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se retrouver entre le débit et l'introduction; c'est la conséquence directe de la règle légale.

2505. Il nous reste, pour terminer la matière des contrefaçons, à parler de la représentation des ouvrages dramatiques.

L'auteur d'un ouvrage dramatique réunit deux droits; celui de publication et celui de représentation. Lorsque son ouvrage est publié par voie d'impression ou de gravure, il est protégé contre la contrefaçon par les dispositions de l'art. 425; l'objet spécial de l'art. 428 est de le protéger contre les représentations illicites.

Cet article est ainsi conçu : « Tout directeur, tout entrepreneur de spectacles, toute association d'artistes qui aura fait représenter sur son théâtre des ouvrages dramatiques au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, sera puni d'une amende de cinquante francs au moins, de cinq cents francs au plus, et de la confiscation des recettes. >>

Remarquons, d'abord, que la loi ne veut atteindre que les directeurs et entrepreneurs de spectacles, ou, à défaut de directeurs et d'entrepreneurs, les associations d'artistes. Ceux-là seuls sont frappés de la prohibition de représenter des ouvrages dramatiques sans l'assentiment des auteurs, parce que seuls ils lèsent, par leurs représentations publiques et par leur exploitation, les droits de ces auteurs. Toutes autres personnes peuvent donc représenter les ouvrages dramatiques d'autrui, si les représentations ont lieu sur des théâtres de société où le public n'est point admis, et si aucun prix n'est exigé des spectateurs1.

Néanmoins, l'application de cet article a donné lieu à quelques difficultés. Il a d'abord été reconnu qu'il ne saurait atteindre le cafetier qui, sollicité par des musiciens ambulants de les laisser exécuter quelques compositions musicales sur la porte et en dehors de son établissement, les y a autorisés sans

1 V. dans des hypothèses diverses, l'application de cette règle : Cass., 16 déc. 1854, Bull. n. 348; D.P.55.1.45; 19 mai 1859, Bull. n. 133; Devill.60.1.88; Pal. 59,1063; D.P.59.1.430; 11 mai 1860, Bull. n. 124; Devill.61.1.295; Pal.60.1167; D.P.60.1.293.

exiger ni recevoir aucune rétribution '; mais si le cafetier met son établissement à la disposition des artistes, s'il les autorise à y donner un concert dont il a connu d'avance la composition, il devient responsable vis-à-vis des auteurs des morceaux exécutés dont le consentement n'avait pas été obtenu. L'arrêt qui consacre cette application de la loi déclare : « que les mots entrepreneurs de spectacles, dans le sens de l'art. 428, ne doivent pas être limités aux industriels qui font de l'exploitation d'une entreprise théâtrale leur profession spéciale, mais qu'ils s'appliquent également à ceux qui, accidentellement ou d'une manière plus ou moins permanente, entreprennent de faire jouir le public de la vue ou de l'audition d'œuvres dramatiques ou musicales 2. » Toutefois cette jurisprudence ne s'applique qu'aux représentations ou exécutions qui ont le caractère de la publicité ainsi, les concerts donnés chez les particuliers, ceux mêmes qui sont donnés par une société philharmonique, lorsque l'admission y est gratuite, et qu'aucune spéculation ne s'y attache, ne rentrent nullement dans les termes de la loi 3.

2506. La représentation n'est prohibée même à une association d'artistes que lorsqu'elle a lieu au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs. Nous devons rappeler ces lois et ces règlements.

Les art. 2 et 3 de la loi des 13 et 19 janvier 1791 portent que les ouvrages des auteurs morts depuis cinq ans et plus sont une propriété publique, et peuvent être représentés sur tous les théâtres indistinctement, et que les ouvrages des auteurs vivants ne pourront être représentés sur aucun théâtre public, dans toute l'étendue de la France, sans le consentement formel et par écrit des auteurs, sous peine de confiscation du produit total des représentations au profit de ces auteurs. La loi du 19 juillet-6 août 1791 répète cette dernière disposition en l'appliquant à tous les ouvrages, même à ceux qui étaient représentés avant cette époque, soit qu'ils fussent ou non gravés ou

1 Cass., 16 janv. 1863, Bull. n. 22; D.P.63.1.108.

2 Cass., 22 janv. 1869, Bull. n. 23; Dev.70.1.45; Pal.70.72; D.P.69.1.384. 3 Cass., 7 août 1863, Bull. n. 217; Dev.64.1.151; Pal.64,629; D.P.63.1.484.

