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dans l'esprit de nos institutions et qui ne blesse pas le grand principe de l'égalité du citoyen et de l'impôt devant la loi.

Dans le premier cas, durée de service très longue, donnant droit à une retraite réglée par la loi ou à l'exercice de certains emplois réservés.

Dans le second cas, durée de service très courte, déterminée par l'effectif et le nombre des incorporations.

1846.

A QUOI MÈNE UNE ARMÉE TROP COUTEUSE.

14 novembre 1846.

Selon le Moniteur de l'Armée : « Il n'y a qu'à choisir entre » une armée forte, puissante, morale, capable de défendre » notre indépendance au dehors, l'ordre et la loi dans l'in>> térieur, et un effectif pour lequel une déclaration de » guerre de la couronne de Monaco serait un cas menaçant » et capable de porter la perturbation dans le cours des >> actions industrielles. La conscription nous donne cette >> armée puissante; l'engagement volontaire sans concur»rence ne suffirait pas à nous mettre sur le pied militaire » d'une de ces républiques d'Amérique du Sud qui font >> irruption dans un État voisin avec un corps expédition>> naire de trois cents hommes de toutes armes. >>

Comment un journal semi-officiel, qui s'appelle le Moniteur de l'Armée, peut-il traiter avec si peu de gravité une question si grave, qui intéresse à un si haut degré les finances, le crédit, la puissance et l'avenir du pays?

Est-ce que sérieusement l'on peut dire que la GrandeBretagne, par exemple, qui n'a qu'une armée soldée extrêmement faible et peu coûteuse, uniquement recrutée par des enrôlements volontaires à vie (1), est impuissante à dé

(1) L'armée anglaise a 2 régiments de gardes-du-corps, 1 régiment de gardes à cheval, 7 régiments de dragons de la garde, 16 régiments de

fendre son indépendance au dehors, l'ordre et la paix dans l'intérieur ? » Est-ce que cette armée ne lui suffit pas pour contenir l'Irlande opprimée, l'Irlande affamée, empêcher les ouvriers de ses innombrables fabriques, de ses gigantesques usines, de ses inépuisables mines, de s'insurger contre l'insuffisance des salaires aggravée par l'excès des heures de travail, et ses immenses meetings de dégénérer en redoutables émeutes? Est-ce que, par hasard, la couronne d'Angleterre et la couronne de Monaco occuperaient l'une et l'autre le même rang dans l'échelle des na

dragons, 7 bataillons de gardes à pied, 99 régiments de ligne, la brigade de tirailleurs, 3 corps de troupes des Indes-Occidentales, quelques autres corps coloniaux, le régiment royal d'artillerie, le corps royal des ingénieurs et le corps royal des mines. Pour tous ces corps de troupes, à l'exception des corps coloniaux, le recrutement s'opère dans la Grande-Bretagne; l'artillerie, la garde, les sapeurs, les mineurs et les marins ont un mode particulier de recrutement.

Il y a des districts, au nombre de dix: cinq en Angleterre, deux en Écosse et trois en Irlande, qui sont les quartiers généraux de recrutement. Un officier-inspecteur, un chirurgien-major, un adjudant, un payeur et un ou plusieurs officiers surintendants sont attachés à chacun de ces districts,

Quand un régiment a besoin de remplir son cadre, on envoie dans l'une de ces circonscriptions, sous les ordres d'un sergent (non commissionned officer), les soldats recruteurs jugés nécessaires. Ces recruteurs, suivant les circonstances, sont au nombre de deux, trois, quatre ou cinq, et ils appartiennent généralement au district de la contrée où on les envoie. Dans quelques districts, les recruteurs sont en plus grand nombre. A Glascow, qui est le quartier général de recrutement pour l'Écosse, ils sont, en moyenne, dix-sept; à Belfast, ils sont ordinairement sept, et dix-sept à dix-neuf à Dublin. Le recrutement exige de l'expérience, et le succès dépend en grande partie du choix des sous-officiers chargés de diriger ce service. Ils doivent l'exemple de la réussite aux recruteurs qu'ils ont sous leurs ordres. On cite un sergent appartenant au 26e régiment qui, en sept années de recrutement dans Glascow, avait enrôlé, de son propre fait, audelà de 700 recrues.

C'est une opinion assez accréditée que l'opération du recrutement s'exécute par surprise, par artifice et par d'autres pratiques semblables de la part du sergent et des hommes placés sous ses ordres. Saus contredit, c'était autrefois le moyen usité; aujourd'hui, on y a rarement recours. Les recrues ont largement le temps de réfléchir au parti qu'elles ont pris.

Si un homme est enrôlé au quartier général d'une sous-division, il est conduit devant l'officier surintendant, qui s'enquiert de son âge, de son état, s'il est ou non marié, et s'il a été enrôlé déjà. Une fois instruit de ces particularités, l'officier fait mesurer la recrue avec une rigoureuse exactitude. C'est là un point essentiel des fonctions de l'officier surintendant, qui doit déjouer les divers moyens dont on use pour se rapetisser ou se grandir. Les recrues qui ont la volonté d'être soldats adoptent différents stratagèmes pour atteindre à la taille requise, comme de fourrer quelque substance dans leurs cheveux, etc., et celles qui voudraient n'être pas

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tions dressée à l'usage du Moniteur de l'Armée ? Si l'Angleterre est si faible et si nous sommes si forts avec une prétendue armée de cinq cent mille hommes qui nous coûte plus d'un million par jour, plus de 365 millions par an, d'où vient donc que l'Angleterre se montre à notre égard si arrogante; d'où vient donc que nous n'oserions pas tolérer parmi nous le plus petit meeting?

