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les bois situés entre le Rhône, les Cévennes, la Garonne et la Méditerranée (d'Anville, premier mémoire sur l'ancienne Gaule), des animaux sauvages, dont plusieurs tels que l'élan (alces) et l'énorme auroch (urus) se sont retirés vers le nord de l'Europe ou ont complétement disparu depuis (Grandidier, Hist. d'Alsace, p. 41). Les peuples qui habitaient le reste du territoire transalpin et le nord de l'Italie menaient une vie analogue à celle des Celtes, et se livraient entre eux des combats acharnés. Selon Polybe (liv. 2, chap. 4), ils formaient des villages sans murailles, habitaient des cabanes sans meubles, couchaient sur l'herbe séchée et ne se nourrissaient que de viande. Essentiellement nomades, leurs uniques richesses consistaient en or et en troupeaux. Cet auteur ajoute cependant que les Gaulois connaissaient l'agriculture, à l'époque de la première prise de Rome. Mais il veut probablement parler de la récolte des grains propres à la nourriture des bestiaux.

Il est certain qu'avant de s'être habitués à manger la chair des animaux, le gland était la première nourriture de nos ancêtres, et ce fait est une nouvelle explication du culte druidique. L'emploi du gland et de la faîne à la nourriture de l'homme est attesté par tous les historiens anciens et modernes.-Pline raconte que, de son temps, les Espagnols servaient des glands, au dessert, après les avoir fait cuire sous la cendre comme des châtaignes.- Suivant Champier, cette coutume subsistait encore en Espagne au 16° siècle; mais il ajoute que ces glands (qui probablement étaient des glands doux) surpassaient les nôtres en grosseur et en bonté. - Liébaut dit qu'il y a deux arbres que l'on doit regarder comme les premiers de tous, parce qu'entre autres avantages, leur fruit peut, en temps de diselle, faire du pain avec un peu d'orge et d'avoine, et ces deux arbres sont, selon lui, le chêne et le châtaignier (Maison rustique, Paris, 1565).—Legrand d'Aussy (Hist. de la vie privée des Français, p. 23) cite une charte donnée par an évêque de Metz, au 8° siècle, et dans laquelle le gland et la faîne sont placés sous la rubrique De mensura cibi. - Le même auteur affirme que dans les disettes de 1548 et de 1759 le peuple des campagnes faisait du pain avec des glands et des faînes (V. aussi Grandidier, Hist. d'Alsace, p. 39).

10. Lors de la conquête des Gaules par Jules César, cet état de choses était déjà considérablement modifié. Les peuples qui s'étaient mis en contact avec les Romains par le nord de l'Italie, et qui communiquaient par Marseille avec l'Afrique, avaient commencé à adopter les usages de la civilisation. La culture des céréales, encore inconnue dans le nord et dans l'ouest, faisait de rapides progrès au midi et au centre, et chaque année on voyait les forêts disparaître pour faire place aux nouvelles cultures. Ce sol encore vierge était d'une merveilleuse fécondité. Les plantes exotiques s'y naturalisaient et donnaient des produits supérieurs à ceux de leur pays natal (1). — La vigne elle-même, cultivée d'abord dans les environs de Marseille, fournissait des vins exquis déjà célèbres au temps de Martial... Fumea Massilia vina poles (Mart. lib. 12, épigr. 123). Vel cocta fumis musta Massiliana (ld. lib. 3, épigr. 82). Les Gaulois furent les premiers qui imaginèrent de renfermer le vin dans des vases en bois cerclés (Pline, lib. 14, § 17, p. 539, éd. Littré).

11. L'extension donnée à l'agriculture ne fut pas la seule cause de la diminution des forêts. Bien que les Gaulois cultivassent les céréales dont l'exploitation était déjà assez considérable, au premier siècle de l'ère chrétienne, ils continuèrent encore à faire de la viande leur principale nourriture. D'immenses troupeaux de porcs erraient dans les forêts, et les jambons séquanais étaient recherchés jusqu'en Grèce (2). Ces animaux trouvaient dans les glands une nourriture abondante; mais en enlevant la semence du chêne ils diminuaient les chances de sa reproduction. Nous verrons plus tard le pâturage des moutons devenir pour les

(1) Les seuls arbres fruitiers importants qui soient véritablement indigènes de la France sont le figuier, le pommier, le poirier, le prunier et le neflier (Maltebrun, t. 5, p. 238).

(2) H. Martin, Hist. de France, t. 1, 2e éd., p. 42; Legrand d'Aussy, t. 1, p. 307 et suiv. Le chap. 2 de la loi Salique est intitulé De furtis porcorum, et contient vingt articles. Voy. dans M. Pardessus le texte de la les emendata, p. 278, et infra, no 14.

(3) Omnibus arboribus longe lateque excisis (César, Comment., lib. 4, si passim ).

forêts une cause puissante de destruction. Enfin l'expédition de César (3), et sous les empereurs, le désir d'augmenter les latifundia, dont les possesseurs cherchaient à reculer les immenses limites, amoindrirent considérablement le sol forestier (4)

Il entrait d'ailleurs dans la politique des Romains, pour se débarrasser de voisins incommodes et dangereux qui auraient pu inquiéter leurs établissements, d'abattre autant que possible les forêts des vaincus. Ils employaient les Barbares eux-mêmes à cette destruction, mais non sans une vive résistance de leur part. Tacite fait dire à Galgacus : Silvis emuniendis verbera inter contumelias conterunt. Le même fait a dû se reproduire dans la Gaule.

12. Quoi qu'il en soit, les défrichements opérés pendant toute la durée de l'occupation romaine tournèrent au profit de l'agriculture. Les eaux trouvèrent un écoulement plus facile, le climat s'assainit, et rien ne prouve que, pendant cette période, l'étendue du sol forestier de la Gaule ait diminué de façon à éveiller la sollicitude des empereurs.

