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rencontrer de la part de plusieurs membres une certaine opposition, la Réunion est d'avis que les juges de la Cour d'appel devront être nommés par la Porte avec l'assentiment des Puissances Garantes.

Elle admet en outre, en ce qui concerne les finances, qu'une partie de la somme attribuée à la Porte dans les revenus de la Bulgarie sera consacrée au service de la dette publique ottomane.

La Réunion décide que des commissions spéciales formées dans son sein s'occuperont ultérieurement de préparer la rédaction des conditions de la paix à intervenir entre la Porte, la Serbie et le Monténégro, et l'organisation à donner aux provinces de Bosnie, d'Herzégovine et de Bulgarie Elle fixe à demain 14 sa prochaine séance.

(Annexe I au Compte Rendu No. 3).

(Suivent les signatures).

Loi des Vilayets.

Pour répondre quelque peu aux réclamations incessantes de la diplomatie européenne relativement à l'exécution des promesses contenues dans le hatt-i-houmayoum de 1856, la Porte se décida en 1870 à remplacer définitivement l'ancienne division territoriale de l'Empire par la création de vilayets sur le modèle de la province du Danube, organisée en 1864 par Midhat Pacha.

L'idée qui avait présidé à cette réforme était destinée, selon les Ministres ottomans, à amener une certaine décentralisation administrative dans l'Empire qui donnât de nouvelles garanties à l'exercice des droits politiques des Chrétiens, aussi bien que la sécurité à leurs intérêts matériels.

La loi sur les vilayets fut successivement introduite en Turquie, et, sauf de minimes modifications ajoutées postérieurement, elle est aujourd'hui en vigueur dans 28 provinces sous sa forme primitive.

Les subdivisions du vilayet sont, comme on ne l'ignore pas, le sandjak ou liva (arrondissement), le kaza (canton) et le nahié (commune), chacun d'eux ayant respectivement à sa tête un mutessarif, un kaïmakam ou un mudir.

Le Vali est chargé de l'exécution des lois de l'Empire et, dans les limites des pouvoirs qui lui sont attribués, des lois qui régissent le vilayet.

Les attributions des mutessarifs, des kaïmakams et des mudirs sont, sur un moindre pied, calquées sur celles du Vali, auquel ces fonctionnaires sont hiérarchiquement subordonnés. Ils sont tous nommés par le Gouvernement, sauf le mudir qui est élu pour une année par les habitants et confirmé par le Vali. Ils administrent tous avec le concours de conseils élus au moyen du suffrage censitaire. Ainsi, pour être électeur dans la commune, il faut payer au moins 50 piastres par an de contributions directes; pour être maire ou conseiller municipal, il faut un cens double. Pour être éligible aux conseils cantonaux ou d'arrondissement, il faut payer 150 piastres de contributions directes par an; enfin, pour siéger au conseil général du vilayet, un cens de 500 piastres est nécessaire.

Nouv. Recueil Gén. 20 S. III.

D

Quant à l'élection elle-même, si l'on prend pour type celle des membres du conseil des tribunaux, des sandjaks, les dispositions de la loi sont les suivantes: le Vali et les principaux fonctionnaires de la province, c'està-dire le mufti, le kadi, le defterdar (receveur des finances) et le secrétaire général, assistés des chefs religieux des communautés Non-Musulmanes, se réunissent en comité électoral et choisissent sur la liste des éligibles domiciliés dans les chefs-lieux d'arrondissement et de canton, six Musulmans et six Non-Musulmans; cette liste électorale est envoyée à tous les conseils cantonaux de l'arrondissement; ceux-ci ont la faculté d'éliminer le tiers des noms inscrits sur la liste qui est transmise au Vali. Le Vali élimine à son tour la moitié des candidats restants, et nomme dans l'autre moitié les membres du conseil d'arrondissement et des tribunaux. Toutes les élections aux divers étages de l'édifice administratif et judiciaire se pratiquent de cette façon. La composition des conseils et des tribunaux est tout aussi peu faite pour assurer les droits des Chrétiens que le mode des élections.

Le conseil général du vilayet est formé de deux membres musulmans et de deux membres Non-Musulmans par canton, tous élus de la façon indiquée plus haut et ayant le vali et un fonctionnaire également Musulman pour vice-président.

Le conseil d'administration centrale au vilayet se compose des cinq principaux fonctionnaires, tous Musulmans, de deux Musulmans et de deux Non-Musulmans élus, en tout sept Musulmans et deux ou quatre Non-Musulmans, en y comprenant le metropolitian et le rabbin, là où il y en a. Les conseils cantonaux sont formés de cinq membres Musulmans sur deux et parfois trois Non-Musulmans.

