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la garantie à sa famille de ses biens allodiaux, le duché de Plaisance ferait retour à la Sardaigne, et le duché de Parme à l'Autriche, conséquemment au royaume lombardo-vénitien, tandis que la convention du 21 novembre 1844 règle la compensation territoriale à donner à la Sardaigne pour la forteresse de Plaisance, qui appartiendrait également à l'Autriche et au royaume lombardo-vénitien. Les articles des traités susmentionnés et relatifs à cette question sont contenus dans le document ci-joint comme

annexe.

>> Le duc de Modène a de fait cessé de régner, et un gouvernement provisoire a été établi. Nous avons des raisons pour croire possible de persuader au duc de Modène d'abdiquer, moyennant compensation pécucuniaire et garantie de la possession par la maison d'Este de ses propriétés de famille en faveur de l'archiduc Ferdinand, qui n'est pas compromis dans le duché de Modène. Si cette supposition se réalisait, l'empereur pourrait nommer vice-roi du royaume lombardo-vénitien ce prince, qui, en qualité de duc de Modène, annexerait le duché au royaume. L'union administrative des duchés de Modène et de Parme avec le royaume lombardo-vénitien contribuerait essentiellement à fortifier la position militaire du royaume.

» Les bases ci-dessus indiquées prouvent assurément la sincérité du gouvernement impérial, d'autant plus qu'en ce moment, à l'exception de Palma-Nova, nos troupes occupent tout le territoire vénitien. Le maréchal Radetzki est sur le point de recevoir des renforts qui le mettront en état d'aller chercher l'armée piémontaise; le Tyrol allemand se lève en masse; le Tyrol italien est parfaitement assuré, et l'allocution du pape du 29 avril, qui révèle la perfidie avec laquelle on a fait usage de son nom et de son autorité pour exciter le fanatisme du peuple, vient de paraître.

» Si, malgré ces circonstances, qui sont plutôt en notre faveur, nous avons recours à l'amitié de la Grande-Bretagne, c'est parce que nous attachons un grand prix à mettre promptement un terme à cet état compliqué des affaires. Le cabinet britannique doit être informé mieux que nous de la marche des choses en France. Nous regardons l'irruption de la France comme probable et peut-être prochaine. L'invasion de nos États par une armée piémontaise et les troupes ou bandes du reste de l'Italie est faite pour appeler les Français. Si demain les Français passent les Alpes et descendent en Lombardie, nous n'irons pas à leur rencontre; nous resterons d'abord dans la position de Vérone et sur l'Adige. Si les Français viennent nous y chercher, nous nous retirerons vers nos Alpes et vers l'Isonzo; mais nous n'accepterons pas de bataille; nous ne nous opposerons pas à l'entrée des Français ni à leur marche en Italie; ceux qui les y ont appelés feront une seconde fois l'expérience de leur régime.

>> Personne ne viendra nous chercher derrière nos Alpes, et nous resterons spectateurs des conflits dont l'Italie sera le théâtre. Soulement, dans le cas où la complication présente serait arrangée sous les auspices de la Grande-Bretagne, il serait encore possible d'unir les forces de l'Autriche

et du Piémont dans un système de commune défense contre l'invasion française. Mais ce n'est également que sous les auspices de la GrandeBretagne que nous accepterions cette idée, car c'est uniquement sa présence et l'autorité du nom britannique qui pourraient nous porter à mettre quelque confiance dans les engagements pris par les Piémontais et les Lombards.

» Mettant de côté les considérations qui se lient à la défense de l'Italie contre les Français, l'intervention amicale que nous réclamons de la Grande-Bretagne, si le cabinet britannique accède à notre demande, fournira à la personne dont le cabinet britannique fera choix, le moyen le plus sûr. de prendre une connaissance exacte du véritable état des affaires en Italie, dans le cas où l'Autriche serait obligée de se retirer devant les forces françaises unies aux forces italiennes. Le gouvernement impérial comprend très bien que sa demande peut prendre, aux yeux du gouvernement britannique, un caractère très sérieux, eu égard à la précaution que commande l'état actuel de la France; mais nous croyons que, précisément pour cette raison, il serait doublement important de ne point refuser de mettre fin à une complication qui, à cause de cette raison même, consti- . tue un danger direct et imminent.

» Les éléments que j'ai détaillés à votre excellence doivent être considérés seulement comme une preuve des intentions bienveillantes et paternelles de l'empereur. Si le cabinet britannique nous accorde son intervention amicale, les propositions à faire aux Lombards seraient concertées avec le représentant britannique, qui serait en position de diriger toutes les démarches, de manière à écarter de la négociation tout ce qui ne s'accorderait pas avec ce que l'Angleterre jugerait convenable.