13. Ainsi, lors de l'invasion des Barbares et de leur établissement sur le sol de la Gaule, les forêts s'y trouvèrent en équilibre avec les besoins publics et ceux des populations. Les premiers textes législatifs sur les produits de cette propriété se trouvent dans les lois des Barbares qui se sont fixés à différentes époques sur le sol de la Gaule. Parmi ces textes, nous nous occupons principalement de ceux de la loi Salique et de la loi Gombette ou des Burgundes, appelés Bourguignons par les historiens du 17° et du 18° siècle (5).

Ces lois sont intéressantes au point de vue historique. Elles servent à faire comprendre quels étaient les besoins du peuple à l'époque de leur rédaction; car il est évident que les lois, mobiles comme les constitutions des sociétés, sont la représentation exacte des intérêts qu'elles avaient pour but de protéger. On pourra donc reconnaître, en étudiant ces textes, l'importance qu'on attachait à la conservation des forêts pendant toute la période où ils ont été en vigueur.

14. Nous nous occuperons d'abord de la loi Salique. — On se fait généralement une fausse idée de cette loi. Son nom n'a longtemps éveillé d'autre pensée que celle d'une grande règle de droit public français qui excluait les femmes et leurs descendants de la succession au trône. Loin que cette disposition fùt l'objet principal de la loi, il est aujourd'hui reconnu que, dans les soixante-cinq manuscrits qui restent de ce premier monument de notre droit, non plus que dans les documents qui s'y rattachent, il n'y a rien d'écrit relativement au principe de l'hérédité masculine de la couronne. La disposition de la lei Salique, à laquelle on rattachait ce principe, était tout simplement une règle de droit privé, applicable aux successions des particuliers.

Quant au code ou recueil d'usage connu sous le titre de Lex salica, Pactus legis salicæ, c'était une rédaction de la plupart des coutumes qui réglaient le droit criminel et le droit civil des Francs sous les rois des deux premières races (M. Pardessus, Loi Salique, dissert. 1re, p. 416, imp. roy., 1843).

Le texte le plus ancien de ce recueil, qui soit parvenu jusqu'à nous, remonte à Clovis, qui a fait rédiger en latin les anciennes coutumes des Saliens, en les appropriant aux nouvelles relations que la bataille de Soissons venait de créer entre les Barbares et les Romains (M. Pardessus, loc. cit., p. 420 et suiv.) — Cet auteur prouve, p. 425, que la loi Salique a été primitivement faite à une époque où les Francs n'avaient pas encore adopté la religion chrétienne. Ce code, dont plusieurs dispositions ont souvent varié, a cependant été la base du droit civil et du droit criminel jusqu'à Charlemagne, qui, loin de l'abroger, en a promulgué un nouveau texte, sous le titre de Lex emendata. Pour nous en tenir à l'excellente édition de ce dernier texte, qui a été donnéo

(4) Dans un ouvrage intitulé: Forêts de la France (Paris, 1817), M. Rougier de la Bergerie aflirme que les empereurs Tibère et Probus ont donné l'ordre général d'abattre les forêts. Il est heureux que cet ordre n'ait pas reçu sa complète exécution.

(5) On trouve aussi des renseignements curieux dans les lois des Vi. sigoths, des Ripuaires, des Bavarois, des Alemans, etc. Nous aurons sou vent occasion de citer quelques fragments de ces lois qui sont relatifs aux forêts.

par M. Pardessus, et pour laquelle il a consulté quinze manuscrits, nous voyons que les premiers objets dont s'occupe la loi sont les suivants : cap. 2, De furtis porcorum; cap. 3, De furtis animalium ; cap. 4, De furtis ovium; cap. 5, De furtis caprarum; cap. 6, De furtis canum; cap. 7, De furtis avium; cap. 8, De furtis arborum; cap. 9, De furtis apium; cap. 10, De damno in messe vel in qualibet clausura. Les chapitres suivants traitent du vol des esclaves, de l'enlèvement des hommes libres et de tous les délits contre les personnes. Les dispositions civiles sont reléguées à la fin de la loi.

On voit par cette énumération que les objets sur lesquels s'était portée tout d'abord la sollicitude du législateur barbare étaient, en premier ordre, la conservation des animaux domestiques dont la possession était seule compatible avec la vie nomade. Ces premières dispositions régissaient la communauté salienne bien avant l'invasion du territoire gaulois. Mais le chap. 8, relatif au vol des arbres, ainsi que le chap. 10, qui punit les dommages aux ch amps et la destruction des clôtures, sont évidemment des interpolations contemporaines de la conquête, puisqu'ils supposent une résidence fixe, et les terres déjà réparties entre différents propriétaires.

Nous donnons ci-dessous les textes des principaux passages de la loi Salique qui sont relatifs aux forêts, en les rapprochant de quelques autres dispositions de la même loi (1).

15. S'il est impossible d'assigner une date précise à la loi Salique, il est également difficile de déterminer avec quelque apparence de certitude les dates des autres lois barbares qu'il nous importe de consulter. Il est évident que les textes de ces lois, qui sont parvenus jusqu'à nous, ne reproduisent pas l'état de la législation avant l'établissement dans la Gaule. Comme le pactus legis salicæ, la loi Gombette promulguée au commencement du VIe siècle par Gondebaud (2), et augmentée par Sigismond son fils, est une appropriation des coutumes barbares au nouvel État créé par la conquête. Toutefois, dans le code burgundien, comme dans ceux des Visigoths (3) et des Ripuaires (4), on a plus concédé à l'élément romain qu'on ne l'avait fait dans la loi Salique. On trouve aussi dans les deux premières lois un plus grand

(1) Voici le texte des dispositions de la loi salique relatives aux forêts. Chap. 8. De furtis arborum.-1. Si quis pomarium, sive quamlibet arborem domesticam, extra clausuram exciderit aut furatus fuerit, CXX dinariis, qui faciunt solidos III, culpabilis judicetur, excepto capitale et delatura. 2. Si quis vero pomarium, aut quamlibet arborem domesticam, infra clausuram exciderit aut furatus fuerit, DC dinariis, qui faciunt solidos XV, culpabilis judicetur, excepto capitale et delatura.