En mettant en regard un pareil système électoral et des medjliss ainsi constitués, on est en droit de se demander si c'est là ce que le hatt-ihumayoum entend par égalité de droits et par liberté des élections! Grâce à l'application uniforme de la loi des vilayets, des administrations mixtes, c'est à-dire à majorité musulmane, ont été implantées dans toutes les localités où l'élément musulman est peu nombreux ou même manque totalement. En Bulgarie, en Bosnie, en Épire, aux iles, les communes où les habitants, tous en majorité Chrétiens, auraient eu le droit de s'administrer eux-mêmes, ont reçu des administrations mixtes, c'est à-dire des administrations à majorité musulmane.

Le principe électif est tout aussi faussé dans son application à la nomination des juges aux tribunaux mixtes.

Malgré la publication de codes spéciaux pour la procédure civile et commerciale, malgré l'institution des cours civiles et criminelles de diverses instances à la place des anciens mékhémés, la justice n'en est pas moins maintenant en Turquie chose tout aussi rare que par le passé, du temps où la loi du Chéri était seule admise. Les Chrétiens n'ont guère gagné au change, car, en matière civile, ces prétendus tribunaux mixtes sont devenus compétents même des procès entre des Chrétiens, qui autrefois étaient réservés au jugement exclusif des chefs des communautés respectives. Et, dans les autres cas, les juges non-musulmans, toujours en minorité, ne

peuvent jouer d'autre rôle que celui de personnages muets, le moindre acte d'indépendance de leur part les exposant aux rancunes du pouvoir ou de leurs propres collègues musulmans.

Les cours criminelles offrent la même analogie avec les cours civiles. Elles sont composées de membres musulmans et non-musulmans choisis parmi les notables chrétiens qui paient au moins 500 piastres de contributions directes, jouissent de crédit et »savent lire et écrire«. Ce sont là

les garanties exigées des magistrats de la Turquie par la loi!

Ainsi composée, la haute cour criminelle doit-elle prendre pour règle la conviction morale de la loi, ou bien, se mettant à la place du jury, suivre la conviction morale de l'homme? Dans l'un et l'autre cas, quelle sera la législation qui sera appliquée ?

La justice rendue d'après la conviction morale de la loi suppose le juge et la loi. Or ici, dans la haute cour criminelle, le juge, c'est le tchorbadji, payant 500 piastres de contributions directes et sachant signer son nom; quant à la législation criminelle, elle consiste en un amalgame de dispositions et de principes empruntés au Chéri d'une part et aux lois françaises de l'autre, dont on s'est efforcé d'opérer la conciliation. De code d'instruction criminelle, il n'en existe d'ailleurs pas. Si la cour se constitue en jury, une magistrature est encore nécessaire pour diriger les débats et, le verdict rendu, pour appliquer la loi.

La qualité des Présidents, pris sauf, en ce qui regarde les tribunaux de commerce, dans le corps des ulémas, l'ignorance des juges, leur cupidité ou leur fanatisme, les lacunes de la législation, toutes ces causes réunies peuvent-elles produire un autre résultat que celui qui a été constaté? Doiton s'étonner du volumineux dossier des rapports consulaires sur la nonadmission du témoignage des Chrétiens, sur l'application de la torture, les dénis de justice et les prévarications?

Cette absence totale de garanties qu'offre la loi des vilayets à la population chrétienne, est-elle compensée au moins par une bonne organisation du service administratif?

A l'égard de la population, le pouvoir du Vali est presque discrétionnel; la police, comme tout le reste, est entre ses mains; à l'égard de l'autorité centrale, il constitue souvent un rouage embarrassant pour le système de centralisation si fort en honneur ici. Ainsi le defterdar, directeur des finances et de la comptabilité, placé selon la loi sous les ordres du Vali, est en même temps directement responsable envers le Ministère des finances. Cette double disposition offre une contradiction évidente. L'ingérence du Gouverneur se produit dans les détails des fonctions du defterdar; il en est de même de toutes les autres branches du service. De là, des embarras et des retards dans les moindres affaires.

Si, d'un côté, on ajoute les changements incessants des valis, et, de l'autre, l'incapacité, l'ignorance et les vices des fonctionnaires de tout grade placés en face d'une responsabilité ainsi partagée, on se fera une idée de ce qu'est, dans la pratique, et après l'institution des vilayets, le régime de l'administration ottomane en province.

(Annexe II au Compte Rendu No. 3).

Bulgarie.

Bases d'une Organisation.

L'autonomie administrative de la Bulgarie sera basée sur la décen

tralisation.

Le canton nahié (avec 5000 à 10.000 habitants, formera l'unité. Il sera gouverné par un conseil cantonal, composé de représentants de chaque commune, sans distinction de religion, et par un maire. Ce dernier sera élu parmi les membres du conseil cantonal, par le conseil luimême. Toutes les questions relatives aux intérêts du canton, telles que répartition et perception des contributions (certaines contributions indirectes exceptées), voies de communication, police, etc., seront résolues sans ingé-· rence des autorités supérieures.

sandjaks

Les cantons seront réunis en gouvernements avec des gouverneurs chrétiens ou musulmans, selon la majorité de la population. Nommés par le Gouverneur Général, les fonctionnaires n'en seront que les représentants et auront pour tâche de veiller au maintien de l'ordre et à l'activité des autorités cantonales.