imprimés. La loi du 30 août 1792 essaya de modifier ces règles; l'impression de la pièce limitait le droit exclusif de représentation au profit de l'auteur à dix années; après ces dix ans, elle pouvait être jouée sans aucune rétribution sur tous les théâtres; mais cette loi fut abrogée par la loi du 1er septembre 1793, et les lois des 13 janvier-19 juillet 1791 et 1924 juillet 1793 restèrent seules applicables à la propriété des ouvrages dramatiques. Il résulte de ces lois que le droit exclusif de représentation est restreint à cinq ans après la mort de l'auteur. Tel est en effet le terme fixé par la loi du 13 janvier 1791, spéciale pour les ouvrages dramatiques. La loi du 19 juillet 1793 n'a point dérogé à cette disposition exceptionnelle, puisque cette loi ne s'applique qu'aux écrits ou productions imprimés ou gravés, et ne s'étend nullement aux représentations théâtrales. On avait pensé que les art. 30 et 40 du décret du 5 février 1810 avaient apporté à cet égard quelques innovations; mais l'avis du Conseil d'Etat du 20 août 1811 a positivement reconnu que ce décret n'avait rien innové quant aux droits des auteurs dramatiques, et que ces droits devaient être réglés conformément aux lois antérieures. Ainsi les ouvrages dramatiques peuvent être représentés cinq ans après la mort de l'auteur; mais ils ne peuvent être imprimés ou gravés qu'après les délais fixés par la loi du 19 juillet 1793 et le décret du 5 février 1810. Cette législation a été modifiée par la loi du 3 août 1844 et la loi du 8 avril 1854, qui ont été rapportées suprà, no 2476. Il résulte de ces lois nouvelles que le droit de représentation, comme tous les autres droits des auteurs, est garanti pendant trente ans, à partir du décès de l'auteur ou de sa veuve, aux enfants.

2507. Nous terminons ici notre examen de cette matière. Les contrefaçons ont en général un caractère complexe; elles soulèvent à la fois une question de vol et une question de propriété. Nous avons dû, pour nous renfermer dans notre sujet, nous attacher à déterminer les éléments du délit, et dégager, autant que cela était possible, ces éléments de toutes les diffi

1 V. dans ce sens MM. Renouard, Traité des droits d'auteur, t. 2, p. 238; Gastambide, Traité des contrefaçons, n. 220; Etienne Blanc, p. 498. 4

TOME VI.

cultés inhérentes aux droits des auteurs. De là l'omission volontaire que nous avons faite de quelques questions importantes dont la solution ne concerne que le droit civil: ces questions ne pouvaient exercer aucune influence sur les règles constitutives du délit; elles étaient donc étrangères à notre sujet.

CHAPITRE LXXXIV,

DÉLITS DES FOURNISSEURS DE L'ÉTAT.

(Commentaire des art. 430, 431, 432 et 433 du Code pénal.)

2508. Objet des art. 430, 431, 432 et 433. Délibération relative à leur rédaction.

2509. Ils s'appliquent aux fournisseurs des armées de terre et de mer, en temps de paix comme en temps de guerre.

2510. La dénonciation ne peut être portée que par le gouvernement ; ce qu'il faut entendre par cette expression.

2511. Éléments du crime : à quels agents s'applique l'expression de fournis

seurs.

2512. Il faut que le fournisseur ait volontairement fait manquer le service. 2513. Fonctionnaires complices des fournisseurs.

2514. Retards dans le service et inexécution du marché, relativement à la qualité et à la quantité des marchandises.

2515. Quelle est l'autorité qui doit constater l'inexécution?

2508. Les dispositions du Code relatives aux délits des fournisseurs ont donné lieu, lors de sa rédaction, à de longues discussions dans le sein du Conseil d'Etat.

Le projet du Code comprenait dans son incrimination nonseulement les fournisseurs de l'Etat, mais ceux des administrations départementales, communales ou municipales, et des établissements publics; et les faits incriminés étaient : 1° l'inexécution des livraisons ou des travaux auxquels ils s'étaient obligés; 2° la tromperie sur la nature, la qualité ou quantité des travaux ou main-d'œuvre des choses fournies, si ces vices étaient tels, que ces choses ne fussent pas recevables dans le commerce ordinaire.

Lorsque cette disposition fut soumise au conseil d'État,

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