5. Hanc quoque legem et de vitibus furatis observari jussimus. 4. Si quis in sylva alterius materiamen furatus fuerit, aut incenderit, vel concapulaverit, aut ligna alterius furaverit, DC dinariis, qui faciunt solidos XV, culpabilis judicetur, excepto capitale et delatura.

Le chap. 29, intitulé De furtis diversis, contient les dispositions suivantes, relatives aux forêts:

§ 27. Si quis in sylva materiamen alienum aut incenderit aut capulaverit, DC dinariis, qui faciunt solidos XV, culpabilis judicetur.

§ 28. Si quis materiamen, de una parte dolatum, furaverit, CXX dinariis, qui faciunt solidos III, culpabilis judicetur.

§ 29. Si quis arborem, post annum quam fuerit signata, capulare præsumpserit, nullam exinde habeat culpam.

$30. Si, infra annum, quis eam capulaverit, CXX dinariis, qui faciunt solidos III, culpabilis judicetur.

On voit par les extraits qui précèdent que presque toutes les peines se résolvaient en amendes. Il est curieux de comparer les chiffres des amendes prononcées par le chapitre De furtis arborum avec ceux de quelques autres sanctions pénales de la même loi.

Chap. 2, § 9. Si quis porcum bimum furaverit, DC dinariis, qui faciunt solidos XV, culpabilis judicetur, excepto capitale et delatura.

§ 12. Si quis verrum furaverit, DCC dinariis, qui faciunt solidos XVII, sum dimidio, culpabilis judicetur, excepto capitale et delatura.

Chap. 14, § 10. Si quis puellam, quæ druchte ducitur ad maritum, in via adsallierit, et cum ipsa violenter machatus fuerit, VIIIM dinariis, qui faciunt solidos CC, culpabilis judicetur.

§ 12. Si quis uxorem alienam, vivo marito, tulerit, VIIIM dinariis, qui faciunt solidos CC, culpabilis judiceiur.

Chap. 19. §3. Si quis hominem in caput ita playaverit ut inde tria ossa exeant, MCC dinariis, qui faciunt solidos XXX, culpabilis judicetur.

Il résulte de ce rapprochement que si l'on payait quinze sols pour avoir coupé ou brulé des arbres propres aux constructions (materiamen) ou au chauffage (lign) ou bien encore pour voler un pcrc de deux ans (bimum

nombre de documents intéressants pour l'histoire de la législation des forêts, car la loi Salique est absolument muette sur les démembrements de la propriété forestière, sur les bois qui pouvaient se trouver encore à l'état d'indivision, et sur les droits que des particuliers ou des personnes morales pouvaient avoir sur des bois indivis.

16. Il n'est pas sans intérêt de déterminer avec précision le véritable sens des mots sylva communis qu'on rencontre si sou vent dans le code burgundien. Ces forêts sont celles que la loi des Visigoths appelle indivises: De sylvis inter Gothum et Romanum indivisis relictis. C'est ce que prouve jusqu'àl'évidence un passage du tit. 13 du code burgundien, duquel il résulte que si une forêt indivise (communis) a été défrichée, soit par un Burgunde, soit par un Romain (les défrichements étaient presque toujours faits par les anciens propriétaires gallo-romains, très-rarement par les Burgundes), le défricheur laissera en toute propriété à son hôte copropriétaire une quantité de forêt égale à celle du sol défriché, lequel demeurera la propriété exclusive de celui qui aura opéré le défrichement (5). — Il paraît, du reste, que ces défrichements se faisaient souvent en mettant le feu à la forêt, ou tout au moins en pratiquant pendant quelques années le sartage à feu courant (V. no 774). Ces opérations étaient faites avec si peu de soin que les vignes et les moissons voisines étaient souvent incendiées, et que le législateur burgundien a dû prendre des mesures à cet égard: Si quis in exarto suo focum fecerit, et focus, nullo compellente vento, per terram currens ad sepem vel messem pervenerit alienam, quidquid concrematum ex ea fuerit, ab eo qui focum fecit reformatur. -Si verò flammam ignis ad sepem vel messem alterius vis venti transtulerit, damnum quod inlatum est ab eo qui focum fecerit, non quæratur (Lex Burgund., tit. 41). 17. Chez les Bourguignons comme chez les Francs, il y avait des forêts non défrichées dont on n'avait pas fait le partage depuis la conquête; et même à l'égard des forêts qui avaient été l'objet d'un partage entre les Barbares et les Gallo-Romains, les prolétaires avaient le droit de prendre du bois pour leurs besoins dans la forêt d'autrui. Ce fait est confirmé par ce passage bien connu de la loi Gombette: Si quis Burgundio aut Romanus syl

porcum, et plus cher pour un verrat (verrum), il n'en coûtait que deux cents sols pour violer une fille ou séduire une femme mariée, et trente sols seulement pour avoir frappé un homme à la tête, assez fortement pour en faire sortir trois os.

(2) Dès la fin du cinquième siècle, le projet du code burgundien était divulgué; on en parlait beaucoup, et il y a tout lien de présumer que des jurisconsultes gallo-romains sont intervenus dans son execution. Ce code présente un amalgame de lois purement romaines et de lois germaniques adoucies et tempérées dans l'intention évidente d'assimiler autant que possible celles-ci aux premières (Fauriel, Hist. de la Gaule mérid. sous la domination des conquérants germains, t. 1, p. 522 et 523).

(5) Suivant Lindenbrog, Prolegom., la rédaction de la loi des Visigoths a été commencée par Euric plusieurs années avant sa mort (584); elle a été continuée par ses successeurs. M. Fauriel pense qu'Eurie n'a fait

que réunir les lois de ses devanciers (t. 1, p. 503), Plusieurs de ces lois portent le titre d'Antiques (Antiqua). Ce sont, comme ce titre l'indique, les premières en date, celles qui ont formé le noyau du code, ef dont elles ne font aujourd'hui qu'une très-faible partie.