Des conseillers, soit élus, soit désignés par le Gouverneur Général entre les notables, pourront leur être adjoints.

A la tête de la province sera placé un Gouverneur Général chrétien nommé pour cinq ans par un accord entre la Porte et les Puissances Garantes. Il représentera l'autorité suprême en exécutant les lois de l'Empire, et sera l'intermédiaire entre la province et le Gouvernement central.

La province sera formée des vilayets du Danube et de Sofia, et des sandjaks de Slivno, Philippopoli, Uskup et Bistoli, ainsi que des districts du sandjak de Serès, avec une population principalement bulgare.

L'unité de la province sera maintenue au moins pour les deux premières années, pour faciliter l'application de la nouvelle organisation.

Une assemblée provinciale se réunira chaque année pour examiner le budget, répartir les contributions et s'occuper en général des intérêts de la province. Les membres de l'assemblée seront élus par les conseils des cantons, groupés à cet effet en arrondissements électoraux de 20.000 à 30.000 habitants.

L'assemblée nommera une commission de permanence qui servira de conseil administratif au Gouverneur Général. Les chefs des communautés religieuses reconnues seront de droit membres de ce conseil.

Il y aura parfaite liberté de culte. L'entretien du clergé et des établissements religieux et d'instruction publique sera à la charge des communautés elles-mêmes.

Une milice locale chrétienne sera formée par voie de conscription et entretenue aux frais de la province pour en assurer la tranquillité. La milice dépendra du Gouverneur Général qui désignera les officiers. Le bédéli-askérié sera aboli. Les troupes ottomanes régulières seront cantonnées dans les forteresses.

La police sera formée d'habitants du pays sans distinction de culte, mais selon la proportion de la population dans les cantons. Les officiers musulmans et chrétiens seront nommés par le Gouverneur Général. La police formera un seul corps, mais ses agents seront sous les ordres des autorités locales.

La justice sera organisée de façon à être indépendante de l'administration. La justice de paix sera confiée aux conseils cantonaux, et les tribunaux civils et criminels seront composés de juges élus ou nommés pour un certain temps, sauf à être rendus inamovibles après ce laps de temps. Les juges de la Cour d'appel seront nommés par la Porte avec l'assentiment des Ambassadeurs. Les juges pourront être Chrétiens ou Musulmans, et statueront sur la base du code ottoman. Les causes appartenant spécialement à une confession quelconque seront de la juridiction des autorités ecclésiastiques de la communauté.

La moyenne des revenus fixes que le Gouvernement ottoman reçoit de la Bulgarie sera calculée sur les recettes de dix années et établie pour cinq ans, comme la somme normale des charges de la province. 30 pour cent de cette somme seront versés à la Banque ottomane pour les besoins du Gouvernement central et affectés en partie au service de la dette publique. Le reste des revenus sera employé aux besoins de la province. Le mode de répartition et de perception des impôts et contributions dépendra de l'assemblée et des conseils cantonaux. Les postes, télégraphes et douanes seront exclus de la compétence des autorités provinciales et ne leur seront soumis qu'autant que dans les autres vilayets. Il en sera de même des régies et des propriétés de l'Etat.

(Annexe III au Compte Rendu No. 3).

Bulgarie.

L'opportunité de constituer la Bulgarie en une seule province semble indiquée par différentes considérations.

C'est d'abord une question d'économie. Le pays partagé en deux provinces aurait à entretenir deux Gouverneurs Généraux, deux conseils, deux Cours de cassation et d'appel, etc.

D'un autre côté, les difficultés de trouver de bons fonctionnaires seront doublés par la nécessité de trouver deux Gouverneurs Généraux et de former deux Cours de cassation et d'appel.

Du reste, les limites proposées par le projet ne font qu'ajouter quatre sandjaks au vilayet du Danube qui avait existé jusqu'à cet été et qui n'a été dédoublé pendant la guerre que pour des raisons purement militaires.

Or, si le Vali, avec le régime centralisateur actuel et avec l'absence de toute liberté d'action chez les mutessarifs, avait pu de Roustchouk gouverner les sandjaks de Sofia et de Niche, pourquoi un Gouverneur Général, résidant, par exemple, à Sofia ou à Tirnovo, ne pourrait-il pas administrer cette même province augmentée d'un tiers environ, mais dotée de larges autonomies locales? Il ne faut pas perdre de vue que le système de self-government« proposé pour les cantons y place le vrai centre

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