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SIRE;

RAPPORT AU ROI.

Paris, le 31 mars 1846.

La loi du 19 juillet 1845, relative à l'introduction de travailleurs européens dans les colonies, à la formation d'établissements agricoles, etc., porte, article 3:

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« Il sera rendu compte annuellement aux Chambres de l'emploi des

crédits votés, et des effets de l'exécution de la présente loi. »

La même loi porte, article 4:

A l'avenir, le Gouvernement devra également rendre compte de la

« répartition de la subvention annuelle affectée à l'instruction religieuse

« et élémentaire des esclaves, par la loi du 25 juin 1839. »

J'ai l'honneur de mettre sous les yeux de VOTRE MAJESTÉ l'exposé destiné à satisfaire à l'une et à l'autre de ces prescriptions législatives, et je vous propose, SIRE, de m'autoriser à le faire imprimer et distribuer aux Chambres.

Je diviserai cet exposé en trois parties.

Dans la première, je rendrai compte à VOTRE MAJESTÉ de tout ce

qui a été fait aux colonies pour la moralisation et l'instruction élémentaire des esclaves depuis 1839, époque à laquelle des allocations ont commencé à être inscrites, dans ce but, au budget du département de la marine.

A cette occasion, et en second lieu, j'exposerai ce qui a été fait jusqu'à ce jour pour l'exécution de la loi du 18 juillet 1845, relative au régime des esclaves.

Dans la troisième partie, je réunirai tout ce qui se rattache à l'exécution de la loi du 19 juillet, et à l'emploi des crédits qu'elle alloue.

PREMIÈRE PARTIE.

Les termes dans lesquels est conçu l'article 4, que je viens de rapporter, exigent ici une explication préalable. Il y est question d'une loi du 25 juin 1839 or il n'existe, à cette date, aucune loi à laquelle puisse se référer la disposition rappelée ci-dessus. Il y a lieu d'admettre que le législateur a voulu parler de la loi de finances du 10 août 1839, laquelle a effectivement, et pour la première fois, alloué au service colonial une subvention de 650,000 francs dans le but d'augmenter, aux colonies, en vue de la moralisation de la population noire, le nombre des prêtres, d'y ériger des églises et chapelles rurales, d'y envoyer des frères et sœurs destinés à l'enseignement élémentaire et gratuit, et enfin d'y accroître le personnel des magistrats du ministère public spécialement préposés au patronage des esclaves.

J'ajouterai que depuis la loi en question, le régime financier des colonies a été modifié par la loi du 25 juin 1841, de manière à faire disparaître, à compter de l'exercice 1842, la spécialité qui avait d'abord été attachée au crédit voté en 1839, au moins en ce qui concerne le personnel, attendu que, dans ce système, le budget de l'État embrasse l'ensemble des dépenses du culte et de l'instruction publique dans les colonies, y compris celles auxquelles il était précédemment pourvu par les budgets coloniaux, d'où il a été d'ailleurs retiré, en même temps, une masse de recettes équivalentes.

Toutefois, le département de la marine a dû se regarder depuis lors

et s'est considéré en effet comme moralement engagé à consacrer annuellement, autant qu'il dépendrait de lui, un fonds d'environ 650,000 francs à poursuivre spécialement le but déterminé dès 1839.

Les renseignements consignés dans l'Exposé général du patronage des esclaves, publié par le département en juin 1844 (1), ont déjà montré, d'une manière générale, quels ont été, dans les années précédentes, les efforts de l'administration pour la protection des noirs, pour l'amélioration de leur condition matérielle, pour leur instruction religieuse et élémentaire et pour leur moralisation. Je m'attacherai donc principalement, dans le rapport que je mets sous les yeux de VOTRE MAJESTÉ, à exposer quels sont, à ces divers points de vue, les résultats qui ressortent des comptes financiers des colonies, et des documents statistiques demandés par mon département aux administrations locales.

Mais, avant d'aborder ce travail dans ses subdivisions, je dois rappeler à VOTRE MAJESTÉ comment le Gouvernement a déterminé, en 1839, les bases générales de l'emploi des fonds alloués alors par les Chambres.

A cette époque, la question de l'esclavage venait d'être soulevée sous la forme d'une proposition dans la Chambre élective. Sans arriver jusqu'à la discussion, cette proposition fut successivement l'objet de deux rapports remarquables, au premier desquels le Gouvernement s'associa jusqu'à un certain point, en tombant d'accord qu'il y avait à entreprendre dans les colonies, à l'égard de la population noire, une œuvre de préparation et de moralisation, comme prélude obligé de toute mesure d'abolition partielle ou générale. Ce fut ainsi que le Gouvernement et les Chambres mirent un égal empressement à proposer et à consacrer la subvention de 650,000 francs.

L'un de mes prédécesseurs, M. l'amiral Duperré, en soumit ensuite à VOTRE MAJESTÉ la répartition par un rapport dont les termes seront aujourd'hui replacés sous vos yeux, SIRE, avec toute opportunité. M. l'amiral Duperré s'exprimait ainsi :

« Dans le rapport fait, le 12 juin 1838, à la Chambre des députés

(1) Voir le chapitre x1 de ce recueil.

« par M. de Rémusat, la Commission chargée de l'examen de la proposition de M. Passy sur l'esclavage émettait l'avis qu'avant de s'oc

<< cuper de l'émancipation des esclaves des colonies françaises, il était

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<< indispensable de préparer la solution de cette grande question par l'amélioration morale et religieuse des noirs. D'accord avec la Commission sur les moyens propres à conduire à ce but, le gouvernement de VOTRE MAJESTÉ a porté au budget de 1840 un crédit de 650,000 francs, dont 400,000 francs, sont destinés à l'augmentation du nombre des prêtres dans nos colonies, et à la construction de chapelles où les esclaves des habitations puissent recevoir l'instruction re« ligieuse; 200,000 francs à l'extension de l'instruction primaire dans les mêmes colonies, et 50,000 francs aux frais de patronage des es« claves.

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"

« Ce crédit ayant été alloué, je viens entretenir VOTRE MAJESTÉ de « l'emploi des trois allocations dont il se compose.

"

« Avant de fixer la proportion suivant laquelle la somme de 400,000 fr. « affectée à l'instruction religieuse doit être répartie entre nos quatre « colonies de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane française ⚫ et de Bourbon, il est nécessaire de déterminer le mode à adopter pour procurer à ces colonies les nouveaux prêtres qu'il s'agit de leur en

• voyer. »

Mon prédécesseur établissait alors que, dans l'état des choses, il y avait lieu de continuer à demander exclusivement au séminaire du SaintEsprit les prêtres destinés pour les colonies, mais que cette institution avait besoin d'être fortifiée, et dégagée du concours variable et insuffisant des fonds coloniaux. Il proposait de lui allouer une subvention fixe de 50,000 francs, sur le fonds voté par les Chambres, et continuait :

« J'ai maintenant à proposer à VOTRE MAJESTÉ de régler, pour chaque colonie, le contingent qui doit lui revenir dans les 400,000 francs alloués au budget de l'État pour l'instruction religieuse des esclaves. . D'abord, il me paraît convenable de diviser ce crédit en deux sommes égales, en affectant 200,000 francs à l'augmentation du clergé et 200,000 à la construction de chapelles. Le partage qui me semble en

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