» Signé : HUMMELAUER. »

La lettre suivante, de M. de Ficquelmont, n'est pas moins remarquable:

M. de Ficquelmont, ministre des affaires étrangères d'Autriche, à M. de Dirstrichstein, ambassadeur d'Autriche à Londres.

» Monsieur le comte,

« Vienne, 5 avril 1848.

» Nous ne croyons pas qu'il nous soit nécessaire de vous exposer les causes qui ont amené un changement dans le système politique de l'Autriche, et qui ont fait que l'empire maintenant repose sur une autre base. Il suffit de prendre ce changement comme un fait.

» La facilité avec laquelle il s'est effectué prouve au moins qu'il est l'œuvre naturelle du temps et des hommes, elle prouve surtout, et c'est ce que je tiens à signaler comme très important pour nos destinées futures, elle prouve que la famille impériale a su comprendre que le temps était mûr pour ce qui vient d'arriver. Le respect du passé est une tradition vivante dans la maison de Hapsbourg. C'est à l'aide de sa longue et illustre

éducation historique qu'elle a su porter pendant des siècles la couronne élective de Germanie, comme si elle avait été héréditaire.

C'est par suite de ces mémorables traditions que nous avons vu la maison impériale héréditaire conserver à chacun de ses Etats héréditaires tout ce qui lui appartenait en nationalité, en lois, en coutumes indépen dantes. Le changement actuel n'est au fond qu'un retour vers les anciennes maximes du gouvernement, maximes dont la marche naturelle a été paralysée par le principe de la centralisation administrative qui s'est plus ou moins imposée à tous les gouvernements européens.

» S'il a été d'autant plus facile à se résoudre à changer de système que ce changement était en harmonie avec d'anciens souvenirs, il n'est pas, à beaucoup près, aussi aisé de transformer une administration fortement organisée. Le mouvement universel qui remue l'Europe a toute la violence d'un état de révolution; sa première exigence est de briser la mesure des temps, et d'ajouter la difficulté de faire vite à l'éternelle difficulté en toutes choses de faire bien.

» Voici, en deux mots, notre situation, qui était de nature à exiger tous nos soins, je dirai plus, toutes nos facultés. Il fallait faire descendre de sa position élevée tout notre mécanisme administratif, pour mettre à sa place les fondements du nouvel ordre de choses. Cela a été fait. C'est seulement depuis lors que j'ai été en mesure de traiter avec un cabinet étranger de nos affaires politiques; et c'est au cabinet anglais que nos premières paroles s'adressent.

» Depuis que j'ai été appelé au ministère des affaires étrangères, j'ai eu deux conversations avec lord Ponsonby (ambassadeur anglais); il en aura rendu compte au secrétaire d'État (lord Palmerston).

» Lord Ponsonby est un homme trop éclairé pour ne pas voir toutes les difficultés de notre situation intérieure; il est en même temps trop sincère pour ne pas m'en avoir parlé. Je lui ai dit que les difficultés intérieures étaient notre affaire; que nous nous en tirerions comme nous pourrions; mais que si le gouvernement de S. M. britannique adhérait encore à la vieille alliance qui, pendant si longtemps, a fait la base des relations de nos deux gouvernements, il lui serait possible de nous assister dans nos difficultés extérieures; que le mouvement qui s'est emparé de la péninsule italienne avait enveloppé nos provinces, que la guerre que nous avions à faire en Italie réagirait ici d'une façon très embarrassante pour nous. « C'est le côté de vos affaires qui nous inquiète le plus, m'a dit lord Ponsonby, parce que l'Italie peut devenir l'occasion d'une guerre géné rale; le gouvernement de la République française aura besoin de la guerre pour se soutenir; nous souhaitons que vous ne lui en fournissiez pas le prétexte en Italie. »

» Cette matière a été discutée entre nous dans les deux conversations que j'ai eues avec l'ambassadeur; comme les événements ont marché très vite dans l'intervalle des deux entrevues, il serait inutile d'entrer dans le détail; j'appuierai seulement sur les résultats.

» Lord Ponsonby appréhendait que si la guerre nous amenait sur le territoire piémontais, la France n'intervînt. Je lui dis que le soulèvement général du royaume lombardo-vénitien avait changé l'état de la question; que les Piémontais avaient envahi la Lombardie, que si nous réussissions à les refouler sur leur propre territoire, nous aurions suffisamment à faire de soumettre et de pacifier nos propres provinces, et que je l'assurais d'avance que nous ne poursuivrions pas au-delà de nos frontières les succès que nous pourrions obtenir.