(4) Le prologue des lois des Ripuaires, des Alemans et des Bavarois en attribue la composition à Théodoric, mais on sait qu'elles ont été successivement corrigées par Clotaire et par Childebert. Depuis, elles ont été entièrement refondues par Dagobert. V. Lindenbrog, ubi suprà.

(5) Voici le texte de ce titre 13, De exartis (des défrichements): Si quis iam Burgundio quam Romanus in sylva communi exartum fecerit, aliud lantum spatii de sylva hospiti suo consignet, et exartum, quem fecit, remota hospitis communione possideat.

Les passages cités par M. Pardessus, huitième dissertation sur la loi salique, et desquels il induit qu'il existait chez les Burgundes comme chez les Ripuaires, des forêts laissées en commun, ne prouvent pas le moins du monde qu'il en ait été ainsi. Le savant auteur n'a pas remarqué que lo § 6 du tit. 1 de la première addition à la loi Gombette (Lindenbrog, t. 1, p. 302) est placé sous la rubrique de clausis itineribus, vel aliis, et que ce texte ne signifie rien autre chose, sinon que le passage à travers les montagnes, les forêts et les prés est du domaine public ou commun; mais il n'en résulte nullement que ces propriétés elles-mêmes soient com

munes.

vam non habeat, incidendi ligna ad usus suos de jacentivis et sine | prononçait une forte amende, solidos sex (2), contre le profructu arboribus în cujuslibet sylva habeat liberam potestatem; priétaire qui en aurait interdit l'usage aux prolétaires et aux neque ab illo, cujus sylva est, repellatur.—Si quis vero arborem colons. fructiferam in aliena sylva, non permittente domino, fortasse inciderit, per singulas arbores quas incidit singulos solidos, domino sylva inferat. Quod si servus hoc fecerit, fustigetur et Si dominus ejus nullum damnum aut calumniam patiatur,· quis vero quemquam de jacentivis et non fructiferis arboribus lignum usibus suis necessarium præsumere fortasse non permiserit, ac si ei pignora tulerit, restitutis in triplum pignoribus, inferat mulctæ nomine solidos sex (Lex Burgund., § 28; Lindenbrog, Codex legum antiquarum, t. 1, p. 280).

18. Ainsi, chez les Bourguignons de même que chez les Ripuaires, toutes les forêts étaient considérées comme communes quant à leurs produits inférieurs; mais il ne s'ensuit pas, ainsi que l'a prétendu Proudhon, qu'elles fussent communales (V. Usages); car cela supposerait que toutes les populations de la Gaule, et surtout les populations rurales, jouissaient du régime municipal des villes, ce qui non-seulement n'est pas démontré, mais c'est bien plutôt le contraire qui est aujourd'hui passé à l'état de vérité historique. On pourrait tout au plus citer quelques rares exceptions, mais seulement dans les pays où le système de la marche allemande (terre indivise qui appartient à la commune) aurait été établi (1).

Quant aux lois des Bourguignons et des Ripuaires, leurs termes sont très-formels, et ils impliquent bien plutôt l'idée d'un droit d'usage dans la forêt d'autrui que celle d'un droit de propriété communale (V. Usages). Les produits secondaires des forêts, quel qu'en fût le possesseur, étaient considérés comme faisant partie du domaine public; le propriétaire, après avoir marqué tous les arbres dont il entendait disposer, était censé abandonner le surplus aux prolétaires. On doit remarquer d'ailleurs que la loi Gombette était, à cet égard, moins large que la loi Salique; puisque cette dernière imposait au propriétaire l'obligation de la marque comme signe de réserve, tandis que la loi bourguignonne ne permettait à l'étranger que de disposer du mort-bois et du bois mort gisant (De jacentivis et sine fructu arboribus), et qu'il lui était interdit de toucher à tous les bois durs. Qu'ils fussent marqués ou non, le propriétaire avait seul le droit de disposer de tous les arbres sur pied et portant fruits. Quant au bois mort et au mort bois, ils étaient tellement dans le domaine public que la loi

(1) Nous empruntons à M. Michelet (Origines du droit français) l'anaLyse d'un passage de Grimm qui se rapporte aux forêts des marches allemandes. Nous n'avons pas besoin d'ajouter que ce passage nous paraît plutôt le rêve d'un esprit malade qu'un monument sérieux de législation. Nous le rapportons tel quel: « Les gens de la Marche eurent bien de la peine, pendant le moyen âge, à défendre la liberté de leurs vieilles forêts contre la feodalité insolente dont ils étaient environnés. De là, l'esprit de jalousie et de rigueur excessive qui perce dans tous leurs règlements; de là, ces peines effroyables, sans doute purement comminatoires, qu'ils prononcent contre ceux qui violeront le terrain libre. Il semble que la forêt soit encore sacrée, comme au temps de la déesse Hertha. Le non-résident qui acquiert des terres ne peut, quand il traverse la Marche, atteler les chevaux à la charrue; il faut qu'il la porte lui-même (Grimm, 518).

« S'il arrivait qu'on se saisit d'un brûleur de cendres, ou d'un homme qui mit le feu dans le bois, on le liera sur un van, et on le placera devant les magasins de la commune; là il y aura une charretée de bois allumé, et on le tiendra pieds nus devant le feu à neuf pieds de distance, jusqu'à ce que la plante lui tombe des pieds (année 1423).—On fera devant ses pieds un feu tel que les semelles lui brûlent, les semelles de ses pieds et non de ses souliers. On est d'avis aussi que si quelqu'un incendie et brule mechamment la Marche, on placera un tel homme dans la peau nouvellement écorchée d'une vache ou d'un bœuf, on le couchera à trois pas devant le feu à l'endroit où il est le plus violent, jusqu'à ce que la Lamme flambe par dessus, et on répétera cela deux et trois fois, toujours à l'endroit où le feu est le plus violent. Cela fait, mort ou vif, il a amendé sa faute. On est encore d'avis que si quelqu'un écorce un arbre sur pied, on l'ouvrira par le nombril, on attachera ses intestins avec un clou de fer à cheval, à l'endroit même où il aura commencé à écorcer, puis on le tirera autour de l'arbre jusqu'à ce qu'il couvre tout l'espace qu'il a écorcé, dût-il ne pas conserver un seul intestin intact. Question: Si quelqu'un coupe un arbre fruitier et en cache le tronc, avec dessein de voler, quel châtiment doit-il encourir? Celui qui agira ainsi aura la main droite liée sur le dos, le ventre cloué sur le tronc; une bache sera placée dans sa main gauche pour qu'il se détache s'il peut. S'il arrivait qu'un homme fût trouvé coupant du bois pendant la nuit, on emmènera l'homme

