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2481. Aux compilations, aux articles, aux titres des ouvrages.

2482. Droits des évêques sur les livres d'église publiés dans leurs diocèses. 2483. Quel est leur droit sur les livres d'église qu'ils n'ont pas composés, mais dont ils ont la surveillance.

2484. Droits des orateurs et des professeurs sur leurs discours.

2485. Distinction entre la reproduction des discours et le droit d'en publier la

collection,

2486. Même distinction à l'égard des leçons d'un professeur.

2487. Application aux compositions artistiques.

2488. Le fait de traduire une œuvre d'art en employant les procédés d'un art différent est-il une contrefaçon ?

2489. Le délit cesse-t-il si l'œuvre imitée n'a pas la même destination que l'œuvre originale ?

2490. La contrefaçon est-elle permise, si l'œuvre originale n'est que la reproduction d'un type commun?

2491. Est-elle permise si le mode d'exploitation diffère essentiellement ? 2492. De l'appréciation des droits des auteurs par les juges du fait. 2493. Le droit de plainte est-il subordonné à la formalité du dépôt ?

2494. Quelles sont les formes du dépôt ?

2495. Le dépôt prescrit par la loi du 19 juillet 1793 est-il indépendant du dépôt ordonné par les lois postérieures ?

2496. A quels ouvrages il s'applique.

2497. Nécessité d'un préjudice matériel appréciable pour constituer le délit.

2498. Nécessité d'une intention frauduleuse.

2499. La bonne foi fait disparaître le délit, mais laisse subsister les dommages

intérêts.

2500. Pénalités applicables au délit.

2501. Du débit d'ouvrages contrefaits.

2502. L'exposition en vente assimilée à la vente.

2503. Il faut que le débit ait été opéré avec connaissance.

2504. De l'introduction en France d'ouvrages contrefaits à l'étranger.

2505. De la représentation des ouvrages dramatiques.

2506. Droits des auteurs dramatiques de s'opposer à la représentation de leurs

œuvres.

2507. Renvoi de quelques questions mixtes.

2461. La contrefaçon est une atteinte portée aux droits de l'auteur sur son invention, de l'écrivain sur son écrit, du peintre, du sculpteur, du dessinateur sur ses tableaux, ses statues, ses dessins, du musicien sur sa composition musicale. Ce délit est donc complexe; il suppose l'existence des droits de l'auteur sur son œuvre, et le fait de la violation de ces droits.

Les règles qui déterminent les droits des auteurs, leur étendue et leurs limites appartiennent à la loi civile, et leur examen est étranger à notre livre. Nous nous bornerons à les indiquer.

La loi pénale a formulé la sanction des droits que la loi civile avait établis; notre tâche spéciale est d'examiner les éléments du délit qu'elle a prévu, et les conditions qu'elle a mises à sa répression.

Nous devons toutefois remarquer que nous ne nous occuperons ici du délit de contrefaçon que dans son application aux œuvres littéraires et artistiques : la contrefaçon des inventions ou des produits industriels, prévus par les lois de 7 janvier 1791 et 5 juillet 1844, sur les brevets d'invention, est étrangère au Code pénal, et constitue une matière spéciale, soumise à des règles particulières, que nous ne pourrions examiner sans introduire dans notre livre un livre nouveau.

2462. L'art. 425 a défini la contrefaçon en ces termes : << toute édition d'écrits, de composition musicale, de dessin, de peinture ou de toute autre production, imprimée ou gravée en entier ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon, et toute contrefaçon est un délit. »

Cette disposition indique et constate, quoique avec trop peu de précision, les caractères essentiels du délit de contrefaçon : la reproduction entière ou partielle d'une œuvre littéraire, scientifique ou artistique; le préjudice causé à l'auteur de cette œuvre par l'atteinte portée à ses droits; enfin la fraude dont cette reproduction doit être accompagnée, puisque la contrefaçon est un délit.

Nous allons développer successivement chacun de ces trois éléments du délit, et nous résumerons en même temps les principales difficultés que leur application peut soulever.

2463. Le premier est la reproduction de l'œuvre. L'art. 425 ne fait résulter, en effet, la contrefaçon que d'une édition d'écrits, de composition musicale, de dessin, de peinture ou de toute autre production, imprimée ou gravée au mépris des droits des auteurs. L'art. 1o de la loi du 19 juillet 1793 n'accorde aux auteurs que le droit de vendre, faire vendre ou dis

tribuer leurs ouvrages; l'art. 3 de la même loi n'autorise que la saisie des éditions imprimées ou gravées sans leur permission. Ces expressions sont répétées dans le décret du 5 février 1810.

Ainsi ce n'est pas la reproduction de la pensée que la loi incrimine; c'est la reproduction de l'ouvrage, quand cet ouvrage a revêtu la pensée d'une forme matérielle; c'est cette forme qui est l'objet de la protection légale, parce qu'elle est saisissable et qu'elle peut être l'objet d'une propriété; c'est l'ouvrage, l'édition imprimée ou gravée, parce que cet ouvrage ou cette édition font seuls partie des choses commerciales.

En effet, la pensée, dès qu'elle est publiée, se dégage du domaine de son auteur pour passer dans le domaine public; elle pénètre dans les esprits, elle s'y attache par la méditation, elle devient leur pensée propre. C'est une sorte de conquête pour la science ou pour l'art auquel elle appartient et dont il dispose librement. Et puis est-il une pensée qui appartienne exclusivement à son auteur? une création dont on ne puisse établir la génération? Suivant une expression souvent répétée, le génie est comme la terre qui ne produit rien sans en avoir reçu la semence; les idées s'enchaînent et naissent les unes des autres; l'homme ne fait que vivifier ou appliquer des idées qui lui ont été transmises par les siècles, et qui sont la richesse commune des hommes. Ses pensées ne lui appartiennent pas tout entières ; il en a reçu le germe de la société ; en les publiant il ne fait que les lui rendre.

