. » On objecta à cette proposition qu'il fallait prendre garde, en voulant venir au secours de l'autorité dans quelques contrées, d'ouvrir une source d'abus pour les autres; que le plus souvent les lacérations d'affiches ne sont commises que par des malheureux, qui arrachent sur les murs des affiches à moitié décollées, pour les vendre comme de vieux papiers; que ces affiches ne sont la plupart du temps que des placards insignifiants, et qu'il serait trop rigoureux de poser une disposition générale. L'auteur de la proposition répliqua que les tribunaux seraient toujours juges de l'intention, et que, si l'on y voyait quelque difficulté, il demandait à ajouter dans l'article le mot méchamment. L'amendement ainsi sous-amendé fut adopté.

Il résulte de cette discussion que l'origine de la disposition

a été toute politique, et qu'elle a été spécialement destinée à protéger les actes de l'autorité publique. Au reste, les éléments de la contravention sont clairement énoncés; la lacération des affiches n'est que l'un de ces éléments. Cette lacération peut être totale ou partielle; elle n'est passible d'aucune peine, si elle n'est pas accompagnée des deux autres conditions prescrites par la loi. Ces conditions sont : 1° que les affiches aient été lacérées méchamment; 2° qu'elles aient été apposées par ordre de l'administration.

2871. Que faut-il entendre par le mot méchamment ? Cette expression ne doit s'entendre que de la volonté d'empêcher le public de connaître le contenu des affiches; c'est, en effet, en matière de lacération d'affiches, la seule intention méchante qui puisse se présenter. La Cour de cassation a confirmé cette interprétation, en décidant : « que l'art. 479, no 9, dans son esprit comme dans son sens légal, ne prévoit et n'a voulu prévoir que le fait d'avoir réellement, avec l'intention d'empêcher que le public ne pût en connaître le contenu, enlevé, rompu et mis en pièces les affiches apposées par ordre de l'administration ; que, dans l'espèce, il avait été reconnu et déclaré, par le jugement attaqué, que l'affiche n'avait été que détachée, et que deux minutes s'étaient à peine écoulées lorsque, sur l'invitation du prévenu, elle fut replacée au même endroit; d'où il suit qu'en décidant que le fait ainsi caractérisé ne constitue pas la contravention punie par l'art. 479, le jugement n'a fait que s'y conformer 1. » Il appartient, au surplus, dans tous les cas, au juge de police de décider souverainement que l'affiche a été enlevée par inadvertance ou par légèreté, et non méchamment et avec une intention malveillante '.

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2872. «< 10° Ceux qui mèneront sur le terrain d'autrui des bestiaux de quelque nature qu'ils soient, et notamment dans

1 Cass., 6 oct. 1832, Devill. et Car., 33.1.223; Journ. du dr. crim., t. 4,

p. 355; Dall., v° Affiche, n. 142.

2 Cass., 14 juill. 1838, Bull. n. 220; 9 fév. 1856, Bull. n. 61.

les prairies artificielles, dans les plants de câpriers, dans ceux d'oliviers, de mûriers, de grenadiers, d'orangers et d'arbres du même genre; dans tous les plants ou pépinières d'arbres fruitiers ou autres, faits de main d'homme. »>

Cette disposition, qui est la reproduction textuelle de l'article 24 du titre 2 de la loi des 28 septembre-6 octobre 1791, a été ajoutée à l'art. 479 par la loi du 28 avril 1832. La raison de cette addition a été que cette contravention rurale était punie par la loi de 1791 d'une amende égale à la valeur du dédommagement; la juridiction correctionnelle pouvait seule en connaître; en la restituant aux tribunaux de police, le législateur en a facilité la répression.