Ces dispositions du code burgundien sur les bois sont une conséquence et une application d'un principe général qui faisait aux sujets de Gondebaud un devoir positif de l'hospitalité, cette vertu des peuples barbares. Chez les Burgundes le refus d'exercer l'hospitalité était considéré comme un délit et puni comme tel. Quiconque avait refusé son toit ou son foyer à quelqu'un qui l'avait demandé devait payer une amende de trois sous d'or. Quicumque hospiti venienti tectum aut focum negaverit tres solidorum inlatione mulctetur (Lex Burgund., tit. 58, De hospitalitate legatis extranearum gentium, et itinerantibus non negunda).

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19. Le fait principal qui domine toute cette partie si obscure de notre histoire, c'est l'indépendance absolue dans laquelle vivaient les tribus germaniques établies sur le sol de la Gaule. Lors de l'avénement de la dynastie carlovingienne, les souverains et l'Église réunirent tous leurs efforts pour établir une sorte d'unité, de fusion entre les nations auxquelles les princes mérovingiens avaient permis de conserver ou de modifier, suivant leurs besoins, leurs anciennes lois et leurs institutions domestiques (V. Gibbon, chap. 38). Tanta diversitas legum (disait Agobard au neuvième siècle), quanta non solum in regionibus, aut civitatibus, sed etiam in multis domibus habetur. Nam plerumque contingit ut simul eant aut sedeant quinque homines, et nullus eorum communem legem cum altero habeat. Les efforts tentés par les princes pour opérer une fusion si désirable furent longtemps impuissants, et durent plus d'une fois céder devant les habitudes anciennes et invétérées des populations. Ainsi on voit Charlemagne, l'auteur des Capitulaires, promulguer de nouveau la loi Salique qui dut pendant bien des années encore prévaloir sur les nouvelles ordonnances. -Nous allons chercher à concilier les dispositions de cette loi, en ce qui concerne les forêts, avec celles des Capitulaires sur le même objet.

20. Pour ne rien omettre des dispositions législatives de cette époque qui concernent les forêts, nous transcrivons ici quelques passages des lois observées par les barbares établis sur le sol de la Gaule ou par leurs voisins: — 1o Bavarois. Le tit. 21 de la loi des Bavarois, dont la rubrique est : De pomariis et nemoribus (3).—2o Alemans. La loi des Alemans ne

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ainsi trouvé avec le tronc qu'il aura abattu, on transférera l'homme et le tronc, à Spelle sous le tilleul, et sur ce tronc on coupera la tête au coupeur de bois d'un seul han (bı enem blase). Grimm, 516, 518, 520.

>> Nous n'avons aucune preuve historique que ces terribles menaces aient eu jamais exécution. D'autres textes, tout contradictoires, portent au contraire l'empreinte de la débonnaireté germanique celui-là ne volo point qui, pendant le jour, coupe et charge du bois dans la Marche; car en coupant et chargeant, on attire le monde. Il n'y a point de vol avec la hache. S'il arrivait cependant que quelqu'un abattit un arbre de manière que le coup de hache ne se pût entendre, ce serait un vol.-Dans la Franconie, l'on dit: couper, c'est appeler; charger, c'est attendre (Grimm, 47). »

(2) Il s'agit probablement ici, comme dans la loi Salique, de sous d'or, (3) Voici le texte de ce titre 21 (*) :

§1.- - Si quis alienum pomarium effodierit per invidiam, vel exciderit arbores fructiferas, ubi duodecim sive amplius fuerint, in primis quadra ginta solidos componat, vinginti cujus pomarium fuit, et alios vinginti in publicum, quia contra legem fecit. Et alias arbores similes ibi plantet, e unamquamque arborem cum solido componat; et omni tempore pomorum solidos donet usque dum illæ arbores fructum faciant quas ille plantavit. § 2. -Si quis aliena nemora præciderit, si portat escam, et rubus est, cum solido et simile componat.

§ 3. Et si amplius usque ad numerum sex, per singulos singulum restituat. Deinde arborum numerositatem restituere cogatur; et de his quæ nondum fructum portaverunt, cum tremisse et simile restituat.

§ 4. De fagis vero, tremissem et simile restituendum censemus, usque ad numerum sed solidorum per singulas arbores, id est, decem et octo. Et si amplius damnum infert, non cogatur componere nisi numerum restituendi."

§ 5. Si malum, vel pirum, vel cætera hujusmodi, pari sententia ut fagi perseverent.

(*) Nous suivons toujours le texte de Baluze, t. 1, p. 139.-Il nous paralt considérablement altéré, et il présente de nombreuses variantes avec celui de du Tilles qui, du reste, ne semble pas meilleur.

contient aucune disposition relative aux forêts. On trouve seulement dans le chap. 97 un paragraphe qui punit le fait d'avoir Incendié les étables (buricas), construites dans les forêts pour abriter les porcs ou les autres bestiaux (V. Baluze, t. 1er, p. 83, et du Cange, v° Burica).-3° Longobards.-Dans la loi des Longobards, il n'y a aucune disposition relative aux arbres : le § 5 seul s'occupe de la répression du braconnage dans les forêts royales. On parlera ci-après (no 29) des textes relatifs au pâturage. -4° Visigoths. La loi des Visigoths contient quelques dispositions relatives aux forêts (1).