» Bien plus, ajoutai-je, mylord, le sort de l'Italie est entre les mains de l'Angleterre ; vous êtes à présent la seule puissance qui ayez de l'influence en Italie; cette influence est d'autant plus grande qu'elle est unique; le facile renversement de Louis-Philippe et l'établissement d'une République en France ont produit une réelle panique; un secours est autant appréhendé que le seraient des hostilités. Mais tout en reconnaissant votre pouvoir en Italie, aveu dont vous ne pouvez pas vous plaindre, permettezmoi en même temps de rejeter sur vous la responsabilité des événements, au moins quant à ce qui nous concerne.

» Nous avons en effet le droit d'en appeler à l'Angleterre. Vous trouverez, monsieur le comte, dans la dépêche prochaine, un très court exposé de la guerre que nous fait maintenant le Piémont. Ce n'est pas sans répugnance que je vous charge de demander à sa seigneurie, le principal sccrétaire d'État, jusqu'à quel point pourrait être poussée l'interprétation qu'il jugera convenable de donner de sa dépêche à M. Abercromby (ministre anglais à Turin), en date du 23 mars; dépêche écrite à un tout autre point de vue que celui d'une agression dirigée par le Piémont contre l'Autriche. Cependant c'est de cette interprétation que dépend pour nous la plus ou moins grande facilité, je vais même plus loin, et je dirai, la possibilité de pacifier nos provinces italiennes.

» Les événements arrivent quelquefois comme marqués du sceau d'une fatalité hostile.

» L'insurrection du royaume lombardo-vénitien a éclaté au moment même où l'empereur Ferdinand avait pris la résolution, pour ainsi dire spontanée, d'accorder à son peuple ce qu'on lui avait montré être son universel désir. Le peuple italien, qui aurait trouvé dans l'ordonnance impériale plus même qu'il n'avait demandé, n'a pas pu être instruit de ce qui se faisait, par suite de l'appel aux armes, qui l'a empêché d'entendre la voix de son souverain.

» La position que l'armée autrichienne a prise entre la Lombardie et le territoire vénitien aura pour résultat une suspension d'armes momentanée, dont on va tirer parti pour la pacification.

>> Un commissaire impérial est sur le point de partir pour l'Italie avec les pleins pouvoirs nécessaires pour négocier une réconciliation sur les bases plus libérales qui sont la conséquence naturelle et désirée des nouvelles institutions adoptées par l'Autriche. Nous croyons donc que le gouvernement de S. M. Britannique peut trouver dans toutes ces considéra

tions réunies des motifs suffisants de se convaincre qu'il est de l'intérêt de l'Angleterre, aussi bien que de celui de l'Autriche, de soutenir la position prise par la cour d'Autriche vis-à-vis de ses possessions italiennes.

» Le concours de ces deux intérêts établirait une garantie du maintien de la paix générale, dont les bases sont maintenant si fortement ébranlées.

» Ayez la bonté, monsieur l'ambassadeur, de lire cette dépêche à lord Palmerston, de lui en laisser copie, et de nous transmettre la détermination que le gouvernement de S. M. Britannique croit devoir prendre.

>> Recevez, etc.

» FICQUELMONT. »

Quoi de plus explicite que ces paroles de lord Ponsonby, ambassadeur d'Angleterre à Vienne, à M. le comte de Ficquelmont, ministre des affaires étrangères d'Autriche :

« Le gouvernement de la République française aura besoin de la guerre pour se soutenir; nous souhaitons que vous ne lui en fournissiez pas le PRÉTEXTE en Italie! >>

Quoi de plus explicite que cette réponse du comte de Ficquelmont :

« Je dis à lord Ponsonby que nous avions suffisamment à faire de soumettre et de pacifier nos propres provinces, et que je l'assurais d'avance que nous ne poursuivrions pas au-delà de nos frontières les succès que nous pourrions obtenir. »

Cette réponse porte la date du 8 avril 1848. Nous avions donc bien raison, en mars 1848, nous n'étions donc pas des traîtres à notre pays, lorsque nous insistions, à cette époque, tous les jours, pour que la France réduisît la dépense de son armée, afin de pouvoir venir en aide à tous les grands établissements de crédit, et empêcher l'interruption du travail et l'irruption de la misère !

II.

15 septembre 1852.

Les Monarchies qui élèvent si haut, en 1852, le ton, qu'elles avaient baissé si bas en 1848, peuvent être fortuitement exposées à le baisser de nouveau; c'est un motif de plus pour que tous les hommes sérieux, non seulement en Fran

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