Sans doute le Moniteur de l'Armée ne laissera pas sans réponse de si simples questions.

Quelle est l'une des principales causes à laquelle l'Angle

reçues se rapetissent et plient les jointures des genoux en portant la tête

en avant.

Mais toutes ces manoeuvres ne servent de rien; si la ruse n'est pas aperçue de l'officier, la recrue, assujétie à une épreuve plus sévère en passant à l'examen du chirurgien-major, ne saurait avoir que peu d'espérance d'en imposer. Devant ce chirurgien, les recrues, dans une nudité complète, sont examinées de la tête aux pieds; on les fait marcher dans cet état, et elles doivent tendre dans tous les sens les jointures et les mem

bres.

Une fois déclaré bon pour le service, l'homme enrôlé doit se présenter devant un juge de paix, par qui il est attesté (cette attestation a le caractère d'un témoignage authentique) que la recrue a été enrôlée par un acte de sa libre volonté. Dès cet instant, elle a droit à la paye de soldat, et après qu'elle a paru devant l'officier inspecteur, son admission est immédiatement prononcée.

Tels sont les degrés observés depuis le moment où les recrues reçoivent l'argent de leur enrôlement jusqu'à leur l'admission définitive.

Les commandants des corps qui ont besoin de recrues donnent presque toujours des instructions particulières au sergent envoyé au recrutement. Elles ont trait généralement à l'extérieur des hommes à enrôler, à leur taille, à leur agilité, etc. Quelques commandants sont allés dans leur zèle, non seulement pour la belle apparence de la troupe, mais pour sa moralité, jusqu'à indiquer la foi religieuse qu'ils préfèrent. D'autres ne veulent que des recrues sachant lire, écrire et compter.

Un trait exclusivement propre au recrutement de l'armée anglaise, c'est que l'enrôlement a lieu pour la vie.

Un moment, il a été question de substituer un service limité à l'enrôlement à vie. Sur quatorze officiers généraux appelés à donner leur opinion à cet égard, sept se sont prononcées pour le maintien du système existant, six pour son abolition, et un est resté dans le doute. La principale raison à l'appui de l'enrôlement à vie paraît être la grande dépense qui résulterait du renvoi des hommes, au terme du service, dans leurs foyers, du fond des stations si lointaines où le soldat anglais est susceptible d'être employé. Tous les ans, le Parlement vote un bill dont voici le préambule: "Attendu que la levée ou l'entretien d'une armée permanente dans le royaume-uni d'Angleterre et d'Irlande en temps de paix, excepté du consentement du Parlement, sont contraires à la loi; et attendu qu'il est jugé nécessaire par S. M. et le présent Parlement qu'un corps de troupes soit maintenu pour la sécurité du royaume, la défense des possessions de S. M., et le maintien de l'équilibre européen... »

terre et les États-Unis d'Amérique doivent l'immense développement de leur puissance navale? Est-ce à l'étendue de leurs côtes? Mais la France aussi a des côtes étendues. Est-ce à la supériorité de leurs ports? Mais la France, elle aussi, a d'excellents ports ouverts sur deux mers, sur l'Océan et la Méditerranée. Est-ce à leur génie industriel et commercial? Mais les rapides progrès qu'ont faits depuis vingt ans notre industrie et notre commerce prouvent que, si nous avions moins vainement sacrifié à la gloire depuis le règne du roi Louis XIV jusqu'à la chute de l'empereur Napoléon, aucune nation ne nous eût surpassés. La cause principale, la cause essentielle à laquelle l'Angleterre et les États-Unis d'Amérique doivent leur grandeur dans le monde est, il ne faut pas en douter, dans leur position topographique, qui leur a permis de consacrer au développement et à l'entretien de leurs forces navales la plus grande partie des ressources que les autres nations étaient et se croient encore obligées de consacrer à leur armée de terre.

Si l'Angleterre et les États-Unis avaient eu à solder chaque année un effectif aussi coûteux que le nôtre, leur marine, leur industrie, leur commerce eussent-ils pris le même essor? Nous le demandons au Moniteur de l'Armée lui-même si la négative n'est pas douteuse, qu'a donc à faire la France en vue de la seule rivalité qui la menace sérieusement dans le développement de sa puissance et dans le progrès de son industrie ? Ce qu'elle a à faire est tout simple, et ressort de la nature même des choses : il est évident que plus elle allégera le poids que fait peser sur elle l'exagération ou la mauvaise constitution de son armée, et plus il lui sera facile d'étendre sa marine, ses débouchés et ses échanges, trois choses inséparables.

Il faut décider : ou la déclaration du Moniteur de l'Armée est fondée ou elle ne l'est pas ; si elle est fondée, nul espoir ne nous reste de voir réduire la dépense de l'armée audessous du chiffre de 377 millions par an, chiffre exorbitant, chiffre écrasant, qui explique comment notre agriculture, notre industrie, notre commerce sont encore si arriérés,

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