21. Parmi les auteurs qui ont fait quelques recherches historiques sur la propriété forestière, nul ne s'est occupé de la loi Salique. Quelques-uns ont cité la loi Gombette; tous ont parlé des Capitulaires, mais aucun ne paraît en avoir saisi le véritable sens. Nous allons parcourir et indiquer rapidement des passages des Capitulaires qui sont relatifs aux forêts. Les textes que nous rapportons sont tirés de la meilleure édition qu'on connaisse, celle qui a été faite sur les manuscrits de Baluze en 1780. Le Capitulaire de 800 (et non 802, comme l'indique Pecquet, et d'après lui M. Roy dans son rapport sur le code forestier), intitulé: De villis et curtis imperatoris, commence ainsi : § 1. Volumus ut ville nostræ, quas ad opus nostrum serviendum institutas habemus sub integritate partibus nostris deserviant, et non alliis hominibus. Le mot judices est sous-entendu dans ce paragraphe. Ce Capitulaire n'est autre chose qu'une instruction adressée par le roi Charles (il n'était pas encore empereur) aux judices de ses domaines. Ces judices n'étaient en réalité que des intendants de second ordre soumis aux comites, dont cependant le Capitulaire ne parle pas. Ces judices commandaient aux familiæ du domaine royal, et l'on entendait par ce mot l'ensemble des serfs et des colons attachés à la glèbe. Tout en donnant autorité sur eux aux judices le roi défend à ces derniers d'employer à leur service personnel aucun membre de la familia, soit à faire des corvées, soit à fendre du bois, soit à tout autre ouvrage.— Le 36, même Capitulaire, porte: Ut sylvæ vel forestes nostræ bene sint custodita; et ubi locus fuerit ad stirpandum, stirpare faciant, et campos de sylva increscere non permittant. Et ubi sylvæ debent esse, non eas permittant nimis capulare atque damnare. Et feramina nostra intra forestes bene custodiant. Similiter accipitres et spervarios ad nostrum profectum provideant; et censa nostra exinde diligenter exaclent. El judices, si eorum porcos ad saginandum in sylvam nostram miserint, vel majores nostri, aut homines illorum, ipsi primi illam decimam donent ad exemplum bonum perferendum, qualiter postmodum cæteri homines illarum decimam pleniter persolvant.-Le dernier paragraphe se termine par l'indication des légumes et des essences d'arbres que le prince désire avoir dans ses jardins. Il y a aussi une foule de dispositions relatives aux vignes, aux vendanges, aux prés, aux moissons, à la chasse, à la nourriture des petits chiens. C'est tout simplement un règlement domestique dont l'effet ne s'étendait pas au delà des limites des ville du prince, et dont on a singulièrement exagéré l'importance. Le Capitulaire de 802 ne contient, dans son art. 39, que des dispositions relatives à la chasse des bêtes fauves.

Dans le Capitulaire de 813, intitulé De justitiis faciendis, ex lege Salica, Romana et Gundobada, on lit au § 18, sous la rubrique De forestibus dominicis: De forestis, ut forestarii bene illas defendant, simul et custodiant bestias et pisces; et si rex

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§ 6. Si vero de minutis silvis de luco vel quacunque kaheco vegetum reciderit, cum solido et simile componat, et deinceps usque ad sex solidos restitutionem et compositionem.

§7.- Si amplior fuerit numerus vegetarum, non cogatur componere, aisi restituere cum simili et sacramento. Si autem post compositionem et restitutionem damnum intraverit inferre in ipsius nemora sententiam, sed superioris observetur regula sententiæ.

(1) Voici, d'après le Codex legum antiquarum de Lindenbrog, un extrait du livre 8, § 1, intitulé: De compositione arborum incisarum:

Si quis inscio domino alienam arborem inciderit: si pomifera est, det solidos III. Si oliva, det solidos V. Si glandifera major est, det solidos II. Di minor est, det solidum unum. Si vero alterius sunt generis et majores alque prolixiores, binos solidos reddat, quia licet non babeant fructum, ad multa tamen comoda utilitatis præparant usum. Et hæc quidem compositio erit, si tantundem abscisæ fuerint. Nam si præsumptive incise alicubi

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alicui intus foreste feramen unum aut magis dederit, ampliùs ne prendat quàm illi datum sit.

Le Capitulaire de Louis le Débonnaire de 819 contient un § 22, intitulé: De forestibus dominicis, ainsi conçu : De foreslibus nostris, ut ubicunque fuerint diligentissime inquirant quomodo salvæ sint et defensœ, et ut comitibus denuntient ne ullam forestem noviter instituant; et ubi noviter institutas sine nostra jussione invenerint, dimittere præcipiant (2).—Et dans les additions de la même année, on lit, § 7 : De forestibus noviter institutis ut quicunque illas habet, dimittat, nisi fortè indicio veraci ostendere possit quòd per jussionem sive permissionem Domni Karoli genitoris nostri eas instituisset; præter illas quæ ad nostrum opus pertinent, unde nos decernere volumus quicquid nobis placuerit.

Dans la compilation des sept livres de Capitulaires réunis pa Angesise, on trouve, au livre 4, le § 42, intitulé : De forestibus noviter institutis, et le § 65 du même livre, intitulé: De forestibus dominicis, qui sont rédigés absolument dans les mêmes termes que le § 22 du Capitulaire de 819, et le § 7 des additions au même Capitulaire.

Mais l'Appendix 3 au même livre 4 contient, au § 3, la disposition suivante : De foreste quam Autharius comes habere vult, ubi ea priùs non fuisse dicitur, volumus ut missi nostri rei veritatem inquirant, et juxtà quod justum invenerint, ex nostra auctoritate definiant.

Ce dernier passage peut être considéré comme un cas particulier ou une application du § 7 des additions au Capitulaire de 819, qui renferme la défense générale d'établir, sans l'autorisation du roi, aucune foresta nouvelle.

