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» exercés pour être en état de faire la guerre, on ruine ses » finances et on détruit les premiers éléments de la force. » C'est, en effet, ce qui a eu lieu. A cette cause surtout doivent être attribuées notre faiblesse relative, notre infériorité agricole, industrielle, commerciale et maritime. Il importe qu'on le sache bien.

Mais, dit-on, si la France s'impose la charge d'une armée si coûteuse, c'est moins en vue des dangers d'une guerre dont l'improbabilité n'est pas sérieusement contestée, qu'afin de mettre l'ordre à l'abri de toute tentative qui pourrait le troubler. Le maintien de l'ordre ne se paye jamais

trop cher.

Est-ce qu'en Angleterre et aux Etats-Unis, où les troupes soldées sont si loin d'imposer la même charge, l'ordre est ou moins utile ou plus facile à conserver ?

Croire qu'une armée nombreuse, qui se recrute en appelant sous les drapeaux et libérant du service chaque année 80,000 hommes, est une garantie d'ordre si solide qu'elle suffit à dispenser un gouvernement de vigilance, d'activité, d'habileté, de prévoyance, de patriotisme et de grandeur; c'est là une des plus dangereuses illusions dans lesquelles puisse tomber une société où la liberté de la presse existe, où la garde nationale a dans les mains un million de fusils. Que fait une pareille loi de recrutement, dont la base est une durée de service de sept années ? – Elle convertit en soldats, tous les sept ans, 560,000 recrues. Si l'on multiplie par 3 ce nombre de 560,000 recrues, on aura 1,680,000 citoyens agés de 41 ans ayant été instruits au maniement des armes, exercés à la défense et à l'attaque, accoutumés à braver le péril et la mort. Aguerrir ainsi l'ouvrier, sans distinction de celui qui est communiste et de celui qui ne l'est pas, sans rechercher les moyens de lui donner du pain le jour où une crise prolongée le priverait de travail, voilà ce que fait la loi de recrutement, dans laquelle notre gouvernement puise la confiance qui le rend si dédaigneux de toute initiative et de tout progrès.

Où il voit un motif de sécurité, un droit de s'endormir, se découvre un motif de crainte, un devoir de veiller, un devoir de ne rien négliger qui ait pour effet de donner aux classes laborieuses la conviction profonde qu'elles sont le constant objet de toute la sollicitude du pouvoir, et qu'à un changement de gouvernement elles auraient tout à perdre, rien à gagner.

S'il est un danger sérieux que la prévoyance doive ranger au nombre des probabilités menaçantes, précisément afin de i'écarter, assurément c'est celui qui vient d'être signalé. Eh bien ! en vue de l'éloignement de cette éventualité, qu'a-t-on fait ? que fait-on ?- Rien, rien, rien. Que de grandes et de bonnes choses cependant il y aurait, les unes à concevoir et à réaliser, les autres à encourager et à généraliser!

Une lutte maritime, une crise sociale , tels sont les deux écueils que j'aperçois à l'horizon à travers la brume qui le voile, écueils vers lesquels la France peut être irrésistiblement entrainée par un seul et même courant : Excès de la production sur la consommation, encombrement des ateliers et des marchés, difficulté de s'ouvrir de nouveaux débouchés, rivalité industrielle de l'Angleterre.

On ne saurait jamais se préparer de trop loin aux événewents. Plus la distance est grande entre eux et la prévoyance, et plus est facile à gravir la pente par laquelle on s'élève à la hauteur d'où il est possible de les dominer.

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U.

DÉPENSES DU MINISTÈRE DE LA GUERRE DEPUIS 1830.
Exercices. Somme portée au Pensions militaires inscrites au

budget définitif, compte de la dette publique. 1830..... 243,613,402 fr.