Ce qui appartient à l'auteur, ce qu'il peut revendiquer, c'est la forme qu'il donne à sa pensée, c'est l'ouvrage qu'il a écrit, qu'il a peint, qu'il a sculpté pour la manifester. Il ne s'agit plus ici d'une création immatérielle et insaisissable, mais d'une œuvre sensible et corporelle. Elle est sa propriété exclusive, car seul il l'a créée; la loi doit donc lui assurer tous les fruits qu'elle peut produire.

La contrefaçon ne peut donc avoir pour objet que l'ouvrage lui-même, c'est-à-dire le mode d'expression donné à la pensée; le sujet appartient à tous, la manière dont il est traité n'appartient qu'à l'auteur. Chacun est libre d'entreprendre sur la même matière une œuvre semblable; nul ne peut reproduire

les formes et la disposition d'une œuvre déjà faite. La reproduction consiste donc, en général, dans le fait de fabriquer, en le copiant, une édition nouvelle et frauduleuse d'un ouvrage appartenant à autrui. La loi s'est servie du mot édition parce que son but a été de garantir les droits de l'auteur d'une désastreuse concurrence, parce que cette concurrence ne peut s'élever que d'une édition fabriquée pour être opposée à la sienne. Mais nous verrons plus loin que cette expression est plutôt démonstrative que restrictive, et que, dès que le préjudice est constaté, la condition d'une édition contrefaite n'est pas essentielle à l'existence du délit. Ce que la loi a exigé pour constater ce délit, c'est une reproduction matérielle, identique, préjudiciable, et pouvant élever une concurrence à l'œuvre originale.

2464. Il faut toutefois prendre garde, d'une part, qu'il n'est pas nécessaire qu'une identité parfaite existe entre l'œuvre originale et l'œuvre contrefaite, et qu'une méprise soit possible entre ces deux œuvres; et, d'une autre part, que la reproduction diffère essentiellement soit de la simple imitation, soit même du plagiat.

Les dissemblances, quelles qu'elles soient, qui peuvent exister entre les deux ouvrages, n'empêchent pas qu'il puisse y avoir contrefaçon. Qu'importe, en effet, que le livre contrefait ne soit pas publié avec le même format que le livre original? Qu'importe que le nom de l'auteur soit dissimulé? que le tableau ou la statue soit d'une dimension différente? Il suffit que la reproduction soit une copie plus ou moins exacte de l'œuvre, qu'elle la représente avec ses formes principales, qu'elle ait pour effet de porter préjudice à l'auteur. On conçoit, d'ailleurs, que les dispositions de la loi seraient complétement illusoires, si quelques dissemblances suffisaient pour affranchir le contrefacteur des peines légales; la contrefaçon ne manquerait pas d'affecter ces dissemblances, et toute répression deviendrait impossible.

Cette règle a été appliquée dans un arrêt de rejet qui s'est fondé sur ce «< qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le titre donné par Villedeuil à l'ouvrage qu'il a publié en 1852 sous le titre de Légende d'Alexandre le Grand au XIIe siècle, est de nature,

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par sa ressemblance avec le titre de l'ouvrage publié et déposéantérieurement par Eugène Talbot, à induire le public en erreur, en établissant une confusion entre les deux ouvrages; que l'arrêt ajoute que Villedeuil a pris à Eugène Talbot l'idée première de la conception de son œuvre; qu'il en a suivi, dans l'exécution, le plan, la distribution, les détails, l'ensemble; qu'il a reproduit l'enchaînement des idées, copié presque textuellement des phrases entières, emprunté les recherches et les citations; qu'enfin dans son entier, la légende de Villedeuil n'est qu'une reproduction plus ou moins complète de la légende de Talbot; qu'en déclarant que les faits ainsi constatés présentaient les caractères du délit de contrefaçon littéraire, ledit arrêt a fait une juste application de la loi 1».

2465. Cependant la Cour de cassation paraît s'être écartée de cette doctrine, dans une espèce où l'auteur d'un Traité de pharmacie était prévenu d'avoir emprunté un certain nombre de formules au Codex medicamentarius. La Cour de Paris avait décidé que, ces citations ne formant pas un corps de formules semblables à celles du Codex, toute méprise était impossible entre ces deux ouvrages, et qu'il n'existait d'ailleurs aucune ressemblance sous le rapport du plan, du style, de la distribution des matières et de l'objet de l'ouvragé. Cet arrêt a été attaqué par un pourvoi fondé sur ce que les différences. qui existaient entre les deux livres n'étaient pas un obstacle à la contrefaçon. Mais la Cour de cassation l'a confirmé : « attendu qu'il a été reconnu par l'arrêt attaqué que l'ouvrage argué de contrefaçon était différent par son titre, son format, sa composition et son objet, du Codex medicamentarius; que l'édition de cet ouvrage, quoique postérieure à la publication du Codex, est semblable, par son plan et ses divisions, à la première qui avait été publiée antérieurement; qu'il a été déclaré dans cet arrêt que si l'on trouve dans cette seconde édition les formules indiquées comme faisant partie du Codex medicamentarius, ces citations sont isolées et perdues dans l'ouvrage, qu'elles ne forment pas un corps de formules sem

1 Cass., 26 nov. 1853, Bull. n, 562.

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