C'est aussi dans les Capitulaires qu'on rencontre le premier exemple d'une donation de forêt en toute propriété. Cette donation est de 804; elle est faite par Charlemagne à l'évêque et à l'église d'Osnabruck, et elle porte en titre : Præceptum de scholis græcis et latinis instituendis in ecclesia Osnabrukgensi. On y lit : Notum sit omnibus sanctæ Dei ecclesiæ fidelibus, nostrisque præsentibus scilicet et futuris, qualiter nos, ob nostræ mercedis augmentum, Wihoni Osnabrukgensi episcopo, suæque ecclesiæ, quam nos primam omnium in Saxonia in honore sancti Petri, principis apostolorum, et sanctorum martyrum Crispini et Crispiani, construximus, quoddam nemus vel forestum infrà hæc loca silum Farnevinkil, Rutanstein, Angeri, Osning, Sinedi, Bergashovid, Drevensmeri, Etanarfeld, Dumeri, collaudatione illius regionis potentum cum omni integritate, in porcis videlicet sylvaticis, atque cervis, avibus et piscibus, omnique venatione quæ sub banno usuali ad forestum deputatur, ad similitudinem foresti nostri aquisgranum pertinentis in sylva Osningi, in perpetuum proprietatis usum donavimus, ed videlicet ratione quòd si quisquam hac idem nemus nostro banno munitum sine prædictæ sedis episcopi licentia, studio venandi vel sylvam extirpandi, vel aliquod hujusmodi negotium peragendi, unquàm intrare præsumpserit, sciat se tam divinæ quàm et regiæ ultionis vindictam incursurum, nec non pro delicto sexaginta solidos nostri ponderis, quos nobis pro banno violato deberi statuimus, redditurum, etc.

22. Pecquet, grand-maître des eaux et forêts au département de Normandie, sous Louis XV, est le premier qui ait invoqué les Capitulaires à l'appui de l'opinion suivant laquelle la Gaule aurait été tellement envahie par les forêts, au 9° siècle, que

ferantur aut similes arbores cum illis incisis dabuntur, aut prædictum precium duplo solvetur.

§4. Si arbor ex parte incisa, sive combusta, dampna concutiat : Si arbor ex parte incisa sit, aut ex aliqua parte igne combusta, et illo qui inciderat, vel incendere cœperat, absente arbor ceciderit, nulla ei pro dampno, quod per ruinam arboris factum est, calumnia moveatur.

§ 8.Si in aliena silva quis cum vehiculo capiatur : Si quis aliquer comprehenderit, dum de silva sua cum vehiculo vadit, et circulos ad cupas. aut quæcunque ligna, sine domini jussione aut permissione asportare præsumpserit, et boves et vebiculum alienæ silvæ præsumptor omittat, et quæ dominus silvæ cum fure aut violento comprehenderit, indubitanter obtineat.

(2) C'est le capitulaire cité en note du rapport de M. Roy, ab initio, V. ce rapport infrà, p. 92.

l'un des premiers soins de Charlemagne aurait été de favoriser les défrichements et de défendre les plantations de forêts nouvelles (Préface des lois forest., Paris, 1753, in-4o).—Cette préface d'un ouvrage si estimable d'ailleurs, et qui contient le meilleur commentaire de la célèbre ordonnance de 1669, est remplie l'erreurs. Les assertions de Pecquet, excellent forestier, mais fort mauvais historien, ont été la source commune à laquelle ont puisé ceux qui ont entrepris d'écrire l'histoire de la propriété forestière sans lire attentivement les ouvrages originaux. Il n'est donc pas étonnant qu'ils se soient égarés.

Dans le remarquable rapport fait à la chambre des pairs sur le code de 1827, M. Roy a suivi, sans les contrôler, les documents fournis par Pecquet, et il a dit que l'abondance des bois était telle, sous les rois de la seconde race, que ces princes étaient obligés d'en défendre de nouvelles plantations, et qu'ils ordonnaient le défrichement de ceux qui étaient plantés. A l'appui de cette opinion, M. Roy citait : 1° le passage du Capitulaire de l'an 800 (auquel il donne, d'après Pecquet, la date de 802): Et ubi locus fuerit ad stirpandum stırpare facient judices;-2o Le Capitulaire de Louis le Débonnaire, par lequel ce prince ordonne aux judices: Ul comilibus denuntient ne ullam forestam noviter instituant, et ubi noviter institutas sine nostra jussione invenerint, dimillere præcipiant.

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23. Cette interprétation, reproduite par presque tous les écrivains qui ont expliqué ou commenté la loi de 1827, n'est rien moins qu'exacte. — D'abord, et indépendamment de tout examen attentif des textes, comment pouvait-on vouloir concilier cette défense de planter des bois dans des pays qui étouffaient | sous la stérile abondance de ces produits? Il est évident que s'il y avait déjà trop de forêts, personne ne se serait avisé d'en planter de nouvelles. La défense était donc superflue, et l'on ne comprend pas que, si le besoin de défricher se faisait si vivement sentir, il pût y avoir des hommes assez insensés pour vouloir augmenter, par des plantations nouvelles, la masse de produits déjà trop abondants. Ensuite, pour peu qu'on se fùt donné la peine de parcourir le Capitulaire de l'an 800, d'où est extrait l'ordre de faire extirper ou défricher, on voit que ce Capitulaire, qui a pour titre : De villis et curtis (1) Caroli magni, concerne uniquement les villæ regiæ, vastes domaines entremêlés de jardins et de vergers, et dont l'administration était confiée à des économes ou intendants appelés judices, chargés de veiller à leur entretien, d'y faire venir des légumes et des arbres d'agrément, d'entretenir et de nourrir les meutes, de détruire les loups et de conserver le gibier (V. suprà, no 21, où se trouvent rapportés in extenso ¡cs passages du Capitulaire relatifs aux sylvæ et aux foreste des villa regia). Comment donc s'étonner de ce que le prince qui s'occupe de détails aussi minimes que celui de la nourriture des chiens (§ 58, Baluze, p. 339), de la culture des raves, des poreaux, de la moutarde et du romarin (§ 70, Baluze, p. 342), du compte des produits en beurre, en fromage, en miel, en radis (§ 44, eod., p. 337), prescrive à ses intendants de ne pas permettre aux forêts d'envahir les champs cultivés: Et campos de silva increscere non permittant? —V. suprà, no 21.

On doit remarquer, d'ailleurs, que les judices, ainsi que les majores (majordomes, maîtres d'hôtel) étaient intéressés à ces accroissements des forêts, puisqu'ils avaient le droit d'y conduire leurs porcs en payant la dîme (§ 36, in fine). Pourquoi, dès lors, le prince n'aurait-il pas pris toutes les mesures nécessaires pour prévenir l'envahissement des champs par les forêts? Envahissement qui, d'ailleurs, devenait presque certain si la culture des champs était négligée, ce que cette disposition avait encore pour objet d'éviter.

Il demeure donc démontré que l'effet du § 36 du Capitulaire de 800 ne s'étendait pas au delà des limites des villæ regiæ, et que, des lors, son application, comme mesure générale d'intérêt public, est absolument sans objet et n'a jamais pu exister.

24. Quant au Capitulaire de Louis le Débonnaire, il ne con

(1) Corta, curta, cortis, cortada, habitation rustique, le plus souvent entourée de murs. V. du Cange.

(2) Spelmann a décrit ainsi la création d'une Foresta : Constituuntur regio diplomate viri aliqunt graves et prudentes, qui locum forestæ designatum intuentur, lustrant, el terminis manifestis circumscribunt, perimpleto hoc, et in cancellaria monumentis (de more) inscripto, rex præconis GE

TOME XXV.

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cerne pas le moins du monde les forêts, en tant qu'il s'agirait de les faire défricher, mais il s'applique uniquement aux réserves, ou garennes propres à la chasse et établies dans les forêts sine jussione regis. On sait en effet que, si un grand de la cour, un comte (comes) voulait établir une garenne (foresta), dans quelque forêt que ce fùt, alors même qu'il en aurait été propriétaire, il devait en demander l'autorisation au prince.-V. n° 21, le § 7 des add. au Capitul. de 819, et le passage du Capitul. rappelé dans l'appendice d'Angesise, par lequel le prince demande un rapport aux missi sur une foresta nouvelle que veut établir le comte Autaric.

25. Au prince seul, en effet, appartenait alors le droit de laisser établir une foresta; c'était ce qu'on appelait forestare, afforeslare, ou inforestare (2). Mais lorsque la foresta avait été établie, même avec le consentement royal, elle pouvait être supprimée, aussi bien dans les domaines des particuliers que dans ceux du prince. C'est ce qu'on appelait deaforestare ou disaforestare (Houard, t. 2, p. 361), ce qui ne veut pas dire défricher, comme le prétend Pecquet (Préface des lois forestières, p. 5). La charte d'Édouard ler roi d'Angleterre, citée à l'appui de son opinion par cet auteur (qui fait régner à la fin du 12° siècle Édouard Plantagenet, né seulement en 1240), ne serait pas une preuve complète de la vérité de son interprétation. Un acte de ce prince modifie quelques articles de la fameuse charte De forestis, donnée en 1215 par Jean Sans Terre, et dans laquelle on trouve plusieurs dispositions relatives aux forestæ, que le roi se réserve de deaforestare. Il faut lire cette charte en latin, soit dans Math. Paris, Hist. d'Angl., p. 259, soit dans Littleton et Houard, Preuves des anciennes lois, t. 2, p. 391, mais non dans la traduction très-fautive donnée par Rapin de Thoyras, t. 2, p. 373.- Les foreste détruites pouvaient être reconstituées; c'était ce qu'on appelait reaforestare (du Cange, vo Foresta ).

On doit dire cependant que ce droit de faire détruire les forestæ établies cum jussione regis dans les bois seigneuriaux ne paralt pas avoir été exercé par les rois de France. Si l'on trouve dans les chartes anglaises ou allemandes de nombreux exemples de Forestæ deaforestatæ, on ne voit pas qu'un semblable droit ait jamais été exercé en France. - Du Cange, vo Foresta, ne cile pas une seule charte française dans l'alinéa deaforestare.

26. Il arrivait quelquefois qu'on demandait au prince de deaforestare, afin de pouvoir convertir les terrains ainsi libérés du droit de chasse, en champs ou en prés. A ce point de vue, la citation de Pecquet est exacte parce que, en effet, elle se rapporte à une charte particulière qui place certains terrains déterminés hors de la juridiction des officiers forestiers, et qui affranchit ces terrains de la servitude de chasse réservée (deaforestal), en autorisant les possesseurs à disposer de leurs terrains comme bon leur semblera. Voici le passage de cette charte d'Édouard ler, auquel Pecquet fait allusion: Concedimus etiam........... quod omnes terræ et tenementa sua, el hominum ac tenentium suorum in mancrus et locis prædictis, tam in bosco, quam in plano existentia, sint deaforestata et extra omnem potestatem forestariorum, viridariorum, regardatorum, agistalorum, et omnium adıorum ballivorum et ministrorum forestæ nostræ, et quod possint do boscis suis, de manerus prædictis pro voluntate sua..... commodum suum facere, et boscos illos assartare, et in culturam redigere.—Il est bien évident que si le défrichement doit être ici la conséquence de la liberation des terrains, le mot deaforestare u'exprime pas le moins du monde cette idée de défrichement, puisque le prince ordonne que les tenamenta sint deaforestata.... tam in bosco quam in plano. Il est clair qu'on n'avait pas besoin d'autorisation pour défricher ce qui n'était pas en nature de bois. Le mot deaforestare, pris dans son acception la plus générale, désigne donc l'acte par lequel le prince soustrait les terrains au droit de foresta, c'est-à-dire de chasse. Le passage suivant de la charte susdatée de Jean sans Terre ne peut laisser aucun doute à cet égard :

ipsum locum, seu regiunculam, per totum comitatun, ubi sita est, forestam edicit, forestæque legibus communitam. Prohibet insuper ut nemo ea turgeat audacia, quod sine majestatis venia aliquam illic exerceat venationem, diciturque jam locus afforestari, et, ut cæteræ forestæ, in omnibus valere, magistratus deinceps, officiales et ministros cooptat, quorum munera leæ ipsa dictat et consuetudo.

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