La loi ne punit dans ce paragraphe que ceux qui mèneront leurs bestiaux; d'où il suit que, si l'introduction a eu lieu par échappées, cette disposition cesse d'être applicable; les articles 26 et 38 de la loi des 28 septembre-6 octobre 1791 conservent pour ce cas leur autorité. Il faut, ensuite, que les bestiaux aient été conduits sur le terrain d'autrui, c'est-à-dire sur un terrain dont le propriétaire des bestiaux n'a ni la propriété ni la jouissance. L'énumération que fait le paragraphe de diverses espèces de terrains n'est que démonstrative; tous les terrains autres que ceux qui sont chargés de récoltes sont compris dans cette expression.

2873. Il importe peu, au surplus, que les bestiaux introduits sur le terrain d'autrui y aient causé des dégâts; la contravention subsiste indépendamment du dommage. En effet, tout délit peut donner lieu à une action publique et à une action civile. L'action civile puise son fondement dans le dommage dont elle a pour but de demander la réparation; mais l'action publique est indépendante de ce dommage; elle se fonde sur une infraction qui est liée à l'ordre public, et dont elle demande la répression. Cette règle ne reçoit aucune exception en matière de contraventions rurales. L'art. 24 du tit. 2 de la loi des 28 septembre-6 octobre 1791 punissait, à la vérité, le délit de conduite de bestiaux sur le terrain d'autrui d'une amende égale à la valeur du dédommagement; d'où il suivait qu'il n'y avait pas de peine et, par conséquent, pas de délit, quand il n'y avait pas de dommage. Mais le Code pénal n'a pas repro

duit cette espèce de pénalité conditionnelle; sa disposition ne distingue point si des dégâts ont été commis, et n'exige point ces dégâts : elle doit donc être appliquée dans tous les

cas.

2874. Il faut continuer de distinguer le fait de garde à vue de bestiaux dans des pièces de terre chargées de récoltes appartenant à autrui, fait prévu par l'art. 26 de la loi du 28 septembre-6 octobre 1791, et le fait de mener des bestiaux sur le terrain d'autrui dans des prairies artificielles, fait prévu par le n° 10 de l'art. 479, « parce que la garde de vue de bestiaux dans des récoltes a un caractère de permanence et de gravité, tant sous le point de vue de l'intention du délinquant que par rapport à l'importance du dommage, et qu'on ne peut le considérer comme ne constituant que la simple contravention qu'a eue en vue l'art. 479, qui ne s'applique qu'à des bestiaux qu'on fait passer dans des récoltes 1. » Il faut distinguer également l'abandon de bestiaux sur le terrain d'autrui, qui est prévu par les art. 3, 4 et 12, titre 2 de la loi du 28 septembre-6 octobre 1791, avec le fait prévu par le n° 10. La jurisprudence a appliqué ce paragraphe : — au fait de faire paître des bêtes à laine dans une propriété de nature de vigne, lande et champ en jachères, complantée de mûriers et de plants de jeunes. vignons'; - à la conduite d'une troupeau dans une propriété. d'autrui non dépouillée de ses récoltes et complantée d'arbres fruitiers *; 4 -au fait de garder une vache, en la tenant par la corde, sur un terrain herbé appartenant à autrui5; - au fait d'avoir mené un troupeau de bêtes à laine sur une lande. appartenant à autruio; - à l'introduction dans un jardin. planté d'une vache et d'un âne. Il faut, au surplus, pour constituer la contravention, que le délinquant n'ait aucun droit de mener ses bestiaux ; si donc il exerce le droit de vaine

1 Cass., 10 sept. 1847, Bull. n. 214; 26 mai 1859, Bull. n. 438.

2 Cass., 26 août 1852, Bull. n. 298; 24 janv. 1852, Bull. n. 36. 3 Cass., 9 fév. 1856, Bull. n. 59.

4 Cass., 26 nov. 1858, Bull. n. 290.

5 Cass., 12 mars 1858, Bull. n. 92.

6 Cass., 29 août 1861, Bull, n, 201.

7 Cass., 3 sept, 1842, Bull. n. 231; Dall., vo Contrav., n. 502-3°.

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