46,251,580 fr.
1831.
386,624,854

41,412,139
1832.
338,328,364

44,213,073
1833
300,981,062

44,076,168
1834,
255,442,618

44,783,062
1835.
237,487,849

45,491,323
1836.
218,433,937

45,631,505
230,582,531

45,151,048
1838..
240,733,357

45,523,039
1839..
241,135,931

45,311,642
1840..
367,233,184

44,835,013

:12
1841.
385,537,070

43,923,252
1842..
325,809,218

42,934,488
1843.
310,532,894

42,012,875
1844,
297,868,804

41,336,848
1845.... 306,975,320

41,800,000
1846.
297,476,929

40,930,000
301,816,770

39.930,000

1837..

1847.....

Totaux ..

5,276,694,094

293,149,672

788,847,025
43,824,835

Moyenne.

336,974,907 fr. Non compris pour travaux extraordinaires :

37,814,943 fr. (Loi du 25 juin 1841.)
23,019,500 (Loi du 25 juin 1841 et loi du 11 juin 1842.)
28,120,000
34,733,571
41,442,064

165,129,078 fr.

Six milliards deux cent trente millions cinq cent soixante mille francs, tel est le chiffre de la prime payée par la France depuis dix-huit ans pour s'assurer contre le risque de guerre ! Ce relevé, d'une rigoureuse exactitude, devrait être imprimé en grosses lettres et affiché dans le cabinet de tous nos hommes d'État, afin qu'ils l'aient constamment sous les yeux.

Si, au lieu de cette prime d'assurance de six milliards payée en pure perte, la France n'eut dépensé que la moitié de cette somme et eût employé l'autre à fortifier sa marine, à améliorer, à achever ses voies de communication et de transport, encore si imparfaites et si incomplètes, à abolir ou à abaisser toutes celles de ses taxes qui font obstacle au développement de la consommation, au progrès de son agriculture, de son industrie, de son commerce, à perfectionner son système d'impôts, et à donner à son crédit tout l'essor qu'il ne demandait qu'à prendre, croit-on que la France, aujourd'hui, ne serait pas plus forte (1), plus res

(1) « Sur 286,000 hommes, effectif réel de 1847, il n'y avait que 149,097 hommes d'infanterie. Sur ce chiffre il faut déduire, pour compagnies hors rang et non-valeurs, 29,819 hommes.

» Il reste donc en infanterie disponible pour le service, 119,278 hommes.

» Il faut déduire 36 hommes par poste et par semaine. Il y a 3,533 postes d'infanterie ; il faudrait donc 127,188 bonimes, et il n'y en a que 119,278.

» Le nombre des hommes est donc actuellement insuffisant. Au lieu de 6 nuits de repos, la moyenne, pour toute la France, n'est que de 4 nuits 1/10". » Pour la garnison de Paris, elle est de 3 nuits 8/10e. » Pour trois autres divisions militaires ; elle est de moins de 3 nuits

de repos.

» Sous la restauration, on n'occupait que 221 places ou villes ; actuellement on occupe 331 places.

» Les causes de ce développement de servire sont :

» L'accroissement de la population, le développement de l'industrie, les grands travaux entrepris et les agglomérations d'onvriers qui en sont la conséquence ; la nécessité d'entretenir des garnisons nombreuses dans certaines places.

» Les augmentations d'effectif n'ont pas porté, toutefois, beaucoup sur l'infanterie, mais sur les armes spéciales, comme on peut s'en convaincre par le tableau qui suit :

Effectif en hommes Augmenta

à l'intérieur. 1822

1847

tion pour

ARMES.

1847

Gendarmerie..
Infanterie...
Cavalerie
Artillerie,
Génie ...
Equipages

13,455 15,415 1,960
130,000 149,097 19.000
20,958 51,640 30,682
9.304 25,547 16,243
1,642 5,921 4,279
2,162

2,162 CHABALD-LATOUR. Rapport, Moniteur. p. 348-349,

pectée et plus recherchée, plus mûre aussi pour la solution de cette question de la liberté des échanges, dont on fait tant de bruit depuis quelque temps ?

Je me borne à